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LIVRE PREMIER.

L'ASSURANCE UNIVERSELLE.

HISTOIRE DE L'ASSURANCE.

I. Définition et utilité de l'assurance.

« Le contrat d'assurance peut s'appliquer à toutes sortes de chances et de risques on peut assurer une maison contre les incendies, une vigne, un champ contre la gelée, la grêle et autres cas fortuits; des marchandises expédiées par terre, ou sur des rivières et canaux contre les dangers et accidents imprévus du transport et de la navigation; un créancier qui aurait quelques inquiétudes sur la solvabilité de son débiteur pourrait s'adresser à un homme plus hardi, et, moyennant un prix, recevoir de lui l'engagement de payer si le débiteur est insolvable à l'échéance; un associé pourrait se faire assurer, par un tiers ou par ses co-associés, le capital qu'il a mis en société, dont la perte est possible si la société fait mal ses affaires.» PARDESSUS, Cours de droit commercial, t. II, p. 295.)

«Par une organisation unitaire de l'assurance, l'Etat doit protéger la propriété contre les sinistres quí la ravagent périodiquement, comme il la protége contre le vol et les dégradations par une organisation unitaire de la justice.» (RAOUL BOUDON, Organisation unitaire des assurances.)

<< Les chances de la navigation entravaient le commerce. Le système des assurances a paru; il a consulté les saisons; il a porté ses regards sur la mer; il a inter

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rogé ce terrible élément ; il en a jugé l'inconstance; il en a pressenti les orages; il a épié la politique ; il a reconnu les ports et les côtes des deux mondes; il a tout soumis à des calculs savants, à des théories approximatives; et il a dit au commercant habile, au navigateur intrépide: « Certes, il y a des désastres sur lesquels l'humanité ne » peut que gémir; mais, quant à votre fortune, allez, >> franchissez les mers, déployez votre activité et votre » industrie; je me charge de vos risques. Alors, s'il est » permis de le dire, les quatre parties du monde se sont rapprochées.» (Code de commerce. Exp. des motifs, liv. II. «Si l'assurance n'avait pour fin que d'indemniser un perdant sans empêcher la plus grande somme des sinistres actuels par le perfectionnement des secours organisés, elle serait un bienfait pour les sinistrés, mais nullement pour la société collective, la masse des choses détruites tous les ans restant moyennement la même ; mais tout propriétaire devant être considéré commé usufruitier, puisqu'il ne peut emporter sa propriété dans son tombeau, le dispenser de payer l'assurance contributive des secours préventifs et compressifs, c'est l'autoriser à détruire la chose de famille où de communauté, sans aucune compensation. La puissance de se garantir des éléments n'étant pas donnée à l'homme isolé, mais à l'homme social, et l'homme isolé ne pouvant se soustraire au bénéfice des progrès scientifiques réalisés par la puissance associée de tous, nul aussi ne peut se dispenser, des qu'il en est requis par l'autorité compétente. de contribuer par la prime ou par l'impôt à la conservation de sa chose. que, d'ailleurs, il ne dépendrait pas même de la société de ne pas garantir. » (DONIES et AD. BARTHES, Des Assurances par l'Etat.)

2 II. - Précis historique de l'assurance.

Il serait assez difficile de trouver des traces certaines de l'assurance dans l'antiquité. Cette forme de garantie contre les divers risques n'existait même ni chez les Grecs ni chez les Romains. Ces peuples ayant été plus longtemps guerriers que commerçants ou industriels, la prévoyance sociale ne se faisait sentir que pour les objets de premiere nécessité; c'est ainsi que l'on distribuait des terres et des vivres à ceux qui en manquaient ; mais ces distributions n'ont aucun rapport avec ce que de nos jours nous nommons l'assurance.

L'on a cependant essayé de prouver que l'assurance existait soit à Athènes, soit à Rome, et même chez les Juifs. Quant à ces derniers on s'appuie sur l'extrait suivant du Lévitique ; « Si tu prêtes de l'argent ou des vivres

à ton peuple, n'exige ni intérêt ni surcroît quand ton frere devenu pauvre tendra vers toi ses mains défaillantes, tu le soutiendras; de même tu soutiendras l'étranger habitant afin qu'il vive avec toi tu lui prêteras sans intérêt ton argent et tes denrées. » (Ch. XXV, 35.)

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Nous ne voyons dans ce passage qu'une invitation à ne pas prêter à intérêt et à ne pas refuser l'aumône à celui qui la demanderait, mais nullement une garantie pour ceux qui devenaient pauvres, ou même pour ceux qui, étant riches, perdaient une partie de leur fortune.

L'on a aussi parlé du prêt à la grosse aventure, qui se pratiquait en Grece et principalement à Athènes. Cette opération consistait à donner au prêteur, indépendamment de l'intérêt de ses fonds, une somme supplémentaire prélevée sur les bénéfices, et cela à titre de compensation pour les risques que cet argent devait courir. Ce prêt n'était autre que de l'usure, et ne saurait être assiinilé à un contrat.

Voyous maintenant ce qui eut lien à Rome, et que quelques auteurs ont présenté comme du garantisme.

«Pendant la seconde guerre punique, les Romains, voulant envoyer des vivres en Espagne, s'engagèrent à indemniser les expéditeurs des pertes que l'ennemi ou les accidents du voyage pourraient leur faire subir. » (TITELIVE, liv. XXIII, ch. 49.)

Cicéron, ayant vaincu les Ciliciens, et désirant que le butin qu'il avait conquis parvînt sûrement à Rome, fit un contrat avec ceux qui se chargerent de cette entreprise, et exigea d'eux un cautionnement en échange des avantages qu'il leur offrit.

Rome eut beaucoup à souffrir d'une disette qui eut lieu sous l'empereur Claude. Celui-ci, pour stimuler le zele des marchands qui consentiraient à aller chercher des grains à l'étranger, leur en promit le payement, même en cas de naufrage. (SUÉTONE, liv. V.) Il paraît que ces marchands n'étaient pas fort scrupuleux, car l'histoire rapporte que de vieux navires, dont la cargaison n'avait aucune valeur, furent coulés bas par ceux qui les conduisaient, et qu'ils n'en réclamerent pas moins des indemnités considérables.

Ces faits et beaucoup d'autres que nous aurions pu y joindre ne prouvent nullement que l'assurance, telle qu'elle a été constituée dans nos sociétés modernes, exisfait dans l'antiquité.

Ce ne sont que des conventions particulières, isolées, se rapportant tout au plus aux assurances maritimes. Quant aux assurances sur la vie, nous ne voyons guére que le Digeste liv. XXXV, tit. II, § 68, contenant à leur égard un commentaire d'Ulpien.

Avant la conquête des Normands, c'est-à-dire en 1966,

des associations mutuelles s'étaient déjà formées en Angleterre. Leurs membres contribuaient volontairement pour venir en aide aux plus pauvres d'entre eux. Flusieurs sociétés semblables existaient à Cambridge et à Exeter, et Hicks, savant allemand du dix-septième siècle, en parle dans son Thesaurus. Il y avait aussi en Angleterre, au onzième siècle, des associations contre l'incendie. Les statuts de celle d'Exeter contenaient l'article suivant :

«Lorsqu'un membre sera sur le point d'aller au loin, chacun de ses confrères contribuera pour cinq pence (1 fr. 50 c.), et pour un penny (30 c.) si sa maison vient à brûler. »

Au douzième siècle, les Juifs habitant la France ne trouvèrent d'autre moyen que la mutualité pour se défendre contre les persécutions dont Philippe-Auguste les accablait. Lorsque les biens de l'un d'eux étaient confisqués, les associés en opéraient presque immédiatement la restitution.

Précédemment à cette époque, nous ne trouvons pas d'autres sociétés d'assurances établies en France.

Un chroniqueur flamand raconte qu'en 1311 les habitants de Bruges demanderent au cointe de Flandre la permission d'établir une chambre d'assurances maritimes, et qu'il la leur accorda. Mais cette assertion n'est confirmée par aucun autre historien, et dans sa Collection des lois maritimes, M. Pardessus la considère comme inexacte; de plus, les anciens codes du Nord sont muets à cet égard. La première loi flamande relative aux assurances maritimes n'est que de l'année 1537.

Nous avons déjà vu qu'au onzième siècle la mutualite était pratiquée en Angleterre; au quatorzième siècle, on la retrouve établie sur une plus vaste échelle. Ainsi, Ansell, dans son traité sur les Sociétés d'Amis, donne quelques extraits des engagements que prenaient les membres de l'association établie à Coventry, sous le titre de Sainte-Catherine's-Gild:

« Si un des membres souffre par incendie, inondation, vol ou autre calamité, l'association lui prêtera de l'argent sans intérêt.

>> S'il est malade ou infirme dans sa vieillesse, il sera soutenu relativement à sa condition.

» Aucun homme connu pour félonie, homicide, jeu, etc., ne peut être admis.

>> Si un membre tombe dans une mauvaise conduite, il sera d'abord admonesté, et s'il se montre incorrigible, il doit être expulsé.

>> Ceux qui meurent pauvres et ne peuvent pourvoir à leurs funérailles sont enterrés aux frais de l'association.»> Dans cette voie de l'assurance, l'Angleterre a toujours

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