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Xe objection:

Que deviendra la propriété patrimoniale?

Réponse :

Elle subira, dans sa transmission par voie de succession, les changements et les modifications qui seront les conséquences du nouvel ordre de choses. Que ces changements soient plus ou moins profonds, le sol en discontinuera-t-il d'être possédé et cultivé? Non. Eh bien! n'est-ce pas là ce qui est essentiel? Qu'importe à la société que le sol soit aux mains de tels possesseurs ou de tels autres ? Ce qui importe à la société, c'est que tous ses membres acquièrent la plénitude de leur développement physique et intellectuel. A cette condition, la société sera certaine que la terre à son tour atteindra à son plus haut degré de culture et de fécondité. La terre n'est qu'un instrument de travail. L'instrument de travail doit-il passer avant ou après l'éducation du travailleur ?

XIe objection :

Comment se constituera le douaire, pour reposer sur des fondements solides?

Réponse :

D'abord il reposera sur les bases dont il est déjà en possession, et si ces bases sont trop étroites, il les élargira. Le progrès naît de l'expérience, comme le fils naît de sa mère. Le douaire universel et inaliénable, par ce fait même que l'universalité sera sa tendance et son but, saura se prêter à toutes les exigences légitimes et revêtir toutes les formes nécessaires, jusqu'à ce qu'il ait trouvé la plus simple et la moins précaire. L'homme qui sème un gland sait que de ce gland il

sortira un chêne; mais il ne sait pas combien de racines, de branches, de feuilles et de fruits aura ce chêne. Le premier qui entrevit la force de la vapeur eût-il pu dire à combien d'applications innombrables elle donnerait lieu, et quelles révolutions sociales elle accomplirait? A un principe nouveau, il ne faut demander qu'une chose: est-il juste? Le surplus appartient au domaine de l'expérience et du progrès,

XII objection:

Pourquoi une réforme si radicale, si absolue? Pourquoi ne pas se borner à proposer le rétablissement du divorce et le droit de recherche de la paternité? Au plus, pourquoi ne pas s'arrêter à la conjonction du nom du père avec celui de la mère? Demander trop, c'est s'exposer à n'obtenir rien.

Réponse :

lly a longtemps que j'ai appris à quoi m'en tenir sur les réformes partielles; elles sont pour le moins aussi difficiles à obtenir que les réformes intégrales, et le plus souvent les demander ne sert qu'à se faire taxer d'inconséquence et battre à plate couture. Qu'on ne me parle donc plus de réformes partielles et de palliatifs. L'erreur est relative et la vérité est absolue. Quiconque cherche et poursuit la vérité doit donc être absolu.

Le rétablissement du divorce et le droit de recherche de la paternité sont des complications, et ne sont pas des solutions. Ils ne tranchent pas le nœud de l'indivision des enfants.

La loi civile n'a pas le droit de proclamer légitime ce que la foi religieuse proclame criminel. Dans ce cas, la loi détruit la foi.

Si le divorce est un acte coupable et condamnable devant Dieu et aux yeux du Pape, comment peut-il être un acte innocent et légitime devant la loi et aux yeux du magistrat?

Le divorce est une exception; il n'est pas une règle, c'est pourquoi je l'écarte; il tient plus de compte de la transmission des biens que du bonheur des personnes, des héritiers que des conjoints; il implique une société fondée sur l'indissolubilité du mariage; or, établir cette indissolubilité pour la détruire. c'est faire œuvre d'imprévoyance et d'inconséquence. Le divorce ne dénoue pas, il brise; il ne simplifie pas, il complique. Si les deux conjoints divorcés n'ont qu'un enfant, comment le partageront-ils? S'ils ont trois enfants, qui aura le troisième?

Le droit de recherche de la paternité, qu'il soit exercé par la mère exclusivement ou par la mère et les enfants inclusivement, est un droit dont l'exercice n'aboutit et ne saurait aboutir jamais qu'au scandale et qu'au doute. Il est aussi destructeur du prestige de l'autorité paternelle qu'incompatible avec la réalité de la piété filiale. La paternité qui est imposée n'est plus la paternité, et le fils qui s'adresse aux tribunaux pour réclamer d'eux un père vise sa fortune et non sa tendresse.

Où le droit de recherche de la paternité existe, le nombre des enfants réputés illégitimes, loin d'être plus faible, est plus considérable.

L'expérience est donc d'accord avec moi pour le condamner et le repousser.

Si elle était permise par la loi ou consacrée par l'usage, la conjonction du nom du père avec celui de la mère aurait pour effet de perpétuer, par une autre voie, ce qui existe et ce qu'on ne saurait trop anéantir, l'iné

galité des enfants arbitrairement partagés en deux catégories les enfants selon la loi et les enfants selon la nature.

Ceux qui porteraient deux noms, le nom de leur père conjointement avec le nom de leur mère, seraient réputés légitimes.

Ceux qui porteraient uniquement le nom de leur mère seraient réputés illégitimes.

Ce serait vouloir détruire ce qu'on aurait entrepris de fonder.

Toute règle qui n'est pas absolue n'est pas une règle.

Toute règle qui admet une exception, une seule, si petite qu'elle soit, est une amphore fêlée au fond, qui, parce qu'elle est plus lente à se vider par le fond qu'à s'emplir par le haut, ne s'en vide pas moins.

Aucune exception, sous aucune forme, sous aucun prétexte, sous aucun motif, ne doit fausser la règle ainsi posée :

LES ENFANTS SONT ÉGAUX DEVANT LA MÈRE.

Faussée et détruite serait cette règle, si toutes les mères, remplissant pieusement les devoirs de la maternité, n'étaient pas égales entre elles.

Devant la société, ce nom signifiant conscience publique, il ne doit plus y avoir que deux classes de femmes les bonnes mères et les mauvaises mères.

XIIIe objection:

«La raison, l'honnêteté, la pudeur, parlent en faveur » du mariage; la France n'a jamais été sourde à leur » voix. Elle l'a bien montré dans ces derniers temps, » lorsque certaines sectes novatrices qui font entrer l'a

» bolition, ou, si l'on veut la transformation du ma»riage dans leurs plans de régénération, ont osé tou» cher à ce point délicat..... Le bon sens public s'est » tenu en garde, les bonnes mœurs se sont révoltées; » le ridicule et le mépris ont fait le reste. » (TROPLONG.)

Réponse :

Quelle que soit l'autorité qu'empruntent les paroles qui précèdent au caractère de l'auteur du Contrat de mariage, premier président de la cour suprême de France, cette autorité ne peut rien contre les faits; elle expire devant les chiffres. Il existe, en France, on ne saurait le répéter trop souvent, 2,800,000 enfants nés hors mariage, sans y comprendre les enfants, en nombre peut-être égal, 1 sur 13, attribués, pendant le mariage, à des maris qui en sont réputés légalement les pères, lorsque réellement ils ne le sont pas, sans tenir compte des enfants morts-nés, 1 sur 10, soit sur 925,423 naissances, 31,398 morts annuelles ayant pour causes principales des grossesses cachées et des couches clandestines.

Que pèsent des paroles vides et légères dans la balance, où du côté opposé sont jetés des chiffres si précis et si accablants?

Ces chiffres d'une exactitude incontestable et incontestée attestent et démontrent l'impérieuse nécessité de sonder la profondeur de la plaie purulente où menace de se mettre la gangrène.

Bander une plaie est moins pénible que la sonder; contester le mal est plus facile que le guérir. Je le sais.

Partout le nombre des enfants nés hors mariage tend à s'accroître, et déjà, dans les plus grandes villes, il est sur le point de marcher de pair avec les enfants nis

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