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sée a été, hormis les cas de forfaiture qui exigent le déploiement du plus grand appareil, l'unité de juge à tous les degrés, parce que sans unité point de responsabilité, point de célérité. La justice languit; or, la justice qui se fait attendre n'est plus la justice.

La troisième assise que j'ai posée a été la rééligibilité, nouvelle forme de l'inamovibilité, car, en droit, être constamment rééligible, c'est, en fait, être le plus souvent inamovible. De ce que l'homme peut mourir chaque jour, cela l'empêche-t-il de vivre et d'étendre constamment la durée de son existence moyenne et probable?

La quatrième assise, enfin, que j'ai posée a été l'inviolabilité judiciaire de la vie humaine, l'abolition de toutes les peines afflictives.

Plus d'échafauds et de peine de mort!

Plus de travaux forcés à perpétuité ou à temps !
Plus de déportation!

Plus de détention, de réclusion, ni d'emprisonnement! Juges de paix, juges d'appel, juges de cassation et juge d'État, ou Grand-juge, sont tous élus par l'universalité des justiciables.

Ce qui fait la garantie de ceux-ci constitue l'indépendance de ceux-là.

Le juge de paix, qui remplit les fonctions de juge de première instance et de juge d'instruction, est toujours élu dans l'étendue du ressort d'appel où il est né, marié, ou domicilié, tandis que le juge d'appel ne siége jamais au chef-lieu du ressort dans lequel il est né, domicilié ou marié. Ainsi sont conciliées les deux garanties opposées.

Le jury de trente-six membres, tel qu'il est composé, n'ayant plus de raison d'être par suite de l'élection des juges, cesse d'exister.

Effectivement, à quoi bon des jurés lorsqu'il n'y a

plus en instance et en appel que des juges du fait? Ainsi, le jury universel et élu remplace le jury partiel et tiré au sort.

En réalité, le Grand-juge, c'est le chef du grand jury, et le grand jury, c'est l'unité de justice.

Le Juge d'État est l'unité du pouvoir judiciaire, comme le Maire d'État est l'unité du pouvoir administratif.

Le Juge d'État et le Maire d'État étant réciproquement indépendants l'un de l'autre, de cette indépendance, on l'aperçoit tout de suite, naît un Monde

nouveau.

Qui, plus que toute chose, a contribué à perpétuer le vieux monde, le monde de l'intolérance, de la guerre, de la conquête, de l'esclavage, de l'ignorance, de l'inégalité et de l'iniquité? La dépendance de la Justice, instrumentum regni.

La Justice frappe les peuples, elle ne frappe pas les Rois.

Les Rois commandent à la Justice; la Justice ne leur commande pas.

La Justice a donc au-dessus d'elle la Politique?
La Justice a donc deux poids et deux mesures?
La Justice qui a deux poids est-elle la Justice?

J'ai voulu qu'enfin elle existât sur la terre, et je n'ai cessé de chercher qu'après avoir trouvé une organisation judiciaire qui fût un niveau au-dessous duquel pussent et dussent passer toutes les têtes, les plus humbles mais aussi les plus hautes.

Le juge d'État, le Grand-juge, présidant la Cour nationale de justice, connaît de toutes les forfaitures qui lui sont juridiquement dénoncées et casse tous les règlements d'administration publique, centrale ou locale, qui lui sont juridiquement déférés comme portant atteinte aux libertés déclarées inviolables.

C'est là ce qui constitue sa suprématie.

Mais, à son tour, il a besoin, pour que ses arrêts soient exécutés, del'appui de la force, dont le dépôt réside exclusivement dans les mains du Maire d'État ; cette division des pouvoirs, division réelle et non factice, est ce qui rétablit l'égalité, l'équilibre entre les deux suprématies: l'une, celle du juge d'État, toute morale; l'autre, celle du Maire d'État, toute matérielle.

Il se peut que du premier coup je n'aie pas atteint le but, mais du moins, j'en ai la conviction, j'ai marqué le chemin.

Ce que la méditation a commencé, la discussion l'achèvera.

II.

RÉFORME PÉNALE.

L'INSCRIPTION DE VIE, OU POLICE D'ASSURANCE GÉNÉRALE ET SPÉCIALE, qui est à l'impôt, converti en assurance, ce que l'essieu est à la route, ce que le gond est à la porte, est l'axe sur lequel tourne la société.

L'INSCRIPTION DE VIE, l'inscription individuelle et universelle, n'a pas seulement pour objet la perception de l'impôt forcé transformé en prime volontaire; l'INSCRIPTION DE VIE a encore un autre effet, c'est de donner le moyen d'abolir toutes les peines afflictives: Peine de mort,

Travaux forcés à perpétuité,
Déportation,

Travaux forcés à temps,

Détention,

Réclusion.

La pénalité est d'origine servile. A Rome, le citoyen libre qui avait encouru la sévérité de la loi était déclaré ESCLAVE DE LA PEINE, servum pænæ.

Cet esclavage mérité avait pour but et pour effet de le dépouiller de son inviolabilité.

L'esclave pouvait être condamné aux pénalités les plus sévères et aux supplices les plus cruels.

Déclarer le citoyen libre esclave de la peine, fut le moyen de lui appliquer les peines serviles.

En France, pendant longtemps, on dégrada le noble afin de pouvoir le punir.

Plus tard, on ennoblit certaines peines, de manière à les rendre applicables au noble.

« La peine est infamante ou non infamante. Ce n'est pas le crime, pas même la condamnation : c'est le genre de peine ou le mode de son exécution qui comportent l'infamie... Le fouet donné par le bourreau est infamant; par le geôlier, sous la custode, il ne l'est pas... En France, le fouet sous la custode est seul applicable aux nobles. »> ORTOLAN.

L'assimilation du noble au serf, dans la pénalité, s'opère ainsi progressivement.

Le noble et le serf reproduisent les mêmes phénomènes dont le citoyen romain et l'esclave ont donné le spectacle.

« Sera puni selon la qualité des personnes... cette formule est de style dans les lois criminelles de tous les Etats européens. Selon que le coupable est de vile ou de noble condition, la condamnation varie. » ORTOLAN.

Après la révolution de 1789, l'une des premières réformes entreprises fut celle de la législation pénale.

« Chaque révolution politique amène ordinairement sa législation pénale »

Montesquieu a dit :

ORTOLAN.

« Il serait aisé de prouver que dans tous ou presque

dans tous les Etats de l'Europe, les peines ont diminué ou augmenté à mesure qu'on s'est plus rapproché ou plus éloigné de la liberté. »

En effet, lorsque l'on remonte assez haut dans l'antiquité, nulle trace de pénalité autre que la satisfaction volontaire n'y apparaît.

« L'âge primitif est un âge de simplicité et d'ignorance sous le rapport de la civilisation matérielle; mais c'est en même temps un âge d'innocence et de connaissance des vérités religieuses transmises par la tradition » Le droit de punir n'est pas encore une institution sociale, c'est une vengeance particulière. »

ALBERT DU BOYS. Histoire du droit criminel.

A la vengeance se substitue la composition (domages-intérêts). Le coupable veut racheter son crime : l'offensé y consent. La coutume intervient, sanctionne et fait de l'usage une règle obligatoire : telle est la justice criminelle des temps primitifs.

« A cette époque, sur toutes les parties de l'Europe où s'étend cette barbarie, on trouve pour point de départ de la pénalité la vengeance privée... Plus tard, le caractère cupide du barbare fait naître une habitude nouvelle, celle du rachat de la vengeance... La coutume la change en règle... C'est là ce qu'on nomme COMPOSITION. »

ORTOLAN. Introduction historique au droit pénal.

« Des hommes d'une science et d'un esprit rares ont été très frappés non-seulement du respect pour la personne et la liberté de l'homme qui paraît dans ce genre de peine (la composition), mais de plusieurs autres caractères qu'ils ont cru y reconnaître... Quel est, dès qu'on considère les choses sous un point de vue élevé et moral, quel est le vice radical des législations pénales modernes ? Elles frappent, elles punissent sans s'inquiéter de savoir si le coupable accède ou non à la volonté de la loi; elles agissent uniquement par voie de contrainte... La composition suppose, entraîne l'aveu du fait par l'offenseur; elle est de sa part un acte de liberté, il peut s'y refuser... En sorte que la composition a comme peine des caractères beau

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