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LOUIS XI.

J'ai toujours pensé qu'on réformerait le genre humain si l'on réformait l'éducation de la jeunesse.

LEIBNITZ. Lettres à Placcius, t. v.

Depuis les siècles les plus vertueux et les plus sages jusqu'à nos jours, on s'est plaint que les républiques ne s'occupaient que trop des lois et pas assez de l'éducation.

BACON.

Ceux qui ont étudié les crises du cœur humain savent qu'il est plus important de donner aux hommes des mœurs et des habitudes que des lois et des tribunaux.

Il ne faut pas faire par les lois ce qu'on peut faire par les mœurs. L'homme, cet être flexible, se pliant dans la société aux pensées et aux impressions des autres, est également capable de connaître sa propre nature lorsqu'on la lui montre, et d'en perdre jusqu'au souvenir lorsqu'on la lui dérobe.

Aucune vertu ne peut convenir à un esclave.

MONTESQUIEU.

ARISTOTE.

Nous ne travaillons qu'à remplir la mémoire et laissons l'entendement et la conscience vides.

MONTAIGNE. Liv. 11, ch. 24. Naturellement l'homme ne pense guère. Penser est un art qu'il apprend comme tous les autres, et même plus difficilement.

J.-J. ROUSSEAU.

On instruit les enfants à craindre et à obéir. On les excite encore à être copistes, à quoi ils ne sont déjà que trop enclins; nul ne songe à les rendre originaux, entreprenants, indépendants."

VAUVENARGUES.

Développer chaque individu dans toute la perfection dont il est susceptible, voilà le but de l'éducation.

L'éducation doit mettre au jour l'idéal de l'individu.

KANT.

JEAN-PAUL RICHTER.

La même sorte d'éducation convient-elle à tous les individus ? La réponse est négative sous beaucoup de rapports. Mais un seul point leur est commun à tous, c'est la culture des facultés qui caractérisent la nature humaine.

SPURZHEIM. Essai philosophique. Les vertus et les crimes des hommes peuvent être aussi bien imputés à ceux qui sont chargés de leur éducation et de leur gouvernement qu'à ceux qui se montrent vertueux et criminels.

GALL. Fonctions du cerveau.

Sous le titre d'éducation morale, il faut comprendre l'ensemble des moyens qui peuvent agir et sur l'esprit et sur le caractère de l'homme depuis sa naissance jusqu'à sa mort; car l'homme environné d'objets qui font sans cesse sur lui de nouvelles impressions ne discontinue pas son éducation.

CABANIS.

Ce n'est pas à coups de massue et par soubresauts qu'on peut naturaliser le système moderne; il faut l'implanter dans l'éducation. NAPOLÉON.

L'INSTRUCTION UNIVERSELLE*.

Un État peut-il exister sans constitutions écrites, sans lois positives, sans peines corporelles?

Je dis oui.

On me demande comment?

Je réponds: En donnant à chacun et à tous l'instruction sans laquelle l'homme n'est socialement qu'un enfant ou qu'un ilote.

L'homme qui n'a pas appris à penser et à raisonner est exactement, dans l'ordre social, ce qu'est l'enfant dans l'ordre naturel, avant d'avoir appris à parler et à marcher. « L'enfant peut faire du mal, mais il ne sau>> rait mal faire, » a dit J.-J. Rousseau, avec un sens profond. Ce que J.-J. Rousseau a dit de l'enfant, je le dis de l'ignorant. Ce qui est vrai pour l'un n'est pas moins vrai pour l'autre.

Que l'homme apprenne tout ce qu'il doit savoir, et peines corporelles, lois positives, constitutions écrites,

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Ce livre est entièrement nouveau; il a été écrit en 1854.

tout ce qui compose enfin le régime de l'arbitraire, tout ce qui met la raison individuelle en tutelle publique, n'auront plus ni motifs ni prétextes de subsister.

Mais

que

doit savoir l'homme? L'homme doit sa

voir tout ce qu'il peut apprendre.

L'instruction, c'est le droit à la civilisation.

Le droit à la civilisation est la fin du droit à la révolution.

Qui dit révolution dit risques.

Qui dit civilisation dit progrès.

Il y a toujours à gagner à la civilisation, il y a souvent à perdre à la révolution.

La civilisation ne compromet rien et résout tout. La révolution compromet tout et ne résout rien. La civilisation, c'est la révolution continue. La révolution, c'est la civilisation interrompue. La civilisation, c'est la révolution par la science. La révolution, c'est la civilisation par la force. La révolution par la science, c'est la civilisation durable; la civilisation par la force, c'est la révolution précaire.

Raisonnablement, on ne saurait donc hésiter entre le droit à la civilisation, droit fécond, et le droit à la révolution, droit stérile.

Mais alors, il faut être conséquent; il faut universaliser l'instruction.

M. Guizot a dit : « Le travail est un frein. » Ce que M. Guizot a dit du travail, je le dis de l'instruction, mais avec plus de vérité, car le frein qui sert à retenir sert aussi à diriger. Si l'instruction est le frein de l'homme, le frein est l'instruction du cheval.

L'homme qui sait tout ce qu'il a pu apprendre, l'homme qui a appris tout ce qu'il doit savoir, porte avec luimême son frein, et n'en a besoin d'aucun autre: c'est ce que démontrera l'avenir, à qui il est réservé de ré

pondre à cette question : « Si les hommes n'avaient » pas d'autre législation que leur instruction, si les >> peuples n'avaient pas d'autre constitution que leur » civilisation, le monde en irait-il moins bien et moins >> sûrement? »

Cet avenir, que je vois distinctement, a pour cautions le passé et ses transitions successives, le présent et ses progrès accomplis, qu'il suffit de rappeler sommairement :

1. DESTRUCTION DE L'HOMME PAR L'HOMME.

BARBARIE.

--

Transition et progrès : — GUERRE.

II. POSSESSION DE L'HOMME PAR L'HOMME.

ESCLAVAGE. · Transition et progrès :

SERVAGE.

III. DOMINATION DE L'HOMME PAR L'HOMME. ARBITRAIRE. Transition et progrès : ·

LÉGALITÉ.

IV. EXPLOITATION DE L'HOMME PAR L'HOMME.
PÉCULE. - Transition et progrès :

SALAIRE.

La possession de l'homme par l'homme a été un progrès sur la destruction de l'homme par l'homme. La domination de l'homme par l'homme a été un progrès sur la possession de l'homme par l'homme.

L'exploitation de l'homme par l'homme a été un progrès sur la domination de l'homme par l'homme. L'instruction de l'homme par l'homme sera un progrès sur l'exploitation de l'homme par l'homme. J'ajoute donc :

V. INSTRUCTION DE L'HOMME PAR L'HOMME.
TRAVAIL. — Transition et progrès : — CRÉDIT.

Ce dernier progrès sera le régime définitif de la paix entre les peuples et de la liberté entre les hommes succédant aux régimes transitoires de la barbarie à la guerre, de l'esclavage au servage, de l'arbitraire à la légalité, du pécule au salaire, car le crédit est appelé à renouveler et à pacifier le monde.

Depuis le commencement des siècles, qu'apprend-on aux peuples? On leur apprend à se battre; on leur apprend, à grand'peine et à grands frais, à se conduire non en êtres supérieurs qui raisonnent, mais en êtres inférieurs qui ne raisonnent pas, non en hommes policés s'entr'aidant, mais en bêtes féroces s'entr'égorgeant; peine et dépense qu'il suffirait de s'épargner pour qu'une ère nouvelle s'ouvrìt, ère qui serait la fin du règne de la force matérielle, ère qui serait le commencement du règne de la force immatérielle.

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Et que serait-ce si tout le temps et tout l'argent qu'on dépense ainsi à perpétuer la barbarie au sein de la civilisation étaient employés à convertir les soldats en instituteurs, les casernes en écoles, les arsenaux en bibliothèques, les munitions et les instruments de guerre en livres et en instruments d'études! Au bout d'une année qu'a produit une armée de trois cent mille hommes ayant coûté plus de trois cents millions? Rien. Qui pourrait calculer ce que rapporterait le même capital annuellement appliqué au défrichement, à la culture, et au sarclage de toute la portion encore jeune d'une nation de trente millions de têtes? Quel progrès se ferait attendre? Quelle richesse resterait inexplorée ? Quelles difficultés résisteraient? Que ne pourrait-on pas entreprendre? - Tout.

L'homme est ce que le font l'ignorance et la misère. L'homme est ce que le font l'instruction et le bien-être. Même au temps de Platon, l'influence de la richesse sur la moralité était constatée en ces termes par l'auteur de la République et des Lois : « C'est à la richesse que » l'on doit, en grande partie, de n'être pas réduit à » tromper ou à mentir et de pouvoir, en payant ses » dettes et en accomplissant les sacrifices, sortir sans >> crainte de ce monde, quitte envers les pauvres et en>> vers Dieu. >>

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