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lui d'atteinte, par la guerre, à l'indépendance de leur territoire, il suffit que le risque de guerre disparaisse pour que l'État, sortant de ses démarcations arbitraires, rentre dans ses limites naturelles.

S'il est de l'intérêt de toutes les Communes de France, d'Angleterre, d'Allemagne, d'Espagne, d'Italie, qu'il en soit ainsi, la Carte de l'Ancien Monde, violemment défaite par la guerre, se refera naturellement par la paix.

Les nations sont à chacun des trois continents qu'elles ont morcelés ce que les fractions d'un entier sont à cet entier, ce que les parcelles d'un champ sont à ce champ.

Une nation est une fraction, elle n'est pas un tout. Une nation est un membre, elle n'est pas un corps. Ainsi s'explique comment les nations palpitent et ne vivent pas; la guerre est une convulsion, ce n'est pas la vie; la misère est la mort, car c'est la gangrène.

Il faudrait n'avoir pas d'yeux pour ne pas voir que, par le progrès de la science, tout ce qui est limite territoriale, démarcation de frontière, tend à disparaître.

Les Corporations sont appelées à remplacer les Nations.

En d'autres termes, les nations territoriales doivent se préparer à disparaître pour faire place aux nations professionnelles.

Les intérêts ne se règleront plus de nation à nation, mais de corporation à corporation.

Aussi l'homme d'État, l'homme aimanté, qui se sent attiré vers l'avenir comme l'aiguille de la boussole, l'aiguille aimantée se sent attirée vers le nord, ne doitil plus s'appliquer désormais qu'à étudier tout ce qui porte en soi le caractère de l'universalité.

Universalité du Droit.

Universalité de la Science.

Universalité de l'Enseignement.

Universalité de la Paix.

Universalité du Vote.

Universalité de l'Impôt.

Universalité de la Commune.
Universalité de la Corporation.
Universalité de l'Échange.

Universalité des Monnaies.
Universalité des Mesures.

L'unité est à l'universalité ce que le chemin est au but.

S'il y a, en ce monde, deux justices, il y en a une qui a usurpé le nom de l'autre.

S'il y a dans ce monde deux religions, il y en a une des deux qui est nécessairement fausse.

L'injustice et l'erreur ont fait leur temps; l'homme libre et instruit ne peut plus marcher garrotté par elles.

Si la religion était encore ce qu'elle a été dans le passé, la paroisse serait demeurée ce qu'elle fut: l'unité territoriale; car la paroisse est naturellement la division territoriale du monde catholique. Le mot paroisse vient du mot parochia, et celui-ci de deux mots grecs qui veulent dire autour de la maison ou de l'église. Mais du jour où la Commune a grandi, la paroisse a décliné, parce que du jour où la tolérance religieuse est entrée dans les esprits, l'unité territoriale a changé de nature et de conditions: l'unité territoriale n'est plus dans la paroisse, elle est maintenant dans la justice de paix.

Le juge de paix, élu par l'universalité des justiciables de son ressort, n'est pas seulement appelé à concilier les parties qui se présentent devant lui; il est ap

pelé, concurremment avec l'officier de paix nommé par l'État, à localiser et à centraliser dans les archives de son greffe tous les renseignements relatifs à l'état civil et à la moralité judiciaire de chaque habitant né et immatriculé dans la Commune, que celui-ci y réside ou qu'il vive éloigné d'elle.

Par cette localisation de tous les renseignements propres à l'éclairer, par ce compte ouvert à tous ses justiciables et régulièrement tenu, on comprend que le juge de paix acquiert une puissance et une infaillibilité qu'il ne possédait pas, qu'il ne pouvait pas posséder; il devient le prêtre de la justice, et son prétoire se change en un confessionnal où parle à voix haute la conscience publique lorsque se tait ou ment la conscience individuelle. Sous le langage du plaideur, il voit le passé du pécheur.

Dès qu'un fait qualifié délit ou crime a été constaté par un juge de paix ou d'appel, le greffier de ce juge étant tenu, sous peine d'une amende considérable par chaque omission, d'adresser en double expédition l'extrait de ladite constatation au greffe de la justice de paix et à l'officier de paix de la Commune-lieu de la naissance du prévenu, l'obscurité qui jusqu'à ce jour avait enveloppé la société se dissipe aussitôt : la conscience de chacun et de tous devient comme si elle était transparente.

Un tel avantage est trop grand, à un trop grand nombre de points de vue, pour qu'il y ait lieu de craindre qu'on s'arrête à des considérations secondaires et de peu d'importance contre l'érection en Justices de paix de toutes les Communes de France, réduites de 36,819 à 6,300 environ *.

6,000 communes chefs-lieux de justices de paix à rason de 5,000 habitants représenteraient une population de

C'est en multipliant ainsi les Justices de paix qu'on pourra fermer sans risque les prisons et les bagnes, et résoudre sans difficulté le problème, jusqu'à ce jour insoluble, des libérés.

L'ordre et la liberté dans la Commune, c'est la liberté et l'ordre dans l'État.

L'ordre et la liberté en France, c'est la liberté et l'ordre en Europe.

L'ordre et la liberté en Europe, ce sont les nationalités qui s'écroulent et les Communes qui s'élèvent. Élever la Commune à sa plus haute puissance, afin de tarir la misère et le vice; élever la Commune à sa plus haute puissance, afin de placer l'homme à la hauteur que lui assigne le libre et plein développement de ses facultés : tel est le but que se sont proposé les règlements que j'ai rédigés sous la réserve de toutes les modifications et de toutes les additions dont la nécessité sera démontrée par l'expérience.

III.

LE MAIRE DE CORPORATION,

Si la Commune a sa raison d'être, à plus forte raison la Corporation a-t-elle sa raison d'exister.

30 millions d'habitants; 394 communes représentent aujourd'hui plus de 5 millions 400,000 habitants: ensemble, 6,300 communes environ.

La Corporation, c'est la Commune professionnelle, comme la Commune c'est la Corporation locale.

Il suffit de mettre dans les deux plateaux d'une balance la Commune et la Corporation pour reconnaître que celle-ci l'emporte de beaucoup sur celle-là en importance.

Ouvrir et entretenir les chemins, paver et éclairer les rues, réparer les bàtiments : voilà la grande affaire de la Commune, voilà sa principale raison d'être.

Plus importante à tous les titres et plus compliquée est l'œuvre de la Corporation, car, à l'intérieur de chaque pays, elle n'a pas seulement à régler et à maintenir le taux des salaires, il est nécessaire encore, à l'extérieur, qu'elle fasse contre-poids et conséquemment équilibre aux prix de revient.

C'est par l'universalité des Corporations que peut et que doit se dénouer cet inextricable nœud qui se nomme la réciprocité des échanges.

En effet, partout le travailleur a le même intérêt à recevoir la juste rémunération de son travail; nulle part deux travailleurs de la même profession, quoique séparés par une limite territoriale, n'ont intérêt à faire baisser leur salaire; nulle part ils n'ont rien à gagner à la concurrence aveugle que se font les nations, rivales d'industrie; partout, au contraire, ils ont tout à gagner à s'entendre. Même alors que les intérêts des Nations passent pour opposés, les intérêts des Corporations n'en demeurent pas moins identiques. Le filateur de Manchester et le filateur de Mulhouse, le mineur de Newcastle et le mineur d'Anzin ont également besoin, l'un et l'autre, de réparer par une alimentation substantielle, la force qu'ils dépensent, de conserver par un logement salubre, par un repos nécessaire, par des soins opportuns, la santé qui est leur capital; de pourvoir, par l'épargne, aux cas de maladie et de chômage, ainsi

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