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obligé de se servir lui-même et qui se frapperait d'impôts pour se payer des gages?

On penserait qu'il est atteint d'aliénation mentale. C'est cependant ce qui a eu lieu sous nos regards, sans que nous nous en rendions compte.

Le peuple croit qu'un des attributs de sa souveraineté, c'est de faire la besogne législative, c'est de s'immiscer, par l'entremise de ses représentants, dans tous les actes du gouvernement, c'est de s'y associer.

Le peuple doit juger tout, mais ne se mêler de rien. Quand il se mêle à tout, que devient son infaillibilité? Que devient le prestige de sa souveraineté? Comment peut-il s'ériger en juge de ceux dont il a été le complice? Ne jamais prononcer que sur des faits accomplis doit être sa première règle.

Liberté entière, mais responsabilité entière; vote universel, mais vote annuel : voilà les quatre angles de l'édifice nouveau, dont les quatre faces sont : L'Individu libre;

La Commune indépendante;
La Corporation inviolable;

L'État fédéré.

La liberté de l'individu est ce qui constitue la puissance individuelle;

L'indépendance de la Commune est ce qui constitue la puissance communale;

L'inviolabilité de la Corporation est ce qui constitue la puissance corporative;

La fédération de l'État est ce qui constitue la puissance nationale.

Vous qui, en toutes circonstances, proclamez que le peuple est souverain absolu, soyez donc conséquents; alors faites donc qu'il agisse en souverain absolu !

Un souverain absolu ne fait pas de lois contre luimême.

La maxime : Tout pour le peuple, tout PAR le peuple, se compose de quatre mots de trop; les quatre derniers.

Tout PAR le peuple est une maxime aussi fausse que celle qui nous obligerait tous à faire nous-mêmes nos vêtements, à blanchir nous-mêmes notre linge, à laver nous-mêmes notre vaisselle.

Traitez donc le peuple en souverain!

S'il est souverain, il doit se faire servir et non se servir lui-même.

Où donc est l'inconvénient? Où donc voyez-vous le danger?

Ne voyez-vous donc pas, au contraire, que c'est le gouvernement réduit à sa plus simple expression, le gouvernement des hommes réduit à n'être plus, de fait et de nom, que l'administration des choses!

En effet, lorsque toutes les libertés sont déclarées solidaires et rendues inviolables, lorsqu'elles sont mises à jamais hors de contestation, de débat et de réglementation, il ne reste plus qu'à restituer au contribuable, sous une autre forme, l'équivalent au moins de ce qu'il a avancé sous le nom d'impôt.

Dès qu'il ne serait plus nécessaire d'avoir une fabrique de lois, toute difficulté s'aplanirait; il suffirait alors que le peuple, dans toutes les circonstances où il devrait agir comme souverain, eût un ministre qui gérât l'intérêt indivis et exécutât la volonté nationale, un maire, comme il y a onze siècles *.

L'intérêt indivis, je l'ai démontré, se bornerait étroitement au soin de veiller à l'entretien des routes de terre et au payement de la dette publique, jusqu'à ce qu'elle ait pu être remboursée.

<< 750... Les rois n'avaient point d'autorité, mais ils avaient un nom; le titre de roi était héréditaire, mais celui de maire était électif. »>

MONTESQUIEU, E. des L., 1. xxxi.

La volonté nationale elle-même n'aurait pas un beaucoup plus vaste champ; car, dès que la liberté du commerce aurait prévalu, par la réciprocité des échanges, non-seulement disparaîtraient les risques de guerre, mais aussi les questions et les débats de tarifs.

En résumé, qu'est-ce que je propose?

Rien de nouveau, rien qui n'ait pour cautions l'expérience et l'histoire.

Je propose que le peuple souverain se conduise en souverain;

Je propose qu'il règne et n'administre pas;

Je propose qu'au lieu d'être l'ouvrier qui se sert luimême, il soit le souverain qui se fait servir par un ministre qu'il peut toujours renvoyer et punir, comme fit Louis XIV, qui chassa et enferma Fouquet pour le remplacer par Colbert ;

Je propose qu'ayant reconquis la souveraineté de droit, il n'en tolère, sous aucun nom, l'usurpation par aucune souveraineté de fait : Constitution écrite, Assemblée législative, Présidence de la République;

Je propose qu'il en finisse irrévocablement avec toutes les complications, toutes les fictions, tous les frottements et tous les dangers de ces interprétations dont la force est le seul juge, ce qui est détruire d'une main tout ce que, de l'autre, on a édifié;

Je propose que la société, après avoir passé du simple au compliqué, revienne du compliqué au simple; qu'elle revienne à l'époque des anciennes associations connues, chez les nations germaniques, sous le nom de Mark-genossen-schaften. Dans ces associations, tout consistait dans des garanties mutuelles; une sorte de fédération pour la sûreté commune; des mesures répressives sévères contre ceux qui violaient la forêt destinée à l'entretien commun; la souveraineté ne rele

vait que de l'ensemble de ceux qu'unissait le lien fédératif;

Prenant en considération ces paroles d'Aristote :

« Il ne suffit pas d'organiser un gouvernement parfait, il faut surtout un gouvernement praticable, d'une application facile et commune à tous les États; loin de là, on nous présente aujourd'hui des constitutions inexécutables et compliquées. »>

Ces paroles de Montesquieu :

<< Dans les plus belles machines l'art emploie aussi peu de mouvement, de forces et de roues qu'il est possible. »> Ces paroles de Francklin, en 1788:

« Les idées de contre-poids, d'équilibre, ont sur certaines gens une influence d'autant plus grande qu'ils les entendent moins. Les hommes, en général, aiment mieux les choses fines que les choses vraies, admirent moins ce qui est simple que ce qui est compliqué, croient plus volontiers ce qu'un petit nombre se vante d'entendre que ce qui est entendu de tout le monde. »>

Ces paroles de Siéyès, en 1789:

« Il est dans le cours ordinaire des choses que les machines plus compliquées précèdent les véritables progrès de l'art social comme de tous les autres arts; son triomphe sera pareillement de produire les plus grands effets par des moyens simples. >>

Ces paroles de Stuart Mill :

« Il est douloureux de penser en quelle formidable proportion tous les efforts et tous les talents du monde sont employés, même dans l'état social le plus avancé, à se neutraliser les uns les autres. Le véritable objet de tout gouvernement est de réduire le plus possible cette déplorable déperdition, en prenant telles mesures qui fassent servir à augmenter le bien-être moral et matériel de l'espèce humaine, l'énorme quantité de forces que les

hommes emploient aujourd'hui à se nuire les uns aux autres ou a se protéger les uns contre les autres. »

Ces paroles de M. Guizot :

« Pour se procurer des ressources, le despotisme des empereurs romains fut contraint de créer une machine administrative capable de porter partout son action, et qui devint-elle-même une charge nouvelle. Ce système de gouvernement n'avait d'autre objet que d'étendre sur la société un réseau de fonctionnaires sans cesse occupés à en extraire des richesses et des forces pour aller les déposer aux mains de l'empereur.

» La Révolution a détruit le gouvernement de l'ancien régime, mais elle n'a pas construit son propre gouvernement. »

Ces paroles de M. Léon Faucher:

« Nous avons exagéré la centralisation; nous l'appliquons à tout, et le plus clair résultat de ce systėme, aujourd'hui, c'est d'entasser des montagnes de papiers qui sont fabriquées par des armées de commis. »

Je propose:

Au lieu d'une Constitution écrite, toujours exposée à être violée ou mal interprétée,-le meilleur mode de vote universel: individuel et annuel, direct et secret;

Au lieu d'une Assemblée législative élue pour plusieurs années, toujours prête à abriter sous ce grand mot : La Loi, les erreurs les plus monstrueuses, les écarts les plus condamnables : — une commission annuelle de surveillance et de publicité, résumant les minorités divisées, les défiances éveillées, les idées opposées, et, appelant le peuple à prononcer et à exercer la puissance indivisible, conséquemment indivise, dans toutes les circonstances graves et dans tous les cas douteux;

Au lieu d'un Président de la République, élu, comme apres 1848 en France, pour quatre années directement par

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