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d'avoir propagé l'étude du grec en Allemagne, en France et jusqu'en Pannonie, en Angleterre et en Espagne. «Nam non in Italia solum, sed etiam in Germania, Gallia, Pannonia, Britannia, Hispania et ubique fere, ubi Romana lingua legitur, non modo adolescentibus juvenibusque quoque summa aviditate studetur litteris græcis ('). ›

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XXXV.

Ici s'arrête notre travail. Le grec n'est plus exposé à périr. Tandis que dans Athènes ou dans Constantinople l'ignorance va grandir de jour en jour, l'Europe recueillera les trésors que la barbarie des Turcs méprise. Nous n'en serons plus réduits à quelques débris épars, nous aurons à nous toute l'antiquité grecque. Des princes tiendront à honneur d'employer leurs richesses à faire rechercher partout les manuscrits grecs, à les multiplier par l'imprimerie, à en remplir des dépôts libéralement ouverts à la curiosité des savants. Nous n'avons point à redire ici ce que d'autres ont écrit en détail (2).

Nous croyons avoir achevé la tâche que nous nous étions imposée. On a vu comment, aux époques les plus reculées de son histoire, l'Europe n'ignora jamais complétement le grec. La lumière fut parfois bien incertaine, bien vacillante; on l'empêcha toujours néanmoins de

(1) Préface de l'édition de Stephanus de Urbibus, 1502. Ambroise FirminDidot, ibid., p. 29.

(2) Martin Crusius, Turco-Græciæ libri; M. Egger, de l'Hellenisme en France; M. Constantin Sathas, Νεοελληνική φιλολογία — ἐν ̓Αθήναις 1868, Νεοελληνικῆς φιλολογίας παράρτημα ἐν ̓Αθήναις 1870; Papadopoulo Vretos.

etc, etc.

ly

s'éteindre. Il y eut des moments où elle jeta des lueurs plus vives qu'on n'était disposé à le croire autrefois. L'historien découvre trois époques où le grec, surtout en France, eut une véritable faveur : l'établissement du monastère de Lérins, le règne de Charlemagne et celui de Charles-le-Chauve, enfin le XIIIe siècle. Ce sont trois périodes d'une grande activité intellectuelle, et le grec en aucune d'elles n'est absent des études. Il en est au contraire l'ornement le plus rare et le plus inattendu. C'est peu de chose sans doute en comparaison du grand élan de l'Italie au XIVe siècle, de la France et de l'Allemagne au XVI; mais c'est assez pour venger le moyen âge d'accusations injustes trop longtemps maintenues. En réalité, il n'y eut jamais un siècle entier où, dans l'Europe, on ait pu dire de la langue de Platon: græcum est, non legitur.

LES EXPLOITS DE DIGÉNIS AKRITAS

ÉPOPÉE BYZANTINE DU DIXIÈME SIÈCLE (1).

La littérature grecque est une des plus vieilles qu'il y ait au monde. Elle vit encore après avoir passé par les révolutions les plus diverses. C'est le plus long exemple de fécondité que l'on connaisse. Au moment où les barbares inondent l'Europe il semble qu'elle ait péri: c'est une erreur. Chassée d'Athènes, elle s'est transportée à Constantinople et jusqu'à la fatale époque de 1453 elle ne cessera de produire des œuvres qu'on a trop longtemps méprisées. Quand le monde moderne se fait péniblement des idiomes nouveaux, les Grecs ont le bonheur et le privilége d'avoir conservé leur langue; ils la parlent, ils l'écrivent, autant qu'ils peuvent, suivant les règles antiques. Après la conquête turque ils descendent fort bas dans l'ignorance ils ne vont jamais jusqu'à la barbarie. Même à cette misérable époque, ils ne cessent d'avoir des historiens, si l'on peut appeler de ce nom de pauvres chroniqueurs; ils ont des prêtres qui commentent les écritures saintes; des poëtes qui chantent leurs regrets et leurs espérances. La perpétuité du langage a entretenu chez eux la perpétuité de la nationalité grecque: ils n'ont jamais désespéré de l'avenir. Le retour de la faveur et de la bienveillance européenne vers eux, a été sollicité par des fragments de chansons que les voyageurs n'ont jamais manqué

(1) Paris, Maisonneuve et C, 15, Quai Voltaire, 1875.

de recueillir dans les voyages qu'ils ont faits en Grèce et qu'ils ont publiés dans notre occident.

Les Grecs eux-mêmes ont longtemps ignoré ou méconnu les productions populaires de leur esprit national. Ils n'avaient que du mépris pour des compositions vulgaires écrites dans une langue appauvrie et déformée. On pense bien, en effet, que le temps a dû faire subir de profonds changements au langage de Démosthène, si souvent menacé de périr. Il a eu tous les malheurs qu'une langue peut subir, il a passé par les raffinements de la prétention byzantine, par les mutilations de l'ignorance turque, et par la confusion de la langue franque. C'est à peu près sous cette forme qu'on nous l'a fait d'abord connaître.

Mais ce langage populaire appelé le grec moderne n'est point aussi nouveau qu'il en a l'air, il est certain qu'il se produisit, même aux plus beaux temps de la floraison grecque, un phénomène qu'on a remarqué dans Rome. A côté de la langue savante, il y avait un idiome du peuple. Cette langue a eu, elle aussi, sa littérature.

On a pu croire que le grec moderne était né dans l'esclavage turc; il existait bien avant. Des travaux récents l'ont découvert bien au-delà du douzième siècle. Il y a là toute une littérature qui peu à peu reparaît au ly jour, et, depuis quinze ans, elle a été, tant en France qu'en Allemagne, l'objet de travaux intéressants. On ne s'en tient plus aujourd'hui à Fauriel; on n'a pas que des chansons de clephtes à produire : on a des romans, des espèces de poëmes épiques qui remontent haut dans la civilisation byzantine. J'ai étudié, le premier, dans un mémoire couronné par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1864, plusieurs compositions de ce genre. M. Émile Legrand a continué ces recherches, il a publié toute une bibliothèque néo-hellénique.

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