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que des bruits populaires se trouvent si favorables à un grec et à un médecin (1).

L'Italie était plus heureuse que la France. A raison des nombreuses relations qui n'avaient cessé d'exister entre elle et Byzance, elle continua d'être le refuge des grecs, qui, soit par ambition, soit par nécessité, abandonnaient leur pays. Souvent aussi elle envoya dans l'empire d'Orient des hommes curieux de s'instruire (2). C'est ainsi que dans la première moitié du XIV° siècle le moine Bernard Barlaam de Seminara, en Calabre, partit pour Constantinople, gagna la confiance d'Andronic le jeune, et fut chargé par lui de travailler à la réunion des deux églises. Il ne réussit dans sa mission qu'à se rendre suspect à son protecteur. Il fut donc obligé de revenir dans son pays. Évêque à Geraci, puis à Locri, il parut auprès du pape dans Avignon. C'est là qu'il connut Pétrarque et lui enseigna les premiers éléments de la langue grecque. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons déjà dit ailleurs sur ce point, ni sur les leçons de Léonce Pilate, l'élève de Barlaam, et le maître de Boccace. Ils ont été les précurseurs de la Renaissance, et, bien avant la chute de Byzance, ils ont essayé de lui ravir ses plus précieux trésors. La chute de Constantinople, et son asservissement à des Barbares fanatiques, n'était pas nécessaire à l'enseignement du monde.

Manuel Chrysoloras, élève du platonicien Gémiste

(1) Vict. Le Clerc, t. I, p. 521, qui cite Secousse. Hist. de Ch. de Navarre. t. I, part. 2, p. 153.

(2) Il n'y avait pas d'homme savant s'il n'avait été faire des études à Constantinople: « : Nemo latinorum satis videri doctus poterat, nisi per tempus Constantinopoli studuisset. Quodque florente Roma doctrinarum nomen habuerunt Athenæ, id nostra tempestate videbatur Constantinopolis obtinere. Inde nobis Plato redditus, inde Aristotelis, Demosthenis, Xenophontis, Thucydidis, Basilii, Dionysii, Origenis et aliorum multa latinis opera diebus nostris manifestata sunt. » En. Sylvii Epistolæ, Basiliæ 1571, 705.

Pléthon, parut pour la première fois en 1393 en Italie. Il venait en ambassade solliciter des secours contre les Turcs de plus en plus menaçants. Il prit alors l'engagement de revenir pour enseigner aux Italiens la littérature et la langue grecques. En effet, en 1396, il releva à Florence la chaire de Léonce Pilate abandonnée depuis 1363. On le voit alors se déplacer et aller enseigner le grec à Milan, à Venise, à Pavie, ou à Rome. Nulle part, il ne parlait dans le désert. Les hommes les plus distingués par le goût et par la science venaient avec empressement recevoir un enseignement que rendait plus agréable encore une parole vraiment éloquente. Il ne laissa pas périr le souvenir de ses leçons; il composa une grammaire grecque ('Epwτuxta), la première qui ait été faite en Occident, elle fut imprimée à Venise en 1484 et bien des fois depuis. Chrysoloras, député au concile de Constance, y mourut en 1415, après avoir eu la gloire d'être en quelque sorte le véritable fondateur de l'hellénisme en Italie et aussi dans tout l'Occident.

Parmi les élèves de Chrysoloras, à Venise, il faut compter Ambroise Traversari dit en grec le Camaldule, (mort en 1439). Il savait assez bien le grec pour haranguer, au concile de Florence, où il représentait le pape, les prélats grecs et l'empereur Paléologue, Il rédigea en grec et en latin le pacte de réunion des deux églises. Il traduisit des ouvrages théologiques de Saint Ephrem, de Saint Athanase, de Saint Basile, de Saint Jean-Chrysostome. Nous lui devons des détails sur la propagation rapide du grec en Italie. Il nous apprend qu'au commencement du XVe siècle « il trouvait même à Mantoue des enfants qui connaissaient le grec, et il cite, dans le nombre, une fille du marquis de Mantoue, âgée de huit ans (').

(1) Alde Manuce et l'hellénisme à Venise, par Ambr. Firmin-Didot, p. 22.

Guarini, dit de Vérone, disciple aussi de Chrysoloras, enseigna le grec et remplaça son maître à Florence; en 1415, il était à Venise, en 1422 à Vérone, en 1436 à Ferrare, où il mourut en 1460. Il fit de nombreuses traductions, parmi lesquelles celle de Plutarque et de Strabon. Ce fut son fils Baptiste Guarini qui enseigna le grec à Alde Manuce.

Les manuscrits grecs commençaient à devenir moins rares en Italie le sicilien Aurispa, mort en 1459, en rapporta d'Orient deux cent trente-deux. Après 1433 il était professeur de grec à Florence et à Ferrare. Il y traduisit le traité de Hiéroclès sur les vers dorés de Pythagore ainsi qu'un fragment de Dion Cassius (1).

François Philelphe apprit le grec à Constantinople pendant un séjour de sept années qu'il y fit (1420-27). Il eut pour maître Jean Chrysoloras, le frère de Manuel. Après avoir épousé la fille de son maître, il revint en Italie. Il enseigna le grec à Venise en 1428, et en 1429 il passa à Florence, où il remplaça sans doute Aurispa dans sa chaire de grec. On sait quelle fut sa réputation d'helléniste. Les honneurs qu'on lui rendait prouvent à quel point s'étaient répandus l'amour et le respect de la langue grecque. « Les dames du plus haut rang, lorsqu'elles le rencontraient dans la rue, se rangeaient avec déférence. » Ila traduit divers ouvrages d'Aristote, de Xénophon, d'Hippocrate, de Plutarque (2).

Georges de Trébizonde vint en Italie vers 1428; un noble vénitien François Barbaro, l'y avait appelé pour remplacer Philelphe. Il n'y resta que quelques années et se rendit à Rome; il y enseigna le grec jusqu'en l'année 1450. Dès lors il se livra uniquement à la traduction des auteurs grecs, il mourut en 1486.

(1) Ambroise Firmin-Didot, ibid., p. 23. (2) Ambroise Firmin-Didot, ibid., p. 24.

Théodore Gaza, de Thessalonique, chercha un refuge en Italie, quand les Turcs eurent pris sa ville natale en 1430. De 1441 à 1450, il enseigna le grec au Gymnase de Ferrare, il alla ensuite à Rome auprès du Pape Nicolas V.

Grégoire Tifernas ou de Tiferno, que nous avons vu obtenir en 1455, la première chaire de grec à l'Université de Paris, quitta cette ville en 1459; il revint à Venise où il ne cessa d'enseigner jusqu'à sa mort en 1466. Il a traduit sept livres de Strabon et un traité de Dion Chrysostome (*).

Il se trouva que Rome eut alors un pape, Nicolas V, passionné pour les lettres et les arts. Il ne se contenta pas de travailler à l'embellissement de Rome par de beaux édifices, il y attira tous les hommes instruits qu'il put trouver en Italie et principalement des grecs. Aurispa, Manetti, Georges de Trébizonde, Théodore Gaza furent appelés par lui. Il les paya pour enseigner leur langue, il leur fit traduire les livres les plus précieux de leur littérature. Thucydide, Diodore de Sicile, Appien, Polybe, Strabon, Plutarque, une partie d'Aristote et de Platon furent mis en latin. Nicolas V aimait à acheter des manuscrits, à les faire couvrir de belles reliures exécutées sous ses ordres. Il en avait rassemblé une précieuse collection, de cinq mille à peu près. Malheureusement il ne resta que huit années sur le trône pontifical de 1447 à 1455. « A son lit de mort, il parlait encore de son désir de faire traduire Homère en vers hexamètres (*). ›

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A ses côtés le cardinal Bessarion, d'origine grecque, mais fixéen Italie dès 1439, partageait la même passion pour les beaux manuscrits. On dit même que pour cette raison il portait ombrage à Nicolas V, qui le traitait

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avec une froideur et une jalousie mal dissimulées. Bessarion ne se contentait pas de réunir des manuscrits, il travaillait à les traduire lui-même. Xénophon, Aristote, Théophraste, d'autres grecs encore furent mis dans un langage plus à la portée des étudiants.

Ainsi devenait de plus en plus vif chaque jour le goût pour la littérature grecque, déjà les esprits étaient préparés à recevoir une plus ample instruction. L'événement tragique de 1453, attendu depuis longtemps, ne fut pas la cause de la renaissance des études grecques en Europe; il ne fit qu'en augmenter le développement et en doubler l'intensité. Bientôt ce fut une passion. Les professeurs abondèrent, les manuscrits arrivèrent en foule; l'imprimerie joignit ses bienfaits à tant d'heureuses circonstances. En effet, le siècle ne s'achève pas avant qu'Alde Manuce ait donné ses éditions savantes, changé l'incommode in-folio pour des formats plus maniables. Il a décrit lui-même l'enthousiasme dont les intelligences s'enflammèrent pour la littérature grecque « On vit, dit-il, jusqu'aux vieillards, à l'exemple de Caton, s'appliquer à l'étude du grec, que la jeunesse et l'enfance cultivèrent à l'égal du latin. " «Nostris vero temporibus multos licet videre Catones, hoc est senes in senectute græce discere. Nam adolescentulorum et juvenum, græcis incumbentium, jam tantus fere est numerus quantus eorum est latinis. » Il faut lui rendre hommage pour avoir augmenté le nombre des livres et répondu à l'ardeur de s'instruire dont ses concitoyens étaient enflammés: “ propterea græci libri vehementer ab omnibus inquiruntur, quorum quia mira paucitas est, ego, adjuvante Christo Jesu, spero me brevi effecturum, ut consulam tantæ inopiæ.... (').» Attribuons-lui également l'honneur

(1) Préface de l'Organon d'Aristote, 1495. Ambroise Firmin-Didot, ibid., p. 29.

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