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lui députe en 798, Michel Ganglione et Théophile, prêtre de l'église des Blaquernes. Lui-même envoie à Constantinople l'évêque d'Amiens, Jessé et le comte Hélingaud ('). On peut voir dans Eginhard, ces échanges répétés d'ambassades.

Voici le détail le plus curieux d'une de ces cérémo– nies où la politique avait plus de part que la littérature. Les députés de Michel, Arsaphe et Théogniste, parurent devant l'empereur à Aix-la-Chapelle (812) et le saluèrent en leur langue en qualité d'empereur.

Tous les historiens de Charlemagne nous disent qu'il avait appris le grec, « et qu'il l'entendait mieux qu'il ne le parlait (*). »

Cette louable activité d'esprit aurait dû exciter autour de lui une vive émulation. Il ne paraît pas cependant qu'il en ait été ainsi. Les grands seigneurs, qui avaient les plus hautes places dans son palais, ne se piquaient guère d'hellénisme, et ils n'en partaient pas moins volontiers pour Constantinople. Cette ignorance de la langue leur attirait des désagréments de la part des grecs fort disposés à traiter de barbares et à soumettre à de rebutantes épreuves ceux qui ne s'exprimaient pas dans leur langue. On sait la mésaventure d'Hatton, évêque de Bâle, de Hugues, comte de Tours, et d'Aio, de Forli; ils avaient été fort maltraités et renvoyés avec toutes sortes d'affronts.

Quant Arsaphe et Théogniste vinrent à leur tour en France, envoyés par Michel, Charlemagne voulut punir

Γραϊκῶν γράμματα καὶ τὴν γλῶσσαν καὶ παιδεῦσαι αὐτὴν τὰ ἤθη τῆς ̔Ρωμαίων Gaothaías. Une princesse destinée à vivre dans un royaume étranger ne fait pas seule le voyage, elle emmène avec elle des officiers et des femmes qui ont également besoin de savoir la langue du nouveau pays qu'elle va habiter. On peut donc supposer qu'il se forma dès lors autour de la fille de Charlemagne une école dont elle n'était pas l'unique élève.

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sur eux l'insolence de leur Cour. Il les fit longtemps promener dans son royaume, les exposant à des courses inutiles et coûteuses. Quand ils furent enfin bien las de ces rebuffades et épuisés d'argent, Charlemagne les reçut à Aix-la-Chapelle. Il leur ménagea plus d'une surprisedésagréable, se moquant de leurs bévues. Plusieurs fois, ils s'étaient prosternés devant des officiers du palais, croyant voir en eux, grâce à la magnificence qui les entourait, l'empereur lui-même. Enfin, ils arrivèrent jusqu'à lui. Ils le virent dans un éclat qui dépassait tout ce qui s'était jusque là offert à eux. Il était entouré de sa famille et appuyé sur Hatton et sur Hugues, le comte de Tours. Les ambassadeurs reconnurent aussitôt les députés qu'ils avaient maltraités à Constantinople. Leur terreur fut grande, ils se jetèrent à ses pieds, et ils ne s'en relevèrent qu'après avoir reçu de lui la promesse de leur pardon. Ils firent alors en langue grecque l'éloge du prince et l'appelèrent empereur et roi, imperatorem xaì 6zoiλéa (1).

L'un des héros de cette aventure, Hatton, abbé de Reichenau (*), paraît cependant avoir étudié le grec, puisqu'il donne le titre d'hodoeporicum au̟ livre dans lequel il a fait la relation de son voyage à Constantinople (3). Cette abbaye de Reichenau conserva la tradition de l'hellénisme. On y voit, en effet, Walafrid Strabon, moine, puis abbé, disciple de Raban Maur, citer Homère, Platon et Sappho, dont il ne connaissait peut-être que les noms, mais il faut remarquer surtout, qu'en 866, un de ses disciples

(1) Martin Crusius. Annales Suevici, p. 9.

(2) Abbas Augiensis.

(3) On lit dans Martin Crusius, Annales Suevici, p. 329: Hoc tempore, 782, Petrus quidam divitis Augiæ abbas erat, homo decrepitæ ætatis ; hic tamen Romam petivit et psalterium septuaginta interpretum consecutus in Augiam detulit. Intelligo græcum psalterium, hoc tunc miraculum fuisse in Germania videtur.

qui fut un des hommes les plus savants du IXe siècle, Ermenric, partit pour la Bulgarie, afin d'évangéliser ce pays où l'on parlait grec (1). On trouve dans les écrits de Hatton, des mots grecs comme exhippitare, pascemata, logo kyriou (2).

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Nous ne redirons pas tout ce que Charlemagne a fait pour les écoles. Nous bornant à ce qui est l'objet de nos recherches, nous ferons observer qu'il fonda en 805 à Osnabruck, (M. Cramer dit en 804), une école avec priviléges, où l'étude du grec et du latin devait être l'objet des plus grands soins de la part des maîtres (3). L'empereur voulait en faire une sorte d'institut d'où il rait tirer au besoin des ambassadeurs instruits dans la langue grecque et capables d'être chargés de missions en Orient. Voici, en effet, les termes du décret de fondation : « Nisi forte contingat, ut imperator Romanorum vel rex Græcorum conjugalia foedera inter filios eorum contrahere disponant, tunc ecclesiæ illius episcopus, omni sumptu a rege vel imperatore adhibito, laborem simul et honorem illius legationis assumat. Et hoc ea de causa statuimus, quia in eodem loco Græcas et latinas scholas in perpetuum manere ordinavimus, et nunquam clericos utriusque linguæ gnaros ibidem deesse confidimus (). » Les paroles sont précises, l'intention est formelle; avant la fondation du collège de France, par François Ier, on ne trouve pas de disposition plus favorable à la langue grecque dans notre pays.

Ce laborieux empereur ne se contentait pas de fonder des écoles, il donnait lui-même l'exemple de l'étude la plus sérieuse. Il nous apparaît presque comme un véritable helléniste. Thegan, l'historien de son fils Louis, nous

(1) Cramer. Ibid. p. 16.

(2) Maï. Script. Vatican. t. VI.

(3) Martin Crusius. Annales Suevici. p. 6. (4) Cramer. Ibid. 17.

dit que depuis le départ de l'empereur Louis, Charles ne s'occupa qu'à la prière, qu'au soulagement des pauvres, et qu'à corriger des livres. L'année qui précéda sa mort, ajoute-t-il, il corrigea très-exactement sur le grec et sur le syriaque l'évangile de Saint Mathieu, de Saint Marc, de Saint Luc et de Saint Jean. Il n'y en a pas beaucoup dans la suite de nos rois que nous trouvions occupés de tels soins. « Quatuor evangelia Christi in ultimo ante obitus sui diem cum græcis et syris optime correxerat (1). »

On ne sera pas surpris qu'il eût rassemblé quantité de livres et formé déjà une bibliothèque considérable. Comme beaucoup de nos princes qui ont toujours laissé se disperser les livres qu'ils avaient acquis, il n'eut pas l'idée d'en fonder un dépôt durable, il laissa cette gloire à Charles V. Il ordonna donc, dans son testament, que ses livres fussent vendus à juste prix à ceux qui voudraient s'en rendre acquéreurs, à la condition qu'on distribuerait aux pauvres l'argent qu'on en aurait fait. « In testamento suo Karolus de libris quorum magnam copiam in bibliotheca sua congregaverat, statuit ut iis qui habere vellent, justo pretio venderentur, pretium in pauperes erogaretur (2).

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Si nous recherchons dans la haute société de ces temps personnages amis de la science qui n'ont pas ignoré le grec, nous avons à citer Louis-le-Débonnaire. Thegan son historien nous apprend qu'il avait fort bien appris les langues grecque et latine. Comme Charlemagne, il entendait mieux le grec qu'il ne le parlait. Nous le voyons recevoir de fréquentes ambassades de Constantinople, tantôt à Aix-la-Chapelle, tantôt à Compiègne, les traiter avec beaucoup de civilité et de munificence

(1) De gestis Ludovici imperatoris, ch. 7. Pertz, monum. Histor. Germanicar. I, p. 592.

(2) Martin Crusius. Annales Suevici, p. 8.

et renvoyer les ministres des princes étrangers fort satisfaits de sa courtoisie.

Le monastère de Saint-Gall fondé l'an 630, nous offre un exemple curieux du goût pour les études grecques dans une femme du plus haut rang. C'est à Ekkehard l'historien de cet illustre couvent que nous en devons la connaissance (1). Hedwige, fille du duc Henri, fut fiancée à l'èmpereur Constantin. Des Eunuques venus d'Orient lui enseignèrent parfaitement la langue grecque. Hedwige refusa le glorieux mariage qu'on lui offrait et devint l'épouse de Burkart qui bientôt la laissa veuve avec une grande fortune. Elle se consacra tout entière à l'étude et se mit entre les mains d'Ekkehard lui-même qui la dirigea dans ses travaux.

Une historiette, rapportée par le même écrivain, nous fait savoir qu'elle n'était pas la seule femme à recevoir les leçons d'un moine. Ruodmann, un abbé du voisinage, ayant, avec malice, dit à l'oreille d'Ekkehard qui s'empressait de le quitter : « Fortunate, qui tam pulchram discipulam docere habes grammaticam.» Celuici lui riposta avec la même malice et lui dit : « Tu Sancte Domine, Kotelindam monialem pulchram discipulam caram docuisti dialecticam. » On voit que ces écolières n'attendaient pas pour étudier d'avoir passé l'âge de la jeunesse et de la beauté (2).

Nous ignorons si Kotelinde avait appris le grec sous

(1) IV Casus S. Galli ch. X, Pertz, t. II, p. 122.

(2) Sur le monastère d'Osnabruk et les monastères d'Allemagne : « Ne mireris autem velim, Hermannum abbatem, Græcum testamentum more suo secum portasse. Doctus et religiosus princeps erat et magnæ auctoritatis, Græcæque linguæ probe gnarus, quam in collegio Carolino, quæ Osnabrugi est, didicerat : in hujus enim fundatione Carolus Magnus sanxit ut tam græcum quam latinum sermonem docerent et discerent singuli, omnemque adeo clericum eleganter bilinguem esse voluit. Chronicon Cœnobii Virginum Ottbergensis, apud Fr. Paulini Rerum et Antiquit. Germanicarum Syntagma, etc. typis Baverianis. 1698. in-4°. - Jourdain. Recherches sur les traductions d'Aristote, p. 43.

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