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une connaissance profonde de la langue grecque chez les gens qui en usaient si mal à propos. "

Dans les colonies monastiques fondées par Saint Colomban à Luxeuil, à Bobbio, à Saint-Gall, les livres furent en honneur et les études assez florissantes pour qu'en 645, Jonas, l'historiographe de Bobbio, pût écrire la vie de Saint Colomban et de ses disciples dans une langue élégante, poétique, où les citations de TiteLive et de Virgile, se mêlaient à celles de l'écriture sainte. Moengall, chargé de l'école du cloître de SaintGall, y introduisit la langue grecque. « Les hymnes de Saint Gall, comme celles de Bangor, dit M. Ozanam (1), se hérissent d'hellénismes.

(1) Ibid. p. 485.—Aldhelmus cite, dans son ouvrage Hisperica famina, les auteurs grecs suivants pris parmi les anciens: Aristote, p. 516, « sed et Aristoteles philosophorum acerrimus perplexa nihilominus ænigmata prosæ locutionis facundia fultus argumentatur. >

Hésiode, p. 598, après avoir cité Virgile :

«Primus ego in patriam, mecum modo vita supersit,
Aonio rediens deducam vertice musas;

Primus idumæas referam tibi, Mantua, palmas

Juvat ire jugis qua nulla priorum

Castalium ut molli devertitur orbita clivo... »

Hoc, inquam, ille versificans significari voluit, nullum ante se latinorum Georgica Romuli descripsisse, quamvis Hesiodus et Homerus et cæteri Græci dissertudinis facundia freti et argolica urbanitatis privilegio præditi quadrifariam agriculturam lingua pelasga deprompserint. On y trouve les mots grecs que voici, p. 515, xλía (pro concatenato schemate) cui Græcorum grammatici vocabulum indiderunt. p. 522, Evander, Evandrus, quorum unum venit ex græca enuntiatione, alter ex latina. p. 523, qui bella et heroum res gestas complectuntur, veluti Ilias Homeri vel Æneis Virgilii, vel Lucani, prælia Cæsaris et Pompeii decantantis. p. 532, quot nάon in dactylico et hexametro inserta adstipularis? A. Vel quid sunt лáðŋ;— M. ñáŋ quidem latina lingua passiones dicuntur. Sunt autem numero sex acephalon, procephalon, lagaron, procylon, dulicheron, miuron vel spicode, (sphicode?) 533.-A. Quid est miuron vel sphicodium?-M. Mus latine mus vel sorex interpretatur, ex eadem prima positione derivativum ducitur miurus vel miurinus, vel sorici. nus. Ibid, dicitur Græce crabro, unde derivatur sphicodis. Ibid, Penthemimeris latine semiquinaria dicitur; quo, quippe semis est; sicut hemisphærium, semisphera latina lingua intelligitur... p. 554, de amphibrachoergo aupt utrimque, ẞpaxos brevis interpretatum dicitur. - 557, de amphimacro... nam uaxpà longa, et macrologia longa sententia dicitur. 595. dasia, psile; apostrophos est signum extritæ vocalis unius aut duarum, quos non habent latini sed Græci.

On remarquera que le ▲, désigne le maître Aidάoxaλos, et le M, le disciple Mattys. Angelo Mai, Classici Auctores, t. V.

XIV.

Au septième siècle, les études sont encore en Irlande dans un tel éclat, qu'on y accourt de toutes parts pour puiser à cette source abondante de doctrine. Au témoignage de Béda, qui vivait au huitième siècle, s'il est en Bretagne quelque clerc, quelque noble breton qui veuille s'intruire, c'est en Hibernie qu'il se rend. Il est dit d'Ægilvin, qui fut plus tard évêque de Lincoln Hiberniam gratia legendi adiit et bene instructus patriam rediit. Alfred, roi des Northumbriens, n'a pu satisfaire son désir de devenir savant qu'en passant en Irlande, c'est ce que dit le biographe de Saint Cuthbert:

Scottorum qui tum versatus incola terris
Cœlestem intento spirabat corde sophiam (').

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Vers le même temps, des clercs gaulois paraissent au milieu des écoles hibernoises; par un singulier retour des choses humaines, ils viennent redemander à leurs anciens élèves la science qu'ils avaient perdue. C'est le cas de Saint Agilbert. « Legendarum gratia scripturarum, in Hibernia non parvo tempore demoratus, dit Beda." Quand, vers 664, il revint sur le continent,« il étonna tellement l'église des Gaules par l'étendue de ses connaissances qu'à la mort d'Importunus, on s'empressa de le nommer évêque de Paris (2). "

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Peut-on douter de la véracité de l'histoire affirmant qu'à l'école d'Armagh, plus de sept mille écoliers se trouvaient réunis, quand un Anglo-Saxon, jaloux de

(1) Usher. Ibid. præfatio.

(2) Hauréau. Ibid. p. 6.

cette grande réputation de l'Irlande, Aldhem, écrit ceci: « Telle est la renommée des Irlandais et l'opinion qu'on a de leur science s'est répandue à ce point, qu'on voit passer et repasser sans cesse ceux qui vont visiter ce pays ou en reviennent. Pareils à des essaims d'abeilles qui composent leur nectar, et qui, au moment où l'ombre de la nuit se retire, vont se poser sur les fleurs des tilleuls, pour revenir à la ruche chargées de leur fardeau jaunissant; ainsi, la foule des lecteurs avides va recueillir, non-seulement les six arts de la grammaire et de la géométrie, sans compter la science physique, mais aussi les quatre sens de l'écriture, avec l'interprétation allégorique et tropologique de ses oracles (1). » Il s'étonne de ce concours de flottes entières qui y transportent les étudiants bretons : « Cur inquam, hibernia, quo catervatim istine lectores classibus advecti confluunt, ineffabili quodam privilegio efferatur? Il réclame en faveur des écoles Anglo-Saxonnes aussi bien pourvues de bons maîtres et de bonnes lettres. Il dit au jeune Eadfrid, qu'il a ramené de la brumeuse Irlande, après qu'il y était demeuré « trois fois deux ans suspendu à la mamelle de la philosophie » : Comme si, sur cette terre verte et féconde d'Angleterre, les maîtres grecs et romains nous manquaient pour expliquer à ceux qui veulent savoir les obscures questions de l'écriture divine : « Ac si istic, facundo Britanniæ in cespite, didascali Argivi Romanive Quirites reperiri minime queant, qui, cælestis tetrica enodantes bibliothecæ problemata, sciolis reservare se sciscitantibus valeant? (2),

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On ne peut pas désigner d'une manière plus satisfaisante pour nous que l'enseignement du grec fait partie du programme de ces écoles bretonnes. On cessera de s'en étonner quand on saura qu'en 668, l'hellé

(1) Ozanam. Ibid. p. 491. (2) Ozanam. Ibid. p. 492.

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nisme avait reçu un redoublement d'activité dans ces régions du nord par l'arrivée d'un grec venu de Tarse en Cilicie. Il se nommait Théodore; et le pape Vitalien l'avait envoyé d'Italie en Bretagne pour occuper le siége de Cantorbéry. C'était un homme versé dans les sciences sacrées et profanes. On le vit, accompagné du moine Adrien, dont on vantait aussi le savoir, parcou rir les sept royaumes Anglo-Saxons. Il ne se contenta pas d'y rétablir la discipline, il y alluma un grand foyer de science. Dans la ville archiepiscopale, il avait rassemblé « un grand nombre de jeunes clercs; luimême leur enseignait la métrique, l'astronomie, l'arithmétique, la musique et l'écriture sainte, avec un tel succès que, trente ans après, plusieurs de ses disciples parlaient encore le grec et le latin (1). »

Ozanam n'a fait que traduire le témoignage de Bède: << Congregata discipulorum caterva, scientiæ salutaris quotidie flumina in rigandis eorum cordibus emanabant ita ut etiam metricæ artis, astronomicæ, et arithmeticæ ecclesiasticæ disciplinam inter sacrorum apicum volumina suis auditoribus contraderent. Indicio est quod hucusque supersunt de eorum discipulis qui latinam græcamque linguam æque, ut propriam in qua nati sunt, norunt (*). »

On retrouve le même éloge dans la lettre d'Aldhelm à Eadfrid: « Bien que le ciel de l'Irlande ait de brillantes étoiles, la Bretagne, aux extrémités de l'Occident, a son soleil aussi en la personne de Théodore, honoré des bandelettes de l'épiscopat, nourri dès l'enfance de la fleur de la philosophie; et sa lune bienfaisante en la personne d'Adrien, doué de tous les agréments d'une urbanité inexprimable. « Ast tamen climatis Britannia occidui in extremo ferme orbis margine sita,

(1) Ozanam. Ibid. p. 488.

(2) Hist. ecclés., IV, 1 et 2.

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verbi gratia, ceu solis flammigeri et luculento lunæ specimine potiatur, id est, Theodoro infula pontificatus fungente, ab ipso tirocinio rudimentorum in flore philosophicæ artis adulto; nec non et ejusdem sodalitatis cliente Adriano duntaxat urbanitate enucleata ineffabiliter prædito (1).»

Nous trouvons dans Aldhelm les traces du savoir grec qu'il tenait de son maître (2). Il aime à mêler des mots grecs à son latin. On y lit au milieu d'une phrase ad doxan onomatis Cyrii; salpix, strophosus, orama, cephale, sont tirés de la même langue. C'est du reste un mérite que lui reconnaissent ses biographes. Guillaume de Malmsbury l'appelle: « Pusio græcis et latinis eruditus litteris. Faricius, moine du douzième siècle, reconnaît aussi qu'il était capable d'écrire et de parler le grec comme s'il était de cette nation : « Miro denique modo graiæ facundiæ omnia idiomata sciebat, et quasi Græcus natione scriptis et verbis pronuntiabat (3). »

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Edelwald, disciple favori d'Aldhelm, suit les exemples de son maître; comme lui, il croit enrichir son style en y mêlant des hellénismes, dans une de ses lettres rapportées par Ozanam, on lit : « Blandæ sponsionis Epimenia," plus loin : « Calamo perarante charaxatum medium (*). "

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On reconnaît dans ces contrées un groupe de disciples qui ne sont pas étrangers à l'érudition de leurs

(1) Usher Vet. epistol. hibernic. Sylloge. p. 26.

(2) Voir l'Epitre XIII, dans Usher p. 26, elle est de 690. Elle commence ainsi: Primitus (pantorum procerum), ce qui ne donne guère une bonne idée de son hellénisme; p. 28, on lit Cata evangelicæ experimentum auctoritatis. A l'épitre XIV d'Adamanni Hensis, monasterii abbatis. P. 29, dans Usher, on voit: nec ob aliqua scoticæ, vilis videlicet linguæ, aut humana onomata. p. 30, ad evitandum fastidium lectorum, sicut caraxata. Ce peu de science était d'autant plus estimable qu'on voit dans la lettre XVI, p. 37, l'ignorance d'un prêtre qui baptisait ainsi : Baptizo te in nomine patria, et filia et spiritu sancta.

(3) Ozanam. ibid. p. 492-490.- Mai, Classici auctores, t. V. Usher. Veter. Epist. Syll.

(4) Ibid. p. 494 n. 1. Apud Bonifacii epistol. edit. Würdtwein.

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