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prêcher sur la Vanité des plaisirs mondains. S'il a quelque chose de mieux à nous offrir .... il faut voir.

Nous voulions aller au spectacle, et nous étions indécis sur celui que nous choisirions: on donnait aux Bouffons le Cantatrici; nous avons été entendre le premier acte. C'était mon jour de loge aux Français, nous y sommes entrés en revenant; on donnait la Gageure. Je me rappelle avoir vu dans cette pièce Molé et Mile Contat; cela rend difficile !

A la sortie du spectacle, j'ai rencontré la comtesse de C***; elle avait chez elle une petite fête d'enfans, où elle n'avait pas osé m'inviter par écrit; ce qui veut dire qu'elle m'avait oubliée il n'y a pas eu moyen de s'en défendre............... J'ai trouvé là cent cinquante personnes. C'était C........y qui dirigeait la fête. On a joué une parade très-gaie, un peu trop gaie, peut-être Cassandre Grand Turc. Le conseiller aulique faisait Cassandre; Anatole, le beau Léandre; et le gros-major, Colombine. J'ai ri à me rouler sur mon fauteil. Après le souper, on a joué au creps; j'étais de moitié dans le jeu du colonel; c'est incroyable ce que nous

avons perdu!..... Je serai forcée, pour acquitter cette dette, de revendre à Sensier ma parure d'émeraudes, à moins.....

Je suis rentrée à quatre heures; mon mari m'attendait c'est par son ordre : que Victoire avait eu soin de brûler dans les cassolettes des pastilles que M. de C.................... m'a rapportées de Constantinople; j'aime cette odeur à la passion..... Je voulais écrire quelque chose de ma conversation avec Emilie, à propos du Chevalier; mais je tombe de sommeil....

..........Je suis au lit, et je m'aperçois que je n'ai pas mis mon verrou en-dedans....... Je n'ai pas le courage de me relever.

Le 9 janvier. Je m'éveille avec plaisir, en songeant que je ne serai pas forcée de vendre ma parure d'émeraudes. ›

Le Journal s'arrêtait là.

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Multa putans, sortemque animo miseratus iniquam.
VIRG., AEn. 6, v. 332.

Il considère long-tems leur cruelle destinée.

IL est des endroits qu'il ne faut

pas

visiter par

intérêt pour ses plaisirs. Je dirai au gourmand, Ne descendez pas à la cuisine; à l'amateur du théâtre, Ne fréquentez pas les coulisses; au protecteur, à l'ami des lettres, Ne vous arrêtez pas au bureau d'un journal: le jeu des machines pourrait vous dégoûter des produits. A en juger par la comédie du Mercure Galant, du tems des Boursault, le bureau d'un journal était déjà ce qu'il est aujourd'hui, le rendez – vous de tous les intérêts particuliers, déguisés sous le nom d'intérêt général; mais il est permis de

croire que la sottise ne s'y présentait pas avec tant de confiance, ni l'amour-propre avec tant de franchise. Le cabinet d'un journaliste en crédit est maintenant une vraie boursé littéraire, de tout point semblable à la bourse du commerce: elle a ses courtiers, ses agens de change, ses banquiers, ses effets, son taux et ses variations; on peut y trouver, jour par jour, le tarif des réputations et le bulletin des amours propres de la capitale, avec cette différence pourtant que le cours est assez généralement en raison inverse de la bonté des signatures. J'avais fait ces réflexions avant que je me fusse avisé d'écrire dans les journaux; l'expérience a pleinement justifié ma théorie. Combien de querelles me suis-je déjà faites, combien de reproches me suis-je attirés, combien de lettres anonymes ai-je reçues, en expiation de quelques phrases où j'ai blessé (la plupart du tems sans le savoir) les prétentions d'un fat ou la vanité d'un sot? Du tems de Juvénal, la mauvaise humeur inspirait de si bons vers! pourquoi faut-il que du nôtre elle dicte de si mauvaise prose?

Visé se facha sérieusement contre Boursault,

parce que celui-ci l'avait mis en scène lui et son journal, et il eut le mauvais esprit de ne pas voir qu'on lui faisait jouer le seul rôle raisonnable de la pièce.

Je suis de meilleure composition que le sieur de Visé, et je veux publier quelque scène du même genre, où le hasard m'a forcé de prendre un rôle; mes lecteurs ne seront pas fâchés de voir en négligé quelques-uns de nos beaux esprits, et de se convaincre que, même en fait de. littérature, il y a bien peu de grands hommes pour les valets-de-chambre.

J'étais, vendredi dernier, seul au bureau de la rédaction de la Gazette de France, occupé à corriger l'épreuve de mon dernier article. Enfoncé dans le grand fauteuil de cuir noir devant une table couverte de brochures nouvelles, de journaux et de manuscrits, lisant avec attention, et la plume à la main, quelques bandes imprimées, il était tout simple qu'un étranger me prît pour le rédacteur du journal, et qu'une méprise me donnât l'idée de profiter des autres. La première personne qui m'avertit du parti que je pouvais tirer de ma position fut une jeune femme en costume d'Arthémise,

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