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Si belle, n'avez-vous pas honte d'être aussi légère?

ON ne doit attaquer certains ridicules qu'avec la plus grande circonspection, non-seulement parce qu'on peut craindre d'y tomber soi-même en cherchant à les combattre, mais parce qu'ils sont retranchés dans un asile respectable qu'il faut, en quelque sorte, violer pour les atteindre tel est le ridicule, de tout tems trèscommun à Paris, de mêler ensemble le sacré et le profane. Sans se targuer d'une grande sévérité de principes, on peut être choqué d'entendre parler dans le monde de prédicateurs à la mode, d'église en vogue, de messe du bon fon. Cette manière de s'exprimer, si peu con

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venable, date cependant d'une époque où la dévotion s'était emparée de toutes les têtes (je voudrais pouvoir dire de tous les cœurs); où la conversation, dans les cercles les plus brillans, ne roulait que sur les subtilités religieuses; où les plus jolies femmes de la cour et de la ville se faisaient une fête d'un carême prêché par un prédicateur célèbre. Je me souviens encore d'avoir entendu, dans ma jeunesse, le père Brydayne prêcher à Saint-Roch: on se disputait les places; les chaises se payaient un écu; la foule de laquais à livrée remplissait le porche de l'église, et de longues files de voitures en obstruaient toutes les avenues. Je ne fus pas seulement témoin, je fus une fois victime des miracles opérés par cet orateur chrétien, dont l'éloquence persuasive détermina plus d'une femme, au sortir du sermon," à quitter son amant, à renoncer à sa loge de l'Opéra, et à se faire dévote; ce que Mme Cornuel appelait changer d'amour. C'est probablement la faute de nos prédicateurs s'ils ne font pas aujourd'hui de semblables conversions : peut-être aussi ont-ils affaire à des passions plus difficiles à déraciner. Il en est une sur-tout

que nos dames de paroisse déguisent assez mal sous les apparences de dévotion dont elles cherchent à les couvrir : c'est la vanité, la maladie la plus opiniâtre de l'esprit humain, et celle dont les femmes sont plus généralement affectées. Le pain-bénit à rendre, une quête à faire, un sermon à entendre, ne sont-ils pas autant d'occasions de se montrer en public et d'y faire de l'effet? On arrive à l'église assez tard pour attirer tous les yeux sur soi; on s'y montre dans une parure que la cérémonie autorise : trois grands laquais écartent la plèbe, et précèdent la dame, que suivent plusieurs jeunes gens ramenés par elle dans le chemin du salut: un des laquais jette un riche coussin sur la chaise à dossier; un autre tire d'un sac de velours el présente à sa maîtresse un livre d'Heures en maroquin, où sont gravées de riches armoiries, et que ferment des crochets de vermeil; en un mot, toutes les superfluités du luxe, toutes es distinctions du rang et de la richesse sont introduites au séjour de la prière et de l'humilité. Après quelques momens passés au milieu des distractions qui l'occupent où qu'elle occasionne, la dame sort ayant la fin de l'office

avec autant de fracas qu'elle est entrée. Combien je fais plus de cas, sans la connaître davantage, de cette veuve agenouillée sur la pierre avec sa modeste fille, dans le coin d'une chapelle obscure! Elle arrive avec la foule, participe en silence au service divin, et sort sans être remarquée : je suis le seul peut-être qui me sois aperçu qu'elle avait accepté l'eaubénite du vieillard infirme qui la lui présentait, en laissant à sa fille le soin et le plaisir des aumônes qu'elle a coutume de distribuer à la porte. Mais j'abuse du privilége de mon âge en me laissant aller à des réflexions qui m'éloiguent de mon sujet ; j'y reviens par un récit très-succinct des circonstances qui me l'ont fourni.

J'étais, il y a quinze jours, à Saint-Roch, où j'avais été conduit par le désir d'entendre un prédicateur qui a trouvé, comme tant d'autres, le secret de se faire une grande réputation avec un petit mérite fatigué de l'attention que j'avais donnée aux deux premiers points d'un sermon sans intérêt, sans éloquence, débité d'une voix traînante et monotone, je m'endormis, et je ne me réveillai qu'au bruit des

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que nos dames de paroisse déguisent assez mal sous les apparences de dévotion dont elles cherchent à les couvrir : c'est la vanité, la maladie la plus opiniâtre de l'esprit humain, et celle dont les femmes sont plus généralement affectées. Le pain-bénit à rendre, une quête à faire, un sermon à entendre, ne sont-ils pas autant d'occasions de se montrer en public et d'y faire de l'effet? On arrive à l'église assez tard pour attirer tous les yeux sur soi; on s'y montre dans une parure que la cérémonie autorise : trois grands laquais écartent la plèbe, et précèdent la dame, que suivent plusieurs jeunes gens ramenés par elle dans le chemin du salut: un des laquais jette un riche coussin sur la chaise à dossier; un autre tire d'un sac de velours et présente à sa maîtresse un livre d'Heures en maroquin, où sont gravées de riches armoiries, et que ferment des crochets de vermeil; en un mot, toutes les superfluités du luxe, toutes

es distinctions du rang et de la richesse sont introduites au séjour de la prière et de l'humilité. Après quelques momens passés au milieu des distractions qui l'occupent où qu'elle occasionne, la dame sort ayant la fin de l'office

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