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peut plus vivre si elle meurt ; il vit en elle ; il ne respire que pour elle. »

Ils ne sont pas plus heureux dans les autres objections. Ils disent, par exemple, qu'Euripide a fait deux époux surannés d'Admėte et d'Alceste; que l'un est un vieux mari, et l'autre une princesse déja sur l'âge. Euripide a pris soin de leur répondre en un seul vers, où il fait dire par le chœur, qu'Alceste toute jeune, et dans la première fleur de son âge, expire pour son jeune époux.

Ils reprochent encore à Alceste qu'elle a deux grands enfants à marier. Comment n'ont-ils point lu le contraire en cent autres endroits, et sur-tout dans ce beau récit où l'on dépeint Alceste mourante au milieu de ses deux petits enfants qui la tirent, en pleurant, par la robe, et qu'elle prend sur ses bras l'un après l'autre pour les baiser?

Tout le reste de leurs critiques est à peu près de la force de celles-ci. Mais je crois qu'en voilà assez pour la défense de mon auteur. Je conseille à ces messieurs de ne plus décider si légèrement sur les ouvrages des anciens. Un homme tel qu'Euripide méritoit au moins qu'ils l'examinassent, puisqu'ils avoient envie de le condamner. Ils devoient se souvenir de ces sages paroles de Quintilien: « Il faut être extrêmement circon

spect et très retenu à prononcer sur les ouvrages de ces grands hommes, de peur qu'il ne nous arrive, comme à plusieurs, de condamner ce que nous n'entendons pas. Et, s'il faut tomber dans quelques excès, encore vaut-il mieux pécher, en admirant tout dans leurs écrits, qu'en y blàmant beaucoup de choses '. »

(1) Modestè tamen et circumspecto judicio de tantis viris pronunciandum est, ne, quod plerisque accidit, damnent quæ non intelligunt. Ac si necesse est in alteram errare partem, omnia eorum legentibus placere, quàm multa displicere, maluerim.

AGAMEMNON.

ACHILLE.

ULYSSE.

CLYTEMNESTRE, femme d'Agamemnon.
IPHIGÉNIE, fille d'Agamemnon.

ÉRIPHILE, fille d'Hélène et de Thésée.

ARCAS,

EURIBATE,

domestiques d'Agamemnon.

ÆGINE, femme de la suite de Clytemnestre.
DORIS, confidente d'Ériphile.

GARDES.

La scène est en Aulide, dans la tente d'Agamemnon

TRAGÉDIE.

ACTE PREMIER

SCÈNE I.

AGAMEMNON, ARCAS.

AGAMEMNON.

Oui, c'est Agamemnon, c'est ton roi qui t'éveille;
Viens, reconnois la voix qui frappe ton oreille.

ARCAS.

C'est vous-même, seigneur? Quel important besoin
Vous a fait devancer l'aurore de si loin?

A peine un foible jour vous éclaire et me guide,
Vos yeux seuls et les miens sont ouverts dans l'Aulide.
Avez-vous dans les airs entendu quelque bruit?
Les vents nous auroient-ils exaucés cette nuit?
Mais tout dort, et l'armée, et les vents, et Neptune.

ACAMEMNON.

Heureux qui, satisfait de son humble fortune,

Libre du og superbe où je suis attaché,

J

Vit dans l'état obscur où les dieux l'ont caché!

2

ARCAS.

Et depuis quand, seigneur, tenez-vous ce langage?
Comblé de tant d'honneurs, par quel secret outrage
Les dieux, à vos desirs toujours si complaisants,
Vous font-ils méconnoître et haïr leurs présents?
Roi, père, époux heureux, fils du puissant Atrée,
Vous possédez des Grecs la plus riche contrée :
Du sang de Jupiter issu de tous côtés,
L'hymen vous lie encore aux dieux dont vous sortez ;
Le jeune Achille enfin, vanté par tant d'oracles,
Achille, à qui le ciel promet tant de miracles,
Recherche votre fille, et d'un hymen si beau
Veut dans Troie embrasée allumer le flambeau.
Quelle gloire, seigneur, quels triomphes égalent
Le spectacle pompeux que ces bords vous étalent,
Tous ces mille vaisseaux, qui, chargés de vingt rois,
N'attendent que les vents pour partir sous vos lois?
Ce long calme, il est vrai, retarde vos conquêtes ;
Ces vents, depuis trois mois, enchaînés sur nos têtes,
D'llion trop long-temps vous ferment le chemin :
Mais, parmi tant d'honneurs, vous êtes homme enfin ;
Tandis que vous vivrez, le sort, qui toujours change,
Ne vous a point promis un bonheur sans mélange.
Bientôt... Mais quels malheurs dans ce billet tracés
Vous arrachent, seigneur, les pleurs que vous versez ?
Votre Oreste au berceau va-t-il finir sa vie?
Pleurez-vous Clytemnestre ou bien Iphigénie?
Qu'est-ce qu'on vous écrit? Daignez m'en avertir.

AGAMEMNON.

Non, tu ne mourras point, je n'y puis consentir.

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