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au royaume; c'est un titre que le chancelier de l'Hospital leur avait donné; il ne signifiait que l'union des parlements dans l'intelligence et le maintien des lois les parlements ne prétendaient pas moins que représenter l'état entier, divisé en diffétentes compagnies, qui toutes faisant un seul corps, constitueraient les états-généraux perpétuels du royaume. Cette idée eût été grande; mais elle eût été trop grande, et l'autorité royale en était irritée.

Ces considérations, jointes aux difficultés qu'on faisait sur l'enregistrement des impôts, déterminerent le roi à venir réformer le parlement de Paris dans un lit de justice....

Quelque secret que le ministere eût gardé il perça dans le public. Le roi fut reçu dans Paris avec un morne silence. Le peuple ne voit dans un parlement que l'ennemi des impôts; il n'examine jamais si ces impôts sont nécessaires; il ne fait pas même réflexion qu'il vend sa peine et ses denrées plus cher à proportion des taxes, et que le fardeau tombe sur les riches. Ceux-ci se plaignent eux-mêmes, et encouragent les murmures de la populace.

Les Anglais dans cette guerre, ont été plus chargés que les Français; mais en Angleterre la nation se taxe elle-même; elle sait sur quoi les emprunts seront remboursés. La France est taxée, et ne sait jamais sur quoi seront assignés les fonds destinés au paiement des emprunts. Il n'y a point en Angleterre de particuliers qui traitent avec l'état des impôts publics, et qui s'enrichissent aux dépens de la nation; c'est le contraire en France. Les parlements de France ont toujours fait des remontrances

aux rois contre ces abus; mais il y a des temps où ces remontrances, et sur-tout les difficultés d'enregistrer, sont plus dangereuses que ces impôts même, parceque la guerre exige des secours pré sents, et que l'abus de ces secours ne peut être corrigé qu'avec le temps.

Le roi vint au parlement faire lire un édit par lequel il supprimait deux chambres de ce corps et plusieurs officiers. Il ordonna qu'on respectàt la bulle Unigenitus, défendit que les juges séculiers prescrivissent l'administration des sacrements, en leur permettant seulement de juger des abus et des délits commis dans cette administration, enjoignant aux évêques de prescrire à tous les curés la modération et la discrétion, et voulant toutes les querelles passées fussent ensevelies dans l'oubli. Il ordonna que nul conseiller n'aurait voix délibérative avant l'âge de vingt-cinq ans, et que personne në pourrait opiner dans l'assemblée des chambres qu'après avoir servi dix années. Il fit enfin les plus expresses inhibitions d'interrompre, sous quelque prétexte que ce pût être, le service ordinaire.

que

Le chancelier alla aux avis pour la forme; le parlement garda un profond silence: le roi dit qu'il voulait être obéi, et qu'il punirait quiconque oserait s'écarter de son devoir.

Le lendemain quinze conseillers de la grand'chambre remirent leur démission sur le bureau; cent quatre-vingts membres du parlement se démirent bientôt de leurs charges. Les murmures furent grands dans toute la ville.

Parmi tant d'agitations qui troublaient tous les

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esprits au milieu d'une guerre funeste, dans le digieux dérangement des finances, qui rendait cette guerre plus dangereuse, et qui irritait l'animosité des mécontents, enfin parmi les épines des divisions semées de tous côtés entre les magistrats et le clergé, dans le bruit de toutes ces clameurs, il était très difficile de faire le bien, et il ne s'agissait presque plus que d'empêcher qu'on ne fît beaucoup de mal.

CHAPITRE XXXVII.

Attentats contre la personne du roi.

Czs émotions du peuple furent bientôt ensevelies dans une consternation générale, par l'accident le plus imprévu et le plus effrayant. Le roi fut assas siné, le 5 janvier, dans la cour de Versailles, en présence de son fils, au milieu de ses gardes et des grands officiers de sa couronne. Voici comment cet étrange évènement arriva.

Un misérable de la lie du peuple, nommé RobertFrançois Damiens, né dans un village auprès d'Arras, avait été long-temps domestique à Paris dans plusieurs maisons; c'était un homme dont l'humeur sombre et ardente avait toujours ressemble à la démence.

Les murmures généraux qu'il avait entendus dans les places publiques, dans la grand’salle du palais et ailleurs, allumerent son imagination. Il alla à Versailles comme un homme égaré; et dans les agi

tations que lui donnait son dessein inconcevable, il demanda à se faire saigner dans son auberge. Le physique a une si grande influence sur les idées des hommes, qu'il protesta depuis, dans ses interrogatoires, « que s'il avait été saigné comme il le demandait, il n'aurait pas commis son crime. »

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Son dessein était le plus inoui qui fût jamais tombé dans la tête d'un monstre de cette espece; il ne prétendait pas tuer le roi, comme en effet il le soutint depuis, et comme malheureusement il l'aurait pu, mais il voulait le blesser; c'est ce qu'il déclara dans son procès criminel devant le parlement:

« Je n'ai point eu intention de tuer le roi : je l'aurais tué si j'avais voulu; je ne l'ai fait que pour que Dieu pût toucher le roi, et le porter à re• mettre toutes choses en place, et la tranquillité dans ses états; et il n'y a que l'archevêque de « Paris seul qui est cause de tous ces troubles. » Cette idée avait tellement échauffé sa tête, que, dans un autre interrogatoire, il dit:

« J'ai nommé des conseillers au parlement, parce« que j'en ai servi un, et parceque presque tous « sont furieux de la conduite de M. l'archevêque En un mot le fanatisme avait troublé l'esprit de ce malheureux au point que dans les interrogatoires qu'il subit à Versailles on trouve ces propres paroles:

« Interrogé quels motifs l'avaient porté à attenter « à la personne du roi, a dit que c'est à cause de la religion.

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Tous les assassinats des princes chrétiens ont eu celte cause. Le roi de Portugal n'avait été assassiné

qu'en vertu de la décision de trois jésuites. On sait assez que les rois de France Henri III et Henri IV ue périrent que par des mains fanatiques; mais il y avait cette différence que Henri III et Henri IV furent tués parcequ'ils paraissaient ennemis du pape, et que Louis XV fat assassiné parcequ'il semblait vouloir complaire au pape.

L'assassin s'était muni d'un couteau à ressort, qui d'un côté portait une longue lame pointue, et de l'autre un cauif à tailler les plumes, d'environ quatre pouces de longueur. Il attendait le moment où le roi devait monter en carrosse pour aller à Trianon. Il était près de six heures ; le jour ne luisait plus; le froid était excessif: presque tous les courtisans portaient de ces manteaux qu'on nomme par corruption redingotes. L'assassin, ainsi vêtu, pénetre vers la garde, heurte en passant le dauphin, se fait place à travers la garniture des gardes du corps et des cent-suisses, aborde le roi, le frappe de son canif à la cinquieme côte, remet son couteau dans sa poche, et reste le chapeau sur la tête. Le roi se sent blessé, se retourne, et à l'aspect de cet inconnu qui était couvert, et dont les yeux étaient égarés, il dit: C'est cet homme qui m'a frappé, qu'on l'arrête, et qu'on ne lui fasse point de mal. >

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Tandis que tout le monde etait saisi d'effroi et d'horreur, qu'on portait le roi dans son lit, qu'on cherchait les chirurgiens, qu'on ignorait si la blessure était mortelle, si le couteau était empoisonné, le parricide répéta plusieurs fois: « Qu'on prenne garde à monseigneur le dauphin, qu'il ne sorte pas de la journée.

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