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que de communier par arrêt du parlement. Le roi, qui avait exilé ses juges séculiers pour n'avoir pas obtempéré à ses ordres, voulut tenir la balance égale, et exiler aussi ceux du clergé qui s'obstineraient au schisme. Il commença par l'archevêqué de Paris: il fut relégué à sa maison de Conflans, à trois quarts de lieue de la ville; exil doux qui ressemblait plus à un avertissement paternel qu'à une punition.

1.

Les évêques d'Orléans et de Troies furent pareillement exilés à leurs maisons de plaisance avec la même douceur. L'archevêque de Paris, étant aussi inflexible dans sa maison de Conflans que dans sa demeure épiscopale, füt relégué plus loin.

Le parlement pouvant alors agir en liberté, réprimait la sorbonne, qui ayant autrefois regardé la bulle avec horreur, la regardait maintenant comme une regle de foi. Elle menaçait de cesser ses leçons ; et le parlement, qui avait lui-même cessé ses fonctions plus importantes, ordonnait à la faculté de continuer les siennes: il soutenait les libertés de l'église gallicane, et le roi l'approuvait ; mais quand il allait trop loin, le roi l'arrêtait; et en confirmant la partie des arrêts qui tendait au bien public, il cassait celle qui lui paraissait trop peu mesurée. Ce monarque se voyait toujours entre deux grandes factions animées, comme les empereurs romains entre les bleus et les verds. Il était occupé de la guerre maritime que l'Angleterre commençait à lui faire; celle de terre paraissait inévitable: ce n'était guere le temps de parler d'une bulle.

Il lui fallait encore appaiser les contestations du

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grand-conseil et de ses parlements; car presque rien n'était déterminé en France par des lois précises, les bornes, les privileges de chaque corps étant incertains: le clergé ayant toujours voulu étendre sa juridiction, les chambres des comptes ayant disputé aux parlements beaucoup de prérogatives, les pairs ayant souvent plaidé pour les leurs contre le parlement de Paris, il n'était pas étonnant que le grandconseil eût avec lui quelques querelles.

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Ce grand-conseil était originairement le conseil des rois, et les accompagnait dans tous leurs voyages. Tout changea peu-à-peu dans l'administration pu blique, et le grand-conseil changea aussi : il ne fut plus qu'une cour de judicature sous Charles VIII. II décide des évocations, de la compétence des juges, de tous les procès concernant tous les bénéfices da royaume, excepté de la régale; il a le droit de juger ses propres officiers. Un conseiller de cette cour fut appelé au châtelet pour ses dettes: le grand-conseil revendiqua la cause, et cassa la sentence du châtelet. Aussitôt le parlement s'émeut, casse l'arrêt du grand-conseil ; et le roi casse l'arrêt du parlement, Nouvelles remontrances, nouvelles querelles; tous les parlements s'élevent contre le grand-conseil; et le public se partage. Le parlement de Paris convoque encore les pairs pour cette dispute de corps, et le roi défend encore aux pairs cette association; l'affaire enfin reste indécise, comme tant d'autres.

Cependant le roi avait des occupations plus importantes: il fallait soutenir contre les Anglais sur terre et sur mer une guerre onéreuse'; il faisait en même temps cette mémorable fondation de l'école S. DE LOUIS XV. 5.

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militaire, le plus beau monument de son regne, que l'impératrice Marie-Thérese a imité depuis. Il fallait des secours de finances, et le parlement se rendait difficile sur l'enregistrement des édits qui ordonnaient la perception des deux vingtiemes. On a été depuis obligé d'en payer trois, parceque lorsqu'on a guerre, il faut que les citoyens combattent, ou qu'ils paient ceux qui combattent; il n'y

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Le roi tint un lit de justice à Versailles, où il convoqua les princes et les pairs, avec le parlement de Paris: il fit enregistrer ses édits; mais le parlement, de retour à Paris, protesta contre cet enregistrement. Il prétendait que non seulement il n'avait pas eu la liberté nécessaire de l'examen, mais que cet édit demandait des modifications qui ne blessassent ni les intérêts du roi, ni ceux de l'état ; qui étaient les mêmes, et qu'il avait fait serment de maintenir; et il disait que son devoir n'était pas de plaire, mais de servir: ainsi le zele combattait l'obéissance.

Les épines du schisme se mêlaient à l'importante affaire des impôts. Un conseiller du parlement, malade à sa campagne, dans le diocese de Meaux, demanda les sacrements; un curé les lui refusa comme à un ennemi de l'église, et le laissa mourir sans cette cérémonie: on procéda contre le curé, qui prit la fuite.

L'archevêque d'Aix avait fait un nouveau formulaire sur la bulle, et le parlement d'Aix l'avait condamné à donner dix mille livres aux pauvres : il fut obligé de faire cette aumône, et il en fut pour

son formulaire et pour son argent. L'évêque de Troies avait troublé son diocese; le roi l'envoya prisonnier chez des moines en Alsace. L'archevêque de Paris, à qui l'on avait permis de revenir à Conflans, déclara excommuniés ceux qui liraient les arrêts et les remontrances des parlements sur la bulle et sur les billets de confession.

Louis XV, que tant d'animosités embarrassaient poussa la circonspection jusqu'à demander l'avis du pape Lambertini, Benoît XIV, homme aussi modéré que lui, aimé de la chrétienté pour la douceur et la gaieté de son caractere, et qui est aujourd'hui regretté de plus en plus. Il ne se mêla jamais d'aucune affaire que pour recommander la paix. C'était son secrétaire des brefs, le cardinal Passionei, qui faisait tout. Ce cardinal, le seul alors dans le sacré college qui fût homme de lettres, était un génie assez élevé pour mépriser les disputes dont il s'agissait. Il haïssait les jésuites qui avaient fabriqué la bulle; il ne pouvait se taire sur la fausse démarche qu'on avait faite à Rome de condamner dans cette bulle des maximes vertueud'une vérité éternelle, qui appartiennent à tous les temps et à toutes les nations; celle-ci, par exemple, « La crainte d'une excommunication in« juste ne doit point empêcher de faire son devoir. >>

ses,

Cette maxime est dans toute la terre la sauvégarde de la vertu; tous les anciens, tous les modernes, ont dit que le devoir doit l'emporter sur la crainte du supplice même.

Mais quelque étrange que parût la bulle en plus d'un point, ni le cardinal Passionei, ni le pape, ne

pouvaient rétracter une constitution regardée comme une loi de l'église. Benoît XIV envoya an roi une lettre circulaire pour tous les évêques de France, dans laquelle il regardait, à la vérité, cette bulle comme une loi universelle, à laquelle on ne peut résister «sans se mettre en dauger de perdre son salut éternel : mais enfin il décidait que, « pour « éviter le scandale, il faut que le prêtre avertisse les << mourants soupçonnés de jansénisme qu'ils seront • damnés, et les communier à leurs risques et périls.»

Le même pape, dans sa lettre particuliere au roi, lui recommandait les droits de l'épiscopat. Quand on consulte un pape, quel qu'il soit, on doit bien s'attendre qu'il écrira comme un pape doit écrire,

Mais Benoît XIV, en rendant ce qu'il devait à sa place, donuait aussi tout ce qu'il pouvait à la paix, à la bienséance, à l'autorité du monarque. On imprima le bref du pape adressé aux évêques. Le parlement eut le courage ou la témérité de le condamner et de le supprimer par un arrêt. Cette démarche choqua d'autant plus le roi que c'était luimême qui avait envoyé aux évêques ce bref condamné par son parlement. Il n'était point question dans ce bref des libertés de l'église gallicane, et des droits de la monarchie, que le parlement a soutenus et vengés dans tous les temps. La cour vit dans la censure du parlement plus de mauvaise humeur que de modération.

Le conseil croyait avoir un autre sujet de réprouver la conduite du parlement de Paris; plusieurs autres cours supérieures qui portent le nom de parlements, s'intitulaient Classes du Parlement

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