Imágenes de página
PDF
ePub

Il se trouva, vers l'an 1750, un ministre des finances assez hardi pour faire ordonner que le clergé et les religieux donneraient un état de leurs biens, afin que le roi pût voir par ce qu'ils possédaient ce qu'ils devaient à l'état. Jamais proposition ne fut plus juste; mais les conséquences en parurent sacrileges. Un vieil évêque de Marseille écrivit au contrôleur-général : « Ne nous mettez pas << dans la nécessité de désobéir à Dieu ou au roi; « vous savez lequel dés deux aurait la préférence ». Cette lettre d'un évêque affaibli par l'âge et incapable d'écrire était d'un jésuite, nommé Lemaire, qui le dirigeoit lui et sa maison : ce jésuite était un fanatique de bonne foi, espece d'hommes toujours dangereuse.

[ocr errors]

Le ministere fut obligé d'abandonner une entre. prise qu'il n'eût pas fallu hasarder si on ne pouvait la soutenir. Quelques membres du clergé imaginerent alors d'occuper le gouvernement par une diversion embarrassante, et de le le mettre en alarme sur le spirituel pour faire respecter le temporel.

Ils savaient que la fameuse bulle Unigenitus était en exécration aux peuples; on résolut d'exiger des mourants des billets de confession : il fallait que ees billets fussent signés par des prêtres adhérant à la bulle, sans quoi point d'extrême-onction, point de viatique; on refusait sans pitié ces deux consolations aux appelants, et à ceux qui se confessaient à des appelants. Un archevêque de Paris entra surtout dans cette manœuvre, plus par zele de théologien que par esprit de cabale.

Alors toutes les familles furent alarmées ; le schis

me fut annoncé: plusieurs de ceux qu'on appelle jansénistes commençaient à dire hautement, que si on rendait les sacrements si difficiles, on sanrait bientôt s'en passer à l'exemple de tant de nations. Ces minuties bourgeoises occuperent plus les Parisiens que tous les grands intérêts de l'Europe; c'étaient des insectes, sortis du cadavre du molinisme et du jansénisme, qui, en bourdonnant dans la yille, piquaient tous les citoyens.; on ne se souvenait plus ni de Metz, ni de Fontenoi, ni des victoires, ni des disgraces, ni de tout ce qui avait ébranlé l'Europe. Il y avait dans Paris cinquante mille énergumenes qui ne savent pas en quel pays coulent le Danube et l'Elhe, et qui croyaient l'univers bouleversé pour des billets de confession. Tel est le peuple.

Un curé de Saint-Étienne-du-Mont, petite paroisse de Paris, ayant refusé les sacrements à un conseiller du châtelet, le parlement mit en prison le curé.

Le roi voyant cette petite guerre civile excitée entre les parlements et les évêques, défendit à ses cours de judicature de se mêler des affaires concernant les sacrements, et en réserva la connaissance à son conseil privé. Les parlements se plaignirent qu'on leur ôtât ainsi l'exercice de la police générale du royaume, et le clergé souffrit impatiemment que l'autorité royale voulût pacifier des querelles de religion. Les animosités s'aigrirent de tous côtés.

Une place de supérieure dans l'hôpital des filles acheva d'allumer la discorde: l'archevêque voulut seul nommer à cette place; le parlement de Paris s'y

[ocr errors]

opposa ; et le roi ayant jugé en faveur du prélat, le parlement cessa de faire ses fonctions et de rendre la justice: il fallut que le roi envoyât, par ses mousquetaires, à chaque membre de ce tribunal des lettres de cachet portant ordre de reprendre leurs fonctions sous peine de désobéissance.

Les chambres siégerent donc comme de coutume; mais quand il fallut plaider il ne se trouva point d'avocats. Ce temps ressemblait en quelque maniere au temps de la fronde; mais, dépouillé des horreurs de la guerre civile, il ne se montrait qué sous une forme susceptible de ridicule.

Ce ridicule était pourtant embarrassant. Le roi résolut d'éteindre par sa modération ce feu qui faisait craindre un incendie; il exhorta le clergé à ne point user ae rigueurs dangereuses: le parlement reprit ses fonctions.

Mais bientôt après les billets de confession reparurent; de nouveaux refus de sacrement irriterent tout Paris: le même curé de Saint-Étienne, trouvé coupable d'une seconde prévarication, fut mandé par le parlement, qui lui défendit à lui et à tous les curés de donner un pareil scandale, sous peine de la saisie du temporel; le même arrêt invita l'archeyêque à faire cesser lui-même le scandale. Ce terme d'invitation paraissait entrer dans les vues de la modération du roi. L'archevêque ne voulant pas même que la justice séculiere eût le droit de lui faire une invitation, alla se plaindre à Versailles : il était soutenu par un ancien évêque de Mirepoix, nommé Boyer, chargé du ministere de présenter an roi les sujets pour des bénéfiecs; cet homme, autrefois

théatin, puis évêque, et devenu ministre au département des bénéfices, était d'un esprit fort borné, mais zélé pour les immunités de l'église; il regardait la bulle comme un article de foi; et ayant le crédit attaché à sa place, il persuada que le parlement touchait à l'encensoir. L'arrêt du parlement fut cassé : ce corps fit des remontrances fortes et pathétiques.

Le roi lui ordonna de s'en tenir à lui rendre compte de toutes les dénonciations qu'on ferait sur ces matieres, se réservant à lui-même le droit de pu nir lesprêtres dont le zele scandaleux pourrait faire naître des semences de schisme; il défendit, par un arrêt de son conseil d'état, que ses sujets se donnassent les uns aux autres les noms de novateurs, de jansénistes, et de sémi-pélagiens: c'était ordonner à des fous d'être sages.

Les curés de Paris, excités par l'archevêque, présentérent une requête au roi en faveur des billets de confession; sur-le-champ le parlement décréta le euré de Saint-Jean-en-Greve, qui avait formé la requête. Le roi cassa encore cette procédure de justice: le parlement cessa encore ses fonctions; il continua à faire des remontrances, et le roi persista à exhorter les deux partis à la paix: ses soins furent inutiles,

far

... Une lettre de l'évêque de Marseille, dénoncée au parlement, fut brûlée par la main du bourreau; un écrit de l'évêque d'Amiens condamné. Le clergé étant assemblé pour lors à Paris, comme il s'assemble tous les cinq ans, pour payer au roi ses subsides, résolut de lui aller porter ses plaintes en habits,

pontificaux; mais le roi ne voulut point de cette cérémonie extraordinaire.

D'un autre côté le parlement condamna un portedieu à l'amende, à demander pardon à genoux, et à être admonété, et un vicaire de paroisse au bannissement : le roi cassa encore cet arrêt.

Les affaires de ceite espece se multiplierent: le roi recommanda toujours la paix, sans que les ecelésiastiques cessassent de refuser les sacrements, et sans que le parlement cessât de procéder contre

eux.

Enfin le roi permit aux parlements de juger des sacrements, en cas qu'il y eût un procès à leur sujet; mais il leur défendit de chercher à juger lorsqu'il n'y aurait pas de parties plaignantes. Le parlement reprit une seconde fois ses fonctions, et les plaideurs, qu'on avait négligés pour ces affaires, eurent la liberté de se ruiner à l'ordinaire.

Le feu couvait toujours sous la cendre. L'archevêque avait ordonné de refuser le sacrement à deux pauvres vieilles religieuses de Sainte-Agathe, qui, ayant entendu dire autrefois à leur directeur que la bulle Unigenitus est un ouvrage diabolique, craignaient d'être damnées si elles recevaient cette bulle en mourant; elles craignaient d'être damnées aussi en manquant d'extrême-onction. Le parlement en voya son greffier à l'archevêque pour le prier de ne pas refuser à ces deux filles les secours ordinaires; et le prélat ayant répondu, selon sa coutume, qu'il ne devait compte qu'à DIEU seul, son temporel fat Baisi : les princes du sang et les pairs furent invités à venir prendre séance au parlement.

« AnteriorContinuar »