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des Europeans en Amérique. Les Anglais ont pris tous les forts bâtis par les Français dans ces contrées, et plus de trois millions tournois en marchandises précieuses.

Le dernier établissement que les Français avaient dans ces parages de l'Afrique était l'isle de Gorée; elle s'est rendue à discrétion, et il ne leur est rien * resté alors dans l'Afrique.

Ils ont fait bien de plus grandes pertes en Amérique. Sans entrer ici dans le détail de cent petits combats, et de la perte de tous les forts l'un après l'autre, il suffit de dire que les Anglais ont pris Louisbourg pour la seconde fois, aussi mal fortifié, aussi mal approvisionné que la premiere. Enfin tandis que les Anglais entraient dans Surate à l'embouchure du fleuve Indus, ils prenaient Québec et tout le Canada au fond de l'Amérique septentrionale: les troupes qui ont hasardé un combat pour sauver Québec ont été battues et presque détruites, malgré les efforts du général Montcalm, tué dans cette journée, et très regretté en France. On a perdu ainsi en un seul jour quinze cents lieues de pays.

Ces quinze cents lieues, dont les trois quarts sont des déserts glacés, n'étaient pas peut-être une perte réelle le Canada coûtait beaucoup et rapportait très peu. Si la dixieme partie de l'argent englouti dans cette colonie avait été employée à défricher nos terres incultes en France, on aurait fait un gain considérable; mais on avait voulu soutenir le Canada, et on a perdu cent années de peines avec tout l'argent prodigué sans retour.

Pour comhle de malheur on accusait des plus

horribles brigandages presque tous ceux qui étaient. employés au nom du roi dans cette malheureuse colonie: ils ont été jugés au châtelet de Paris tandis que le parlement informait contre Lalli. Celui-ci, après avoir cent fois exposé sa vie, l'a perdue par la main d'un bourreau, tandis que les concussionnaires du Canada n'ont été condamnés qu'à des restitutions et des amendes: tant il est de différence entre les affaires qui semblent les mêmes!

Dans le temps que les Anglais attaquaient ainsi les Français dans le continent de l'Amérique, ils se sont tournés du côté des isles. La Guadeloupe, petite, mais florissante, où se fabriquait le meilleur sucre, est tombée entre leurs mains sans coup férir. Eniin ils ont pris la Martinique, qui était la meilleure et la plus riche colonie qu'eût la France.

Ce royaume n'a pu essuyer de si grands désastres sans perdre encore tous les vaisseaux qu'il envoyait pour les prévenir; à peine une flotte était-elle en mer qu'elle était ou prise ou détruite: on construisait, on armait des vaisseaux à la hâte; c'était travailler pour l'Angleterre, dont ils devenaient bientôt la proie.

Quand on a voulu se venger de tant de pertes et faire une descente en Irlande, il en a coûté des sommes immenses pour cette entreprise infructueuse; et dès que la flotte destinée pour cette descente est sortie de Brest elle a été dispersée en partie, ou prise, ou perdue dans la vase d'une riviere nommée la Vilaine, sur laquelle elle a cherché un vain refuge. Enfin les Anglais ont pris Belle-Isle à

la vue des côtes de la France qui ne pouvait la secourir.

Le seul duc d'Aiguillon vengea les côtes de France de tant d'affronts et de tant de pertes. Une flotte anglaise avait fait encore une descente à Saint-Cast, près de Saint-Malo; tout le pays était exposé : le duc d'Aiguillon, qui commandait dans le pays, marche sur-le-champ à la tête de la noblesse bretonne, de quelques bataillons, et des milices qu'il rencontre en chemin ; il force les Anglais de se rembarquer; une partie de leur arriere-garde est tuée, l'autre faite prisonniere de guerre: mais les Francais ont été malheureux par-tout ailleurs. Au reste quel a été le prix de ce service du due d'Aiguillon et de son sang versé en Italie? une persécution publique et acharnée, presque semblable à celle de Lalli, qui prouve que ceux-là seuls ont raison qui se dérobent à la cour et au public.

Jamais les Anglais n'ont eu tant de supériorité sur mer; mais ils en eurent sur les Français dans tous les temps: ils avaient détruit la marine de la France dans la guerre de 1741; ils avaient anéanti celle de Louis XIV dans la guerre de la succession d'Espagne ; ils étaient les maîtres des mers du temps de Louis XIII, de Henri IV, et encore plus dans les temps infortunés de la ligue. Le roi d'Angleterre, Henri VIII, eut le même avantage sur François I.

Si vous remontez aux temps antérieurs, vous trouverez que les flottes de Charles VI et de Philippe de Valois ne tiennent pas contre celles des rois d'Angleterre Henri V et Édouard III.

Quelle est la raison de cette supériorité conti

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muelle? N'est-ce pas que les Anglais ont besoin de la mer, dont les Français peuvent à toute force se passer, et que les nations réussissent toujours, comme on l'a déja dit, dans les choses qui leur sont absolument nécessaires? N'est-ce pas aussi parceque la capitale est un port de mer, et que Paris ne connoît que les bateaux de la Seine? Serait-ce enfin que le climat et le sol anglais produisent des hommes d'un corps plus vigoureux et d'un esprit plus constant que celui de France, comme il produit de meilleurs chevaux et de meilleurs chiens de chasse? mais depuis Baïonne jusqu'aux côtes de Picardie et de Flandre la France a des hommes d'un travail infatigable, et la Normandie seule a subjugué autrefois l'Angleterre.

Les affaires étaient dans cet état déplorable sur terre et sur mer, lorsqu'un homme d'un génie actif et hardi, mais sage, ayant d'aussi grandes vues que le maréchal de Belle-Isle, avec plus d'esprit, sentit que la France seule pouvait à peine suffire à réparer des pertes si énormes: il a su engager l'Espagne à soutenir la querelle; il a fait une cause commune de toutes les branches de la maison de Bourbon. Ainsi l'Espagne et l'Autriche ont été jointes avec la France par le même intérêt. Le Portugal était en effet une province de l'Angleterre dont elle tirait cinquante millions par an: il a fallu la frapper par cet endroit; et c'est ce qui a déterminé don Carlos, roi d'Espagne par la mort de son frere Ferdinand, à entrer dans le Portugal. Cette manœuvre est peut-être le plus grand trait de politique dont l'histoire moderne fasse mention. Elle a encore été inutile; les An

glais ont résisté à l'Espagne, et ont sauvé le Portugal.

Autrefois l'Espagne seule était redoutée de toute l'Europe sous Philippe II; et maintenant, réunie avec la France, elle ne peut rien contre les Anglais. Le comte de la Lippe-Schombourg, l'un des seigneurs de Vestphalie, est envoyé par le roi d'Angleterre au secours du Portugal: il n'avait jamais commandé en chef; il avait peu de troupes; cependant dès qu'il est arrivé il gagne la supériorité sur les Espagnols et les Français réunis ; il repousse tous leurs efforts; il met le Portugal en sûreté.

Dans le même temps une flotte d'Angleterre faisait payer cher aux Espagnols leur déclaration tardive en faveur de la France.

La Havane, bâtie sur la côte septentrionale de Cuba, la plus grande isle de l'Amérique, à l'entrée du golfe du Mexique, est le rendez-vous de ce nouveau monde : le port, aussi immense que sûr, peut contenir mille vaisseaux; il est défendu par trois forts dont part un feu croisé qui rend l'abord impossible aux ennemis. Le comte d'Albermale et l'amiral Pocok viennent attaquer l'isle; mais ils se gardent bien de tenter les approches du port; ils descendent sur une plage éloignée qu'on croyait inabordable; ils assiegent par terre le fort le plus considérable; ils le prennent, et forcent la ville, les forts et toute l'isle à se rendre, avec douze vaisseaux de guerre qui étaient dans le port, et vingtsept navires chargés de trésors. On trouva dans la ville vingt-quatre de nos millions en argent comptant. Tout fut partagé entre les vainqueurs, qui

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