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encore la meilleure compilation qu'on ait en aucune langue, parceque les compilateurs sout rarement éloquents, et que Rollin l'était. Son livre vandrait beaucoup mieux si l'auteur avait été philosophe. Il y a beaucoup d'histoires anciennes ; il n'y en a aucune dans laquelle on apperçoive cet esprit philosophique qui distingue le faux du vrai, l'incroyable du vraisemblable, et qui sacrifie l'inutile. Mort en 1741.

ROTROU (Jean), né en 1609, le fondateur du théâtre. La premiere scene et une partie du quatrieme acte de Venceslas sont des chefs-d'œuvre. Corneille l'appelait son pere: on sait combien le pere fut surpassé par le fils. Venceslas ne fut composé qu'après le Cid; il est tiré entièrement, comme le Cid, d'une tragédie espagnole. Mort en 1650.

ROUSSEAU (Jean-Baptiste), né à Paris en 1669. De très beaux vers, de grandes fautes, et de longs malheurs, le rendirent très fameux. Il faut, ou lui imputer les couplets qui le firent bannir, couplets semblables à plusieurs qu'il avait avoués, ou flétrir deux tribunaux qui prononcerent contre lui. Ce n'est pas que deux tribunaux, et même des corps plus nombreux, ne puissent commettre unanimement de très violentes injustices quand l'esprit de parti domine. Il y avait un parti furieux acharné contre Rousseau; peu d'hommes out autant excité et senti la haine. Tout le public fut soulevé contre lui jusqu'à son bannissement, et même encore quelques années après; mais enfin les succès de la Motte, son rival, l'accueil qu'on lui faisait, sa réputation qu'on croyait usurpée, l'art qu'il avait eu de s'établir une espece d'empire dans la littérature, révolterent contre lui tous les gens de lettres, et les ramenerent à Rousseau, qu'ils ne craignaient plus:

ils lui rendirent presque tout le public. La Motte leur parut trop heureux parcequ'il était riche et accueilli : ils oubliaient que cet homme était avengle et accablé de maladies; ils voyaient dans Rousseau un banni infortuné, sans songer qu'il est plus triste d'être aveugle et malade que de vivre à Vienne et à Bruxelles. Tous deux étaient en effet très malheureux, l'un par la nature, l'autre par l'aventure funeste qui le fit condamner; tous deux servent à faire voir combien les hommes sont injustes, combien ils varient dans leurs jugements, et qu'il y a de la folie à se tourmenter pour arracher leurs suf frages. Mort à Bruxelles en 1740.

Rousseau eut rarement dans ses ouvrages de l'aménité, des graces, du sentiment, de l'invention: il savait très bien tourner une épigramme licencieuse et une stance. Ses épîtres sont écrites avec une plume de fer trempée dans le fiel le plus dégoûtant: il appelle mesdemoiselles Lauvancourt, qui étaient trois sœurs très aimables, trio de louves acharnées; il appelle le conseiller d'état Rouillé tabarin mordant, caustique et rustre, après lui avoir prodigué des louanges dans une ode assez médiocre: les mots de maroufles, de bélítres salissent ses épîtres. Il faut sans doute opposer une noble fierté à ses ennemis; mais ces basses injures sans gaieté, sans agréments, sont le contraire d'une ame noble.

Quant aux couplets qui le firent bannir, voyez les articles la Motte et Saurin.

On se contentera de remarquer ici que Rousseau ayant avoué qu'il avait fait cinq de ces malheureux couplets, il était coupable de tous les autres au tribunal de tous les juges et de tous les honnêtes gens: sa conduite après sa condamnation n'est nullement une preuve en sa faveur; on a entre les

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mains des lettres du sieur Medine de Bruxelles, du 7 mai 1737, conçues en ces termes : « Rousseau n'avait d'autre table que la mienne, d'autre asile « que chez moi; il m'avait baisé et embrassé cent « fois le jour qu'il força mes créanciers à me faire << arrêter. »

Qu'on joigne à cela un pélerinage fait par Rousseau à Notre-Dame de Hall, et qu'on juge s'il doit en être cru sur sa parole dans l'affaire des couplets,

RUE (Charles de la), né en 1643, jésuite, poëte latin, poëte français, et prédicateur. L'un de ceux qui travaillerent à ces livres nommés dauphins, pour l'éducation de Monseigneur. Virgile lui tomba en partage. Il a fait plusieurs tragédies et comédies; sa tragédie de Sylla fut présentée aux comédiens et refusée : il a fait encore celle de Lisymachus; on croit qu'il a beaucoup travaillé à l'Andrienne. Il était très lié avec le comédien Baron, dont il apprit à déclamer. Il y avait deux sermons de lui qui étaient fort en vogue; l'un était le Pécheur mourant, et l'autre le Pécheur mort: on les affichait quand il devait les prononcer. Mort en 1725.

RUINART (Thierry), bénédictin, né en 1657, laborieux critique. Il a soutenu contre Doduel l'opinion que l'église eut dans les premiers temps une foule prodigieuse de martyrs. Peut-être n'at-il pas assez distingué les martyrs et les morts ordinaires; les persécutions pour cause de religion, et les persécutions politiques: quoi qu'il en soit il est au nombre des savants hommes du temps. C'est principalement dans ce siccle que les bénédictins ont fait les plus profondes recherches, comme Martene sur les anciens rites de l'église : Tuilier et tant d'autres ont achevé de tirer de des-. sous terre les décombres du moyen âge. C'est encore un genre nouveau qui n'appartient qu'au siecle de

Louis XIV; et ce n'est qu'en France que les bénédictins y ont excellé. Mort en 170g.

SABLIERE (Antoine de Rambouillet de la). Ses madrigaux sont écrits avec une finesse qui n'exclut pas le naturel. Mort en 1680.

SACI LE MAÎTRE (Louis Isaac), né en 1613, l'un des bons écrivains de Port-Royal : c'est de lui qu'est la Bible de Royaumont, et une traduction des Comédies de Térence. Mort en 1684. Son frere,' Antoine le Maître se retira comme lui à PortRoyal: il avait été avocat: on le croyait un honime très éloquent; mais on ne le crut plus dès qu'il ent cédé à la vanité de faire imprimer ses plaidoyers. Un autre Sacy, avocat, et de l'académie française, mais d'une autre famille, a donné une traduction estimée des Lettres de Pline en 1701.

SAGE (le), né en 1677. Son roman de Gil-Blas est demeuré, parcequ'il y a du naturel: il est entièrement pris du roman espagnol intitulé, La vidad de lo escudiero don Marcos d'Obrego. Mort en 1747.

SAINT-AULAIRE (François Joseph de Beaupoil, marquis de). C'est une chose très singuliere que les plus jolis vers qu'on ait de lui aient été faits lorsqu'il était plus que nonagénaire: il ne cultiva guere le talent de la poésie qu'à l'âge de plus de soixante ans, comme le marquis de la Fare. Dans les premiers vers qu'on connut de lui on trouve ceux-ci qu'on attribua à la Fare:

O Muse légere et facile,

Qui, sur le coteau d'Hélicon,
Vintes offrir au vieil Anacréon

Cet art charmant, cet art utile,
Qui sait rendre douce et tranquille
La plus incommode saison;

Vous qui, de tant de fleurs sur le Parnasse écloses, Orniez à ses côtés les Graces et les Ris,

Et qui cachiez ses cheveux gris

Sous tant de couronnes de roses, etc.

Ce fut sur cette piece qu'il fut reçu à l'académie; et Boileau alléguait cette même piece pour lui refuser son suffrage. Il est mort en 1742, à près de cent ans ; d'autres disent à cent deux. Un jour, à l'âge de plus de quatre-vingt-quinze ans, il soupait avec madame la duchesse du Maine: elle l'appelait Apollon, et lui demandait je ne sais quel secret; il lui répondit:

La divinité qui s'amuse

A me demander mon secret,

Si j'étais Apollon, ne serait point ma muse;
Elle serait Thétis, et le jour finirait.

Anacréon moins vieux fit de bien moins jolies choses. Si les Grecs avaient eu des écrivains tels que nos bons auteurs, ils auraient été encore plus vains; nous leur applaudirions aujourd'hui avec encore plus de raison.

SAINTE-MARTHE (Gaucher de). Cette famille a été pendant plus de cent années féconde en savants: le premier Gaucher de Sainte-Marthe fut Charles, qui fut éloquent pour son temps: mort en 1555.

Scévole, neveu de Charles, se distingua dans les lettres et dans les affaires. Ce fut lui qui réduisit Poitiers sous l'obéissance de Henri IV: il mourut à Loudun en 1623; et le fameux Urbain Grandier prononça son oraison funebre.

Abel de Sainte-Marthe, son fils, cultiva les lettres comme son pere, et mourut en 1652. Son fils, nommé Abel comme lui, marcha sur ses traces: mort en 1706.

S. DE LOUIS XV. 5.

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