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pieces de poésie d'un goût très singulier. Il ne faut pas s'en rapporter au sonnet parodié par Racine et Despréaux:

Dans un palais doré, Nevers, jaloux et blême,
Fait des vers où jamais personne n'entend rien.

Il en faisait qu'on entendait très aisément et avec grand plaisir, comme ceux-ci contre Rancé, le fameux réformateur de la Trappe, qui avait écrit contre l'archevêque Fénélon :

Cet abbé, qu'on croyait pêtri de sainteté,
Vieilli dans la retraite et dans l'humilité,
Orgueilleux de ses croix, bouffi de sa souffrance,
Rompt ses sacrés statuts en rompant le silence;
Et, contre un saint prélat s'animant aujourd'hui,
Du fond de ses déserts déclame contre lui;

Et, moins humble de cœur que fier de sa doctrine,
Il ose décider ce que Rome examine.

Son esprit et ses talents se sont perfectionnés dans son petit-fils. Mort en 1707.

NICERON (Jean-Pierre), barnabite, né à Paris en 1685, auteur des Mémoires sur les hommes illustres dans les lettres. Tous ne sont pas illustres; mais il parle de chacun convenablement ; il n'appelle point un orfévre grand homme. Il mérite d'avoir place parmi les savants utiles. Mort en 1738.

NICOLE (Pierre), né à Chartres en 1625; un des meilleurs écrivains de Port-Royal. Ce qu'il a écrit contre les jésuites n'est guere lu aujourd'hui ; et ses Essais de morale, qui sont utiles au genre humain, ne périront pas : le chapitre sur-tout des moyens de conserver la paix dans la société est un chef-d'œuvre, auquel on ne trouve rien d'égal en ce genre dans l'antiquité; mais cette paix est peut-être aussi dif, S. DE LOUIS XV. 5.

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ficile à établir que celle de l'abbé de Saint-Pierre. Mort en 1695.

NIVELLE DE LA CHAUSSÉE. Il a fait quelques comédies dans un genre nouveau et attendrissant qui ont eu du succès. Il est vrai que pour faire des comédies il lui manquait le génie comique. Beaucoup de personnes de goût ne peuvent souffrir des comédies où l'on ne trouve pas un trait de bonne plaisanterie; mais il y a du mérite à savoir toucher, à bien traiter la morale, à faire des vers bien tournés et purement écrits: c'est le mérite de cet auteur. Il était né sous Louis XIV. On lui a reproché que ce qui approche du tragique dans ses pieces n'est pas toujours assez intéressant, et que ce qui est du ton de la comédie n'est pas plaisant. L'alliage de ces deux métaux est difficile à trouver. On croit que la Chaussée est un des premiers après ceux qui ont eu du génie. Il est mort vers l'année 1750.

NODOT, n'est connu que par ses fragments de Pétrone, qu'il dit avoir trouvés à Belgrade en 1688. Les lacunes qu'il a en effet remplies ne me paraissent pas d'un aussi mauvais latin que ses adversaires le disent: il y a des expressions, à la vérité, dont ni Cicéron, ni Virgile, ni Horace, ne se servent; mais le vrai Pétrone est plein d'expressions pareilles que de nouvelles mœurs et de nouveaux usages avaient mises à la mode. Au reste je ne fais cet article touchant Nodot que pour faire voir que la satire de Pétrone n'est point du tout celle que le consul Pétrone envoya, dit-on, à Néron avant de se faire ouvrir les veines; flagitia principis sub nominibus exoletorum, feminarumque, et novitate cujusque stupri, præscripta, atque obsignata misit Neroni.

On a prétendu que le professeur Agamemnon est Séneque; mais le style de Séneque est précisément

le contraire de celui d'Agamemnon, turgida oratio; Agamemnon est un plat déclamateur de college.

On ose dire que Trimalcion est Néron. Comment un jeune empereur, qui après tout avait de l'esprit et des talents, peut-il être représenté par un vieux financier ridicule, qui donne à dîner à des parasites plus ridicules encore, et qui parle avec autant d'ignorance et de sottise que le Bourgeois gentilhomme de Moliere ?

Comment la crasseuse et idiote Fortunata, qui est fort au-dessous de madame Jourdain, pourraitelle être la femme ou la maîtresse de Néron? quel rapport des polissons de college, qui vivent de petits larcins dans des lieux de débauche obscurs, peuvent-ils avoir avec la cour magnifique et voluptueuse d'un empereur? quel homme sensé, en lisant cet ouvrage licencieux, ne jugera pas qu'il est d'un homme effréné, qui a de l'esprit, mais dont le goût n'est pas encore formé; qui fait tantôt des vers très agréables, et tantôt de très mauvais; qui mêle les plus basses plaisanteries aux plus délicates, et qui est lui-même un exemple de la décadence du goût dont il se plaint?

La clef qu'on a donnée de Pétroue ressemble à celle des caracteres de la Bruyere, elle est faite au hasard.

D'OLIVET (Joseph), abbé, conseiller d'honneus de la chambre des comptes de Dole, de l'académie française, né à Salins en 1682; célebre dans la littérature par son Histoire de l'académie, lorsqu'on désespérait d'en avoir jamais une qui égalât celle de Pélisson. Nous lui devons les traductions les plus élégantes et les plus fideles des ouvrages philosophiques de Cicéron, enrichies de remarques judicieuses: toutes les œuvres de Cicéron, imprimées par ses soins et ornées de ses remarques, sont un

beau monument qui prouve que la lecture des anciens n'est point abandonnée dans ce siecle. Il a parlé sa langue avec la même pureté que Cicéron parlait la sienne, et il a rendu service à la grammaire française par les observations les plus fines et les plus exactes. On lui doit aussi l'édition du livre de la Faiblesse de l'esprit humain, composé par l'évêque d'Avranches, Huet, lorsqu'une longue expérience l'eut fait enfin revenir des absurdes futilités de l'école, et du fatras des recherches des siecles barbares. Les jésuites, auteurs du Journal de Trévoux, se déchaînerent contre l'abbé d'Olivet, et soutinrent que l'ouvrage n'était pas de l'évêque Huet, sur le seul prétexte qu'il ne convenait pas à un ancien prélat de Normandie d'avouer que la scolastique est ridicule, et que les légendes ressemblent aux quatre fils Aimon; comme s'il était nécessaire pour l'édification publique qu'un évêque normand fût imbécille! C'est ainsi à-peu-près qu'ils avaient soutenu que les mémoires du cardinal de Retz n'étaient pas de ce cardinal. L'abbé d'Olivet leur répondit, et sa meilleure réponse fut de montrer à l'académie l'ouvrage de l'ancien évêque d'Avranches écrit de la main de l'auteur. Son âge et son mérite sont notre excuse de l'avoir placé, ainsi que le président Hainault, dans une liste où nous nous étions fait une loi de ne parler que des morts. (Mort depuis l'impression de cet article, en 1768).

D'Orléans (Joseph), jésuite; le premier qui ait choisi dans l'histoire les révolutions pour son scul objet. Celles d'Angleterre qu'il écrivit sont d'un style éloquent; mais depuis le regne de Henri Vi il est plus disert que fidele. Mort en 1698.

OZANAM (Jacques), Juif d'origine, né près de Dombes en 1640. Il apprit la géométrie sans maitre dès l'âge de quinze ans. Il est le premier

qui ait fait un dictionnaire de mathématiques. Ses Récréations mathématiques et physiques ont toujours un grand débit ; mais ce n'est plus l'ouvrage d'Ozanam, comme les dernieres éditions de Moréri ne sont plus son ouvrage. Mort en 1717.

PAGI (Antoine ), Provençal, né en 1624, franciscain. Il a corrigé Baronius, et a eu pension du clergé pour cet ouvrage. Mort en 1699.

PAPIN (Isaac), né à Blois en 1657, calviniste. Ayant quitté sa religion il écrivit contre elle. Mort en 1709.

PARDIES (Ignace-Gaston ), jésuite, né à Pau en 1636, connu par ses Eléments de Géométrie, et par son livre sur l'ame des bétes. Prétendre avec Descartes que les animaux sont de pures machines privées du sentiment dont ils ont les organes, c'est démentir l'expérience et insulter la nature; avancer qu'un esprit pur les anime, c'est dire ce qu'on ne peut prouver; reconnaître que les animaux sont doués de sensations et de mémoire, sans savoir comment cela s'opere, ce serait parler en sage qui sait que l'ignorance vaut mieux que l'erreur: car quel est l'ouvrage de la nature dont on connaisse les premiers principes? Mort en 1673.

PARENT (Antoine), né à Paris en 1666, bon mathématicien. Il est encore un de ceux qui apprirent la géométrie sans maître. Ce qu'il y a de plus singulier de lui c'est qu'il vécut long-temps à Paris libre et heureux avec moins de deux cents livres de rente. Mort en 1716.

PASCAL (Blaise), fils du premier intendant qu'il y eat à Rouen, né en 1623; génie prématuré. Il voulut se servir de la supériorité de ce génie, comme les rois de leur puissance; il crut tout şoumettre et tout abaisser par la force. Ce qui a

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