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le premier qui lui était devenu absolument nécessaire. On ne veut pas tirer aucune conséquence de cette induction; il n'y a que Dieu qui connaisse le cœur de l'homme.

10°. Il est important d'observer que pendant plus de trente années que la Motte-Houdart, Saurin et Malafaire ont survécu à ce procès aucun d'eux n'a été soupçonné ni de la moindre mauvaise manœuvre, ni de la plus legere satire. La Motte-Houdart n'a jamais même répondu à ces invectives atroces connues sous le nom de Calottes, et sous d'autres titres dont un ou deux hommes, qui étaient en horreur à tout le monde, l'accablerent si longtemps. Il ne déshonora jamais son talent par la satire; et même, lorsqu'en 1709, outragé continuellement par Rousseau, il fit cette belle ode:

On ne se choisit point son pere;
Par un reproche populaire

Le

sage n'est point abattu.

Oui, quoi que le vulgaire pense,
Rousseau, la plus vile naissance
Donne du lustre à la vertu, etc.

quand, dis-je, il fit cet ouvrage, ce fut bien plutôt une leçon de morale et de philosophie qu'une satire: il exhortait Rousseau, qui reniait son pere, à ne point rougir de sa naissance; il l'exhortait à domter l'esprit d'envie et de satire. Rien ne ressemble moins à la rage qui respire dans les couplets dont on l'ac

cuse.

Mais Rousseau, après une condamnation qui devait le rendre sage, soit qu'il fût innocent ou conpable, ne put domter son penchant : il outragea souvent par des épigrammes les mêmes personnes attaquées dans les couplets, la Faye, Danchet, la Motte-Houdart, etc. Il fit des vers contre ses anciens

?

et nouveaux protecteurs. On en retrouve quelques uns dans des lettres peu dignes d'être connues qu'on a imprimées; et la plupart de ces vers sont du style de ces couplets pour lesquels le parlement l'avait condamné ; témoin ceux-ci contre l'illustre musicien Rameau:

Distillateurs d'accords baroques,
Dont tant d'idiots sont férus,
Chez les Thraces et les Iroques

Portez vos opéra bourrus, etc.

On en retrouve du même goût dans le recueil intitulé,Porte-feuille de Rousseau, contre l'abbé d'Olivet, qui avait formé un projet de le faire revenir en France. Enfin, lorsque, sur la fin de sa vie, il vint se cacher quelque temps à Paris, affichant la dévotion, il ne put s'empêcher de faire encore des épigrammes violentes. Il est vrai que l'âge avait gâté son style; mais il ne réforma point son caractere, soit que par un mélange bizarre, mais ordinaire chez les hommes, il joignît cette atrocité à la dévotion, soit que, par une méchanceté non moins ordinaire, cette dévotion fût hypocrisie.

ir. Si Saurin, la Motte et Malafaire avaient comploté le crime dont on les accuse, ces trois hommes ayant été depuis assez inal ensemble, il est bien difficile qu'il n'eût rien transpiré de leur crime. Cette réflexion n'est pas une preuve, maïs jointe aux autres elle est d'un grand poids.

12°. Si un garçon aussi simple et aussi grossier que le nommé Guillaume Arnoult, condamné comme témoin suborné par Rousseau, n'avait point été en effet coupable, il l'aurait dit, il l'aurait crié toute sa vie à tout le monde. Je l'ai connu : sa merè aidait dans la cuisine de mon pere, ainsi qu'il est dit dans le factum de Saurin; et sa mere et lui ont

dit plusieurs fois à toute ma famille en ma présence qu'il avait été justement condamné.

Pourquoi donc, au bout de quarante-deux ans, N. Boindin a-t-il voulu laisser en mourant cette accusation authentique coutre trois hommes qui ne sont plus? C'est que le mémoire était composé il y a plus de vingt ans ; c'est que Boindin les haïssait tous trois; c'est qu'il ne pouvait pardonner à la Motte de n'avoir pas sollicité pour lui une place à l'académie française, et de lui avoir avoué que ses ennemis, qui l'accusaient d'athéisme, lui donneraient l'exclusion. Il s'était brouillé avec Saurin, qui était, comme lui, un esprit altier et inflexible. Il s'était brouillé de même avec Malafaire, homme dur et impoli. Il était devenu l'ennemi de Lériget de la Faye, qui avait fait contre lui cette épigramme :

Oui, Vadius, on connaît votre esprit :
Savoir s'y joint; et quand le cas arrive
Qu'œuvre paraît par quelque coin fautive,
Plus aigrement qui jamais la reprit?
Mais on ne voit qu'en vous aussi se montre
L'art de louer le beau qui s'y rencontre,
Dont cependant maints beaux esprits font cas.
De vos pareils que voulez-vous qu'on pense?
Eh quoi! qu'ils sont connaisseurs délicats?
Pas n'en voudrais tirer la conséquence;
Mais bien qu'ils sont gens à fuir de cent pas.

C'était là en effet le caractere de Boindin, et c'est lui qui est peint dans le Temple du goût sous le nom de Bardou. Il fut dans son mémoire la dupe de sa haine; incapable de dire ce qu'il ne croyait pas, et incapable de changer d'avis sur ce que son humeur lui inspirait. Ses mœurs étaient irréprochables; il vécut toujours en philosophe rigide; il fit des actions de générosité; mais cette humeur

dure et insociable lui donnait des préventions dont il ne revenait jamais.

Toute cette funeste affaire, qui a eu de si longues suites, et dont il n'y a guere d'hommes plus instruits que moi, dut son origine au plaisir innocent que prenaient plusieurs personnes de mérite de s'assembler dans un café: on n'y respectait pas assez la premiere loi de la société de se ménager les uns les autres; on se critiquait durement, et de simples impolitesses donnerent lieu à des haines durables et à des crimes. C'est au lecteur à juger si dans cette affaire il y a eu trois eriminels ou un seul.

On a dit qu'il se pourrait à toute force que Saurin eût été l'auteur des derniers couplets attribués à Rousseau, Il se pourrait que Rousseau ayant été reconnu coupable des cinq premiers, qui étaient de la même atrocité, Saurin eût fait les derniers pour le perdre, quoiqu'il n'y eût aucune rivalité entre ces deux hommes, quoique Saurin fût alors plongé dans les calculs de l'algebre, quoique luimême fût cruellement outragé dans ces derniers cou.. plets, quoique tous les offensés les imputassent unanimement à Rousseau, enfin quoiqu'un jugement solennel ait déclaré Saurin innocent. Mais si la chose est physiquement dans l'ordre des possibles, elle n'est nullement vraisemblable. Rousseau l'en accusa toute sa vie ; il le chargea de ce crime par son testament: mais le professeur Rollin, auquel Rousseau montra ce testament quand il vint clandestinement à Paris, l'obligea de rayer cette accusation. Rousseau se contenta de protester de son innocence à l'article de la mort; mais il n'osa jamais accuser la Motte, ni pendant le cours du procès, ni durant le reste de sa vie, ni à ses derniers mo

ments; il se contenta de faire toujours des vers contre lui. (Voyez l'article Joseph SAURIN.)

MOTTEVILLE (Françoise Bertaut de), née en 1615 en Normandie. Cette dame a écrit des mémoires qui regardent particulièrement la reine Anne, mere de Louis XIV: on y trouve beaucoup de petits faits avec un grand air de sincérité. Morte en 1689.

NAIN DE TILLEMONT (Sébastien le), fils de Jean le Nain, maître des requêtes, né à Paris en 1637; éleve de Nicole, et l'un des plus savants écrivaius de Port-Royal. Son Histoire des empereurs, et ses seize volumes de l'Histoire ecclésiastique, sont écrits avec autant de vérité que peuvent l'être des compilations d'anciens historiens; car l'histoire, avant l'invention de l'imprimerie, étant peu contredite, était peu exacte. Mort en 1693.

NAUDÉ (Gabriel), né à Paris en 1690; médecin, et plus philosophe que médecin. Attaché d'abord au cardinal Barberin à Rome, puis au cardinal de Richelieu, au cardinal Mazarin, et ensuite à la reine Christine, dont il alla quelque temps grossir la cour savante; retiré enfin à Abbeville, où il mourut dès qu'il fut libre. De tous ses livres son Apologie des grands hommes accusés de magie est presque le seul qui soit demeuré. On ferait un plus gros livre des grands hommes accusés d'impiété depuis Socrate.

Populus nam solos credit habendos Esse deos quos ipse colit.

Mort en 1653.

NEMOURS (Marie de Longueville, duchesse de), née en 1625. On a d'elle des mémoires où l'on trouve quelques particularités des temps malheureux de la fronde. Morte en 1707.

NEVERS (Philippe, duc de). On a de lui des

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