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qui sont moins mauvais que ses tragédies. Son prologue des jeux séculaires au-devant d'Hésione passe même pour un très bon ouvrage, et peut être comparé à celui d'Amadis: on a retenu ces beaux vers imités d'Horace:

Pere des saisons et des jours,

Fais naître en ces climats un siecle mémorable;
Puisse à ses ennemis ce peuple redoutable
Etre à jamais heureux, et triompher toujours!
Nous avons à nos lois asservi la victoire;
Aussi loin que tes feux nous portons notre gloire :
Fais, dans tout l'univers, craindre notre pouvoir.
Toi qui vois tout ce qui respire,
Soleil, puisses-tu ne rien voir
De si puissant que cet empire!

C'est dans ce prologue qu'on trouve les ariettes qui servirent depuis de canevas au poëte Rousseau pour composer les couplets effrénés qui causerent sa disgrace. Les couplets originaux de Danchet valent peut-être mieux que les parodies de Rousseau. Voici sur-tout celui de Danchet qu'on à le plus re

tenu:

Que l'amant qui devient heureux
En devienne encor plus fidele!
Que toujours dans les même nœuds
Il trouve une douceur nouvelle!
Que les soupirs et les langueurs
Puissent seuls fléchir les rigueurs
De la beauté la plus sévere!
Que l'amant, comblé de faveurs,
Sache les goûter et les taire!

Mort en 1748.

D'ANCOURT (Florent Carton) avocat, né à Fontainebleau en 1661, aima mieux se livrer au théâtre

qu'au barreau. Ce que Regnard était à l'égard de Moliere dans la haute comédie, le comédien d'Ancourt l'était dans la farce. Beaucoup de ses pieces attirent encore un assez grand concours; elles sont gaies; le dialogue en est naïf. La quantité de pieces qu'on a faites dans ce genre facile est immense; elles sont plus du goût du peuple que des esprits délicats; mais l'amusement est un des besoins de l'homme, et cette espece de comédie, aisée à représenter, plaît dans Paris et dans les provinces au grand nombre, qui n'est pas susceptible de plaisirs plus relevés. Mort en 1726.

DANET (Pierre), l'un de ces hommes qui ont été plus utiles qu'ils n'ont eu de réputation. Ses dictionnaires de la langue latine et des antiquités furent au nombre de ces livres mémorables faits pour l'éducation du dauphin, Monseigneur, et qui, s'ils ne firent pas de ce prince un savant homme, contribuerent beaucoup à éclairer la France. Mort en 1709,

DANGEAU (Louis, abbé de), né en 1643, excellent académicien. Mort en 1723.

DANIEL (Gabriel), jésuite, historiographe de France, né à Rouen en 1649, a rectifié les fautes de Mézerai sur la premiere et seconde races. On luia reproche que sa diction n'est pas toujours pure, que son style est trop faible, qu'il n'intéresse pas, qu'il n'est pas peintre, qu'il n'a pas assez fait connaître les usages, les mœurs, les lois; que son histoire est un long détail d'opérations de guerre dans lesquelles un historien de son état se trompe presque toujours. Mort en 1728.

Le comte de Boulainvilliers dit, dans ses mémoires sur le gouvernement de France, qu'on peut reprocher à Daniel dix mille erreurs: c'est beaucoup; mais heureusement la plupart de ces erreurs

sont aussi indifférentes que les vérités qu'il aurait mises à la place; car qu'importe que ce soit l'aile gauche ou l'aile droite qui ait plié à la bataille de Mont-lheri? qu'importe par quel endroit Louis le Gros entra dans les masures de Puiset? Un citoyen veut savoir par quels degrés le gouvernement a changé de forme, quels ont été les droits et les usurpations des différents corps, ce qu'ont fait les états-généraux, quel a été l'esprit de la nation. Le grand défaut de Daniel est de n'avoir pas été instruit des droits de la nation, ou de les avoir dissimulés. Il a omis entièrement les célebres états de 1355. Il n'a parlé des papes, et sur-tout du grand et bon roi Henri IV qu'en jésuite; nulle connaissance des finances, nulle de l'intérieur du royaume ni des mœurs.

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Il prétend dans sa préface, et le président Hénault a dit après lui, que les premiers temps de l'histoire de France sont plus intéressants que ceux de Rome, parceque Clovis et Dagobert avaient plus de terrain que Romulus et Tarquin. Il ne s'est pas apperçu que les faibles commencements de tout ce qui est grand intéressent toujours les hommes; on aime à voir la petite origine d'un peuple dont la France n'était qu'une province, et qui étendit son empire jusqu'à l'Elbe, l'Euphrate, et le Niger. Il faut avouer que notre histoire et celle des autres peuples, depuis le ciuquieme siecle de l'ere vulgaire jusqu'au quinzieme, n'est qu'un chaos d'aventures barbares sous des noms barbares.

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D'ARGONNE (Noël), né à Paris en 1634, chartreux à Gaillon. C'est le seul chartreux qui ait cultivé la littérature. Ses Mélanges, sous le nom de Vigneul de Marville, sont remplis d'anec dotes curieuses et hasardées. Mort en 1704.

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DESCARTES (René), né en Touraine en 1596, fils d'un conseiller au parlement de Bretagne. Le plus grand mathématicien de son temps, mais le philosophe qui connut moins la nature, si on le compare à ceux qui l'ont suivi. Il passa presque toute sa vie hors de France, pour philosopher en liberté, à l'exemple de Saumaise qui avait pris ce parti. On a remarqué qu'il avait un frere ainé, conseiller au parlement de Bretagne, qui le méprisait beaucoup, et qui disait qu'il était indigne du frere d'un conseiller de s'abaisser à être mathématicien. Ayant cherché le repos dans des solitudes en Hollande, il ne l'y trouva pas. Un nommé Voët, et un nommé Shockius, deux professeurs du galimatias scholastique qu'on enseignait encore, intenterent contre lui cette ridicule accusation d'athéisme dont les écrivains méprisés ont toujours chargé les philosophes. En vain Descartes avait épuisé son génie à rassembler les preuves de la Divinité, et à en chercher de nouvelles ; ses infames ennemis le comparerent à Vanini dans un écrit public: ce n'est pas que Vanini eût été athée, le contraire est démontré ; mais il avait été brûlé comme tel, et on ne pouvait faire une comparaison plus odieuse. Descartes eut beaucoup de peine à obtenir une très légère satisfaction par sentence de l'académie de Groningue. Ses méditations, son discours sur la méthode, sont encore estimés; toute sa physique est tombée, parcequ'elle n'est fondée ni sur la géométrie, ni sur l'expérience. Ses recherches sur la dioptrique, où l'on trouve la loi fondamentale de cette science, soupçonnée par Snellius, et des applications de cette loi, qui ne pouvaient être que l'ouvrage d'un très grand géometre; ses travaux sur les lois du choc des corps, objet dont il a eu le premier

l'idée de s'occuper, seront toujours, malgré les
erreurs qui lui sont échappées, des monuments
d'un génie extraordinaire ; et le petit livre connu
sous le nom de géométrie de Descartes lui as-
sure la supériorité sur tous les mathématiciens de
son temps. Il a eu long-temps une si prodigieuse
réputation, que La Fontaine, ignorant, à la vérité,
mais écho de la voix publique, a dit de lui:

Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu
Dans les siecles passés, et qui tient le milieu
Entre l'homme et l'esprit; comme, entre l'huître et
l'homme,

Le tient tel de nos gens, franche bête de somme.

L'abbé Genet, dans le siecle présent, s'est donné la malheuseuse peine de mettre en vers français la physique de Descartes.

Ce n'est guere que depuis l'année 1730 qu'on a commencé à revenir en France de toutes les erreurs de cette philosophie chimérique, quand la géométrie et la physique expérimentale ont été plus cultivées. Le sort de Descartes en physique a été celui de Ronsard en poésie. Mort à Stockholm en 1650.

DESMARETS DE SAINT-Sorlin (Jean), né à Paris en 1595. Il travailla beaucoup à la tragédie de Mirame du cardinal de Richelieu. Sa comédie des Visionnaires passa pour un chef-d'œuvre ; mais c'est que Moliere n'avait pas encore paru. Il fut contrôleur général de l'extraordinaire des guerres et secrétaire de la marine du Levant. Sur la fin de sa vie il fut plus connu par son fanatisme que par ses ouvrages. Mort en 1676.

DESTOUCHES (Néricault), né à Tours en 1680, avait été comédien dans sa jeunesse. Après avoir fait plusieurs comédies, il fut chargé long-temps } des affaires de France en Angleterre; et ayant

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