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se terminer en une campagne. Telle avait été la confiance des Français quand ils firent un empereur, et qu'ils crurent disposer des états de la maison d'Autriche, en 1741; telle elle avait été quand, au commencement du siecle, Louis XIV et Philippe V, maîtres de l'Italie et de la Flandre, et secondés de deux électeurs, pensaient donner des lois à l'Europe: et l'on fut toujours trompé. Le maréchal d'Estrées disait que ce n'était pas assez de s'avancer en Allemagne, qu'il fallait se préparer les moyens d'en sortir. Sa conduite et sa valeur prouverent que, lorsqu'on envoie une armée, on doit laisser faire le général; car, si on l'a choisi, on a eu en lui de la confiance.

CHAPITRE XXXIII.

Suite des évènements mémorables. L'armée anglaise obligée de capituler. Journée de Rosbach. Révolutions.

LE ministere de France avait déja fait partir le maréchal de Richelieu pour commander l'armée du maréchal d'Estrées avant qu'on eût su la victoire importante de ce général. Le maréchal de Richelieu, long-temps célebre par les agréments de sa figure et de son esprit, et devenu plus célebre par la défense de Gênes et par la prise de Minorque, alla combattre le duc de Cumberland; il le poussa jusqu'à l'embouchure de l'Elbe, et là il le força à capituler avec toute son armée. Cette

capitulation, plus singuliere qu'une bataille ga guée, était non moins glorieuse. L'armée du duc de Cumberland fut obligée par écrit de se retirer au-delà de l'Elbe, et de laisser le champ libre aux Français contre le roi de Prusse. Il ravageait la Saxe; mais on ruinait aussi son pays. Le général autrichien Haddik avait surpris la ville de Berlin, et lui avait épargné le pillage moyennant huit cents mille de nos livres.

Alors la perte de ce monarque paraissait inévitable. Sa grande déroute auprès de Prague, ses troupes 'battues près de Landshut, à l'entrée de la Silésie, une bataille contre les Russes indécise mais sanglante; tout l'affaiblissait.

Il pouvait être enveloppé d'un côté par l'armée du maréchal de Richelieu, et de l'autre par celle de l'empire, tandis que les Autrichiens et les Russes entraient en Silésie. Sa perte paraissait si certainę, que le conseil aulique n'hésita pas à déclarer qu'il avait encouru la peine du ban de l'empire, et qu'il était privé de tous ses fiefs, droits, graces, privileges, etc. Il sembla lui-même désespérer pour lors de sa fortune, et n'envisagea plus qu'une mort glorieuse. Il fit une espece de testament philosophique; et telle était la liberté de son esprit au milieu de ses malheurs, qu'il l'écrivit en vers français. Cette anecdote est unique.

Le prince de Soubise, général d'un courage tranquille et ferme, d'un esprit sage, d'une conduite mesurée, marchait contre lui en Saxe, à la tête d'une forte armée, que le ministere avait enepre renforcée d'une partie de celle du maréchal

de Richelieu. Cette armée était jointe à celle des cercles, commandée par le prince d'Hildbourghausen.

Frédéric, entouré de tant d'ennemis, prit le parti d'aller mourir les armes à la main dans les rangs de l'armée du prince de Soubise, et cependant il prit toutes les mesures pour vaincre. Il alla reconnaître l'armée de France et des cercles, et se retira d'abord devant elle pour prendre une position avantageuse. Le prince d'Hildbourghausen voulut absolument attaquer; son sentiment devait prévaloir, parceque les Français n'étaient qu'auxiliaires. On marcha près de Rosbach et de Mersbourg à l'armée prussienne, qui semblait être sous ses tentes voilà tout d'un coup les tentes qui s'abaissent; l'armée prussienne paraît en ordre de bataille, entre deux collines garnies d'artillerie.

Ce spectacle frappa les yeux des troupes françaises et impériales. Il y avait quelques années qu'on avait voulu exercer les soldats français à la prussienne; ensuite on avait changé plusieurs évolutions dans cet exercice: le soldat ne savait plus où il en était; son ancienne maniere de combattre Sétait changée; il n'était pas affermi dans la nouvelle. Quand il vit les Prussiens avancer dans cet ordre singulier, inconnu presque par-tout ailleurs, il crut voir ses maîtres. L'artillerie du roi de Prusse était aussi mieux servie, et bien mieux postée que 'celle de ses ennemis. Les troupes des cercles s'enfuirent sans presque rendre de combat. La cavalerie française, commandée par le marquis de Castries,

chargea la cavalerie prussienne, et en perça quelques escadrons; mais cette valeur fut inutile.

Bientôt une terreur panique se répandit par-tout; l'infanterie française se retira en désordre devant six bataillons prussiens. Ce ne fut point une bataille, ce fut une armée entiere qui se présenta au combat, et qui s'en alla. L'histoire n'a guere d'exemples d'une pareille journée. Il ne restá que deux régiments suisses sur le champ de bataille : le prince de Soubise alla à eux au milieu du feu, et les fit retirer au petit pas.

Le régiment de Diesbach essuya sur-tout très long-temps le feu du canon et de la mousqueterie, et les approches de la cavalerie. Le prince de Sonbise empêcha qu'il ne fût entamé en partageant toujours ses dangers. Cette étrange journée changeait entièrement la face des affaires. Le murmure fut universel dans Paris. Le même général remporta une victoire sur les Hanovriens et les Hessois l'année suivante, et on en a parlé à peine. On a déja observé que tel est l'esprit d'une grande ville heureuse et oisive dont on ambitionne le suffrage.

Le ministere de France n'avait point voulu ratifier la convention et les lois que le maréchal de Richelieu avait imposées au duc de Cumberland. Les Anglais se crurent, non sans raison, dégagés de leur parole. La ratification de Versailles n'arriva que cinq jours après l'infortune de Rosbach: il n'était plus temps même avant la bataille de Rosbach; la cour de Londres avait pris la résolution de rompre la convention; le prince Ferdinand S. DE LOUIS XV. 5.

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de Brunswick était déja choisi pour commander l'armée réfugiée sous Stade, et se proposait d'attaquer l'armée française affaiblie et dispersée dans l'électorat d'Hanovre. La fermeté du maréchal de Richelieu et l'habileté du comte de Maillebois firent échouer ce projet. L'armée se rassembla sans perte, et de savantes manœuvres forcerent l'armée du prince Ferdinand à se retirer et à prendre ses quartiers. Mais le maréchal de Richelieu et le comte de Maillebois ayant été rappelés, les Anglais reprirent bientôt l'électorat d'Hanovre, et repousserent les Français jusque sur le Rhin.

Si la journée de Rosbach était inouie, ce que fit le roi de Prusse après cette victoire inespérée fut encore plus extraordinaire. Il vole en Silésie, où les Autrichiens vainqueurs avaient défait ses troupes, et s'étaient emparés de Schveidnitz et de Breslau. Sans son extrême diligence la Silésie était perdue pour lui, et la bataille de Rosbach lui devenait inutile.

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Il arrive au bout d'un mois vis-à-vis des Autrichiens à peine arrivé il les attaque avec furic. On combattit pendant cinq heures: Frédéric fut pleinement victorieux; il rentra dans Schveidnitz et dans Breslau. Ce ne fut depuis qu'une vicissitude continuelle de combats fréquents gagnés on perdus. Les Français seuls furent presque toujours malheureux; mais le gouvernement ne fut jamais découragé, et la France s'épuisa à faire marcher continuellement des armées en Allemagne.

Le roi de Prusse s'affaiblissait en combattant: les Russes lui prirent tout le royaume de Prusse,

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