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sous le nom de protecteur. La reine de Pologne, fille de l'empereur Joseph, n'avait point voulu fuir: on lui demanda les clefs des archives. Sur le refus qu'elle fit de les donner ou se mit en devoir d'ouvrir les portes; la reine se plaça au-devant, se flattant qu'on respecterait sa personne et sa fermeté: on ne respecta ni l'une ni l'autre ; elle vit ouvrir ce dépôt de l'état. Il importait au roi de Prusse d'y trouver des preuves des desseins de la Saxe contre lui; il trouva en effet des témoignages de la crainte qu'il inspirait : mais cette même crainte, qui aurait dû forcer la cour de Dresde à se mettre en défense, ne servit qu'à la rendre victime d'un voisin puissant. Elle sentit trop tard qu'il eût fallu, dans la situation où était la Saxe depuis tant d'années, donner tout à la guerre et rien aux plaisirs: il est des positions où l'on n'a d'autre parti à prendre que celui de se préparer à combattre, vaincre, ou à périr.

à

Au bruit de cette invasion, le conseil aulique de l'empereur déclara le roi de Prusse perturbateur de la paix publique, et rebelle. Il était difficile de faire valoir cette déclaration contre un prince qui avait près de cent cinquante mille combattants à ses ordres, et qui passait déja pour le plus grand "général de l'Europe. Il répondit aux lois par une bataille; elle se donna entre lui et l'armée autrichienne, qu'il alla chercher à l'entrée de la Bohême, près d'un bourg nommé Loyositz.

Cette premiere bataille fut indécise par le nombre des morts, mais elle ne le fut point par lés suites an'elle cat. On ne put empêcher le roi de

bloquer les Saxons dans le camp de Pirna même; les Autrichiens ne purent jamais leur prêter la main; et cette petite armée du roi de Pologne, composée d'environ treize à quatorze mille hommes, se rendit prisonniere de guerre sept jours après la bataille.

Auguste, dans cette capitulation singuliere, seul évènement militaire entre lui et le roi de Prusse, demanda seulement qu'on ne fît point ses gardes prisonniers. Frédéric répondit « qu'il ne pouvait « écouter cette priere; que ses gardes serviraient « infailliblement contre lui, et qu'il ne voulait pas avoir la peine de les prendre une seconde fois ». Cette réponse fut une terrible leçon à tous les princes, qu'il faut se rendre puissant quand on a un voisin puissant.

Le roi de Pologne, ayant perdu ainsi son électorat et son armée, demanda des passe-ports à son ennemi pour aller en Pologne: ils lui furent aisément accordés; on eut la politesse insultante de lui fournir des chevaux de poste. Il alla de ses états héréditaires dans son royaune électif, où il ne trouva personne qui proposât même de s'armer pour secourir son roi. Tout l'électorat fut mis à contribution; et le roi de Prusse, en faisant la guerre, trouva dans les pays envahis de quoi la soutenir. La reine de Pologne ne suivit point son mari; elle resta dans Dresde; le chagrin y termina bientôt sa vie. L'Europe plaignit cette famille infortunée; mais, dans le cours de ces calamités publiques, un million de familles essuyaient des malheurs non moins grands, quoique plus obscurs.

Les magistrats municipaux de Léipsick firent des remontrances sur les contributions que le vainqueur leur imposait; ils se dirent dans l'impuissance de payer: on les mit en prison, et ils payerent.

Jamais on ne donna tant de batailles que dans cette guerre. Les Russes entrerent dans les états prussiens par la Pologne: les Français, devenus auxiliaires de la reine de Hongrie, combattirent pour lui faire rendre cette même Silésie dont ils avaient contribué à la dépouiller quelques années auparavant, lorsqu'ils étaient les alliés du roi de Prusse; le roi d'Angleterre, qu'on avait vu le partisan le plus déclaré de la maison d'Autriche, devint un de ses plus dangereux ennemis; la Suede, qui autrefois avait porté de si grands coups à cette maison impériale d'Autriche, la servit alors contre le roi de Prusse, moyennant neuf cents mille francs que le ministere français lui donnait; et ce fut elle qui causa le moins de ravages.

L'Allemagne se vit déchirée par beaucoup plus d'armées nationales et étrangeres qu'il n'y en eut dans la fameuse guerre de trente ans.

Tandis que les Russes venaient au secours de l'Autriche par la Pologne, les Français entraient par le duché de Cleves et par Vesel, que les Prussiens abandonnerent: ils prirent toute la Hesse; ils marcherent vers le pays d'Hanovre contre une armée d'Anglais, d'Hanovriens, de Hessois, conduite par ce même duc de Cumberland qui avait attaqué Louis XV à Fontenoi.

Le roi de Prusse allait chercher l'armée autri

chienne en Bohême; il opposait un corps considérable aux Russes. Les troupes de l'empire, qu'on appelait les troupes d'exécution, étaient commandées pour pénétrer dans la Saxe, tombée tout entiere au pouvoir du Prussien. Ainsi l'Allemagne était en proie à six armées formidables qui la dévoraient en même temps.

D'abord le roi de Prusse court attaquer le prince Charles de Lorraine, frere de l'empereur, et le général Broun, auprès de Prague. La bataille fut sanglante; le Prussien la gagna, et une partie de l'infanterie autrichienne fut obligée de se jeter dans Prague, où elle fut bloquée plus de deux mois par le vainqueur. Une foule de princes était dans la ville; les provisions commençaient à manquer ; on ne doutait pas que Prague ne subit bientôt le joug, et que l'Autriche ne fût plus accablée par Frédéric que par Gustave-Adolphe.

Le vainqueur perdit tout le fruit de sa conquête en voulant tout emporter à la fois. Le comte de Kaunitz, premier ministre de Marie-Thérese, homme aussi actif dans le cabinet que le roi de Prusse l'était en campagne, avait déja fait rassembler une armée sous le commandement du maréchal Daun. Le roi de Prusse ne balança pas à courir attaquer cette armée, que la réputation de ses victoires devait intimider. Cette armée une fois dissipée, Prague, bombardée depuis quelque temps, allait se rendre à discrétion: il devenait le maître absolu de l'Allemagne. Le maréchal Daun retrancha ses troupes sur la croupe d'une colline, Les Prussiens y monterent jusqu'à sept fois, comme à un assaut

général; ils furent sept fois repoussés et renversés. Le roi perdit environ vingt-cinq mille hommes en morts, en blessés, en fuyards, en déserteurs. Le prince Charles de Lorraine, renfermé dans Prague, en sortit, et poursuivit les Prussiens. La révolution fut aussi grande que l'avaient été auparavant les exploits et les espérances du roi de Prusse.

Les Français, de leur côté, secondaient puissamment Marie-Thérese. Le maréchal d'Estrées, qui les commandait, avait déja passé le Veser: il suivit pas à pas le duc de Cumberland vers Minden; il l'atteignit vers Hastembeck, lui livra bataille, et remporta une victoire complete. Les princes de Condé et de la Marche-Conti signalerent dans cette journée leurs premieres armes, et le sang de France soutenait la gloire de la patrie contre le sang d'Angleterre. On y perdit un comte de Laval-Montmorenci, et un brave officier, traducteur de la Tactique d'Élien, frere du même Bussi qui s'est rendu si fameux dans l'Inde. Un coup de fusil, qu'on crut long-temps mortel, perça le comte du Châtelet, de la maison de Lorraine, fils de cette célebre marquise du Châtelet, dont le nom ne périra jamais parmi ceux qui savent qu'une dame française a commenté le grand Newton.

Remarquons ici que des intrigues de cour avaient déja ôté le commandement au maréchal d'Estrées; les ordres étaient partis pour lui faire cet affront tandis qu'il gagnait une bataille. On affectait à la cour de se plaindre qu'il n'eût pas encore pris tout l'électorat d'Hanovre, et qu'il n'eût pas marché jusqu'à Magdebourg; on pensait que tout devait

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