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les cours. Une femme le fit exiler lui et son cousin, le duc de Praslin, après les services qu'ils avaient rendus à l'état, et après que le duc de Choiseul eut conclu le mariage du dauphin, petit-fils de Louis XV, depuis roi de France, avec la fille de l'impératrice Marie-Thérese. C'était un grand exemple des vicissitudes de la fortune que ce ministre eût réussi à ce mariage peu d'années après que le maréchal de Belle-Isle eut armé une grande partie de l'Europe pour détrôner cette même impératrice, et qu'il n'eût réussi qu'à se faire prendre prisonnier. C'était une autre vicissitude, mais non pas surprenante, que le duc de Choiseul fût exilé.

Nous avons déja vu que Louis XV avait le malheur de trop regarder ses serviteurs comme des instruments qu'il pouvait briser à son gré. L'exil est une punition, et il n'y a que la loi qui doive punir: c'est sur-tout un très grand malheur pour un souverain de punir des hommes dont les fautes ne sont pas connues, dont les services le sont, et qui ont pour eux la voix publique, que n'ont pas toujours leurs maîtres.

CHAPITRE XLI

De l'exil du parlement de Paris, etc. et de la mort de 'Louis XV.

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Si les exils du duc de Choiseul, du duc de Praslin; du cardinal de Bernis, du comte d'Argenson, Nu garde des sceaux Machault, du comte de Mau

repas, du due de la Rochefoucauld, du due de Chàtillon, et de tant d'autres citoyens, n'avaient eu aucune cause légale, celui du parlement de Paris, et d'un grand nombre d'autres magistrats, parut au

moins en avoir une.`

Qui aurait dit que ce corps antique, qui venait de détruire en France l'ordre des jésuites, éprouverait bientôt après, non seulement un exil rigoureux, mais serait détruit lui-même ? C'est une grande leçon aux hommes, si jamais les leçons peuvent servir.

ces,

Nous avons vu que sous Louis XIV le parlement ne fut point exilé après la guerre de la fronde; nous avons vu que les troubles de la fronde n'avaient commencé que par les oppositions de cette compagnie à une très mauvaise administration des finanet que ces oppositions, d'abord légitimes dans leur principe, se tournerent bientôt en une révolte ouverte et en une guerre civile: nous avons vu que sous Louis XV il n'y eut ni guerre ui révolte; mais qu'une administration des finances, plus malheureuse encore, jointe aux ridicules de la bulle Unigenitus, occasionna les résistances opiniâtres du parlement aux ordres du roi, On sait qu'il fut cassé le 13 avril 1771; après quoi cette cour des pairs a été rétablie par le roi Louis XVI, avec quelques modifications nécessaires.

Un autre exemple de la fatalité qui gouverne le monde fut la mort de Louis XV. Il n'avait point profité de l'exemple de ceux qui avaient prévenu le danger mortel de la petite-vérole en sé la donnant, et sur-tout du premier prince du sang, le duc d'Or

léans qui avait eu le courage de faire inoculer ses enfants. Cette méthode était très combattue en France, où la nation, toujours asservie à d'anciens préjugés, est presque toujours la derniere à recevoir les vérités et les usages utiles qui lui viennent des autres pays.

Sur la fin d'avril 1774, le roi allant à la chasse, rencontre le convoi d'une personne qu'on portait en terre: la curiosité naturelle qu'il avoit pour les choses lugubres le fait approcher du cercueil; il demande qui on va enterrer; on lui dit que c'est une jeune fille morte de la petite-vérole: dès ce moment il est frappé à mort sans s'en appercevoir.

Deux jours après, son chirurgien dentiste, en examinant ses gencives, y trouve un caractere quí annonce une maladie dangereuse; il en avertit un homme attaché au roi : sa remarque est négligée; la petite-vérole la plus funeste se déclare. Plusieurs de ses officiers sont attaqués de la même maladie, soit en le soignant, soit en s'approchant de son lit, et en meurent; trois princesses, ses filles, que leur tendresse et leur courage retiennent auprès de lui, reçoivent les germes du poison qui dévore leur pere, et éprouvent bientôt le même mal et le même danger, dont heureusement elles réchapperent.

Louis XV meurt la nuit du 10 de mai; on couvre son corps de chaux, et on l'emporte sans aucune cérémonie à Saint-Denis auprès du caveau de ses peres.

L'histoire n'omettra point que le roi', son petitfils, le comte de provence et le comte d'Artois, freres de Louis XVI, tous trois dans une grande

jeunesse, apprirent aux Français, en se faisant inoculer, qu'il faut braver le danger pour éviter la mort. La nation fut touchée et instruite. Tout ce que Louis XVI fit depuis, jusqu'à la fin de 1774, le rendit encore plus cher à toute la France.

CHAPITRE XLII.

Des lois.

Les esprits s'éclairerent dans le siecle de Louis XIV et dans le suivant plus que dans tous les siecles précédents. On a vú combien les arts et les lettres s'étaient perfectionnés : la nation ouvrit les yeux sur les lois, ce qui n'était point encore arrivé. Louis XIV avait signalé son regne par un code qui manquait à la France; mais ce code regardait plutôt l'uniformité de la procédure que le fond des lois, qui devait être commun à toutes les provinces, uniforme, invariable, et n'avoir rien d'arbitraire. La jurisprudence criminelle parut sur-tout tenir encore un peu de l'ancienne barbarie; elle fut dirigée plutôt pour trouver des coupables que pour sauver des innocents. C'est une gloire éternelle pour le président de Lamoignon, de s'être souvent opposé dans la rédaction de l'ordonnance à la cruauté des procédures; mais sa voix, qui était celle de l'humanité, fut étouffée par la voix de Pussort et des autres commissaires, qui fut celle de la rigueur.

Les hommes les plus instruits, dans nos derniers temps, ont senti le besoin d'adoucir nos lois

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comme on a enfin adonci nos mœurs. Il faut avouer que dans ces mœurs il y eut autant de férocité que de légèreté et dignorance dans les esprits jusqu'aux beaux jours de Louis XIV. Pour se convaincre de cette triste vérité il ne faut que jeter les yeux sur le supplice d'Augustin de Thou, et du maréchal de Marillac, sur l'assassinat du maréchal d'Ancre, sur sa veuve condamnée aux flammes, sur plus de vingt assassinats ou médités ou entrepris contre Henri IV, et sur le meurtre de ce bon roi. Les temps précédents sont encore plus funestes; vous remontez de l'horreur des guerres civiles et de la SaintBarthélemi aux calamités du siecle de François I, et de là jusqu'à Clovis tout est sauvage. Les autres peuples n'ont pas été plus humains; mais il n'y a guere eu de nation plus diffamée par les assassinats et les grands crimes que la française. On racheta long-temps ces crimes à prix d'argent ; et ensuite les lois furent aussi atroces que les mœurs. Ce qui en fit la dureté, c'est que la maniere de procéder fut presque eutièrement tirée de la jurisprudence ecclésiastique. On en peut juger par le procès criminel des templiers, qui, à la honte de la patrie, de la raison, et de l'équité, ne fut instruit que par des prêtres nommés par un pape.

sous

Les hommes ayant été si long-temps gouvernés en bêtes farouches par des bêtes farouches, excepté peut-être quelques années sous S. Louis, Louis XII, et sous Henri IV; plus les esprits se sont civilisés, et plus ils ont frémi de la barbarie, dont il subsiste encore tant de restes. La torture, qu'aucun citoyen ni de la Grece ni de Rome ne subit

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