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siastiques, ou qui empêchent l'exécution des let« tres apostoliques, même quand ce serait sous le prétexte d'empêcher quelque violence. »

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Par le même article le pape se réserve à lui seul d'absoudre lesdits chanceliers, conseillers, pro« cureurs-généraux, et autres excommuniés, lesquels ne pourront être absous qu'après qu'ils au«ront publiquement révoqué leurs arrêts, et les << auront arrachés des registres ».

Cette bulle avait été déja fulminée par le violent Jules II, mais on n'avait point encore fait une loi de la publier tous les ans ; ce fut Paul III qui institua cet usage, et qui la fit imprimer dans le bullaire avec des additions aggravantes. Il est étrange que Charles-Quint, qui avait saccagé Rome, et tenu un pape en prison, laissât subsister une cérémonie absurde, et méprisée à la vérité, mais înjurieuse à la majesté de l'empire et à tous les rois.

L'insulte faite à l'infant duc de Parme réveilla l'Europe catholique après plus de deux cents ans d'assoupissement. Le ministere autrichien, à l'exemple du parlement de Paris, flétrit et supprima la hulle dans tous ses états : le ministere de Naples en fit autant. Tous les conseils des princes ouvrirent les yeux: enfin, après avoir chassé les jésuites de tant d'états, on vit par tout de quelle importance il est de diminuer cette prodigieuse multitude de moines, qui sont dans toutes les sociétés catholiques les soldats du pape payés aux dépens des peuples. La sage république de Venise se signala sur-tout par des lois qui mettent un frein à la multitude des moines et à leur rapacité.

Voilà ce que le pape Rezzonico attira à la cour de Rome pour avoir écouté de mauvais conseils, et pour n'avoir pas fait réflexion que nous sommes au dix-huitieme siecle. Ce pape, plus vertueux, qu'éclairé, mourut bientôt après: on attribua sa mort au chagrin, quoique rarement ce soit la maladie des vieillards.

Le ministre qu'on appelle en France des affaires étrangeres, et qu'on nommait sous Louis XIV ministre des étrangers, secondé du cardinal de Bernis, eut le crédit à Rome de faire nommer un pape dont on espéra plus de circonspection. Le cardinal de Bernis joignait à l'habileté dont les Italiens se piquent une érudition littéraire, un goût et un génie dont le sacré college ne se pique plus guere, et qu'on n'avait retrouvés que dans le feu cardinal Passionei. Ce fut lui qui fit le pape Clément XIV, et qui forma son conseil.

Ce pape, qui avait été franciscain, s'appelait Ganganelli, comme nous l'avons déja dit; il était réputé très sage et très circonspect, au-dessus des préjugés monastiques, et capable de soutenir par sa sagesse le colosse du pontificat qui semblait menacé de sa chûte. C'est lui qui a enfin aboli la société de Jésus, par sa bulle de l'anuée 1773. Il acheva par-là de convaincre toutes les nations qu'il est aussi aisé de détruire les moines que de les instituer; et il fit espérer qu'on pourrait un jour diminuer dans l'Europe cette foule d'hommes inutiles aux autres et à eux-mêmes, qui font vœu de vivre aux dépens de eeux qui travaillent, et qui ayant été autrefois très dangereux, ne passent aujourd'hui que pour

ridicules dans l'esprit de la plupart des peres de famille.

Lorsque le pape Ganganelli eut cassé la société de Jésus, et qu'il eut promis de ne plus fulminer chaque année la bulle In cœná Domini, on lui rendit Avignon et Bénévent avec Ponte-Corvo. Sa prudence guérit le mal que son prédécesseur avait fait à Rome.

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CHAPITRE XL.

De la Corse.

CEs petits démêlés avec la cour de Rome ne coûtaient que de l'encre et du papier; mais il fallut de l'or et du sang pour soumettre l'isle de Corse au pouvoir du roi de France.

Il est à propos de donner quelque idée de cette isle. Il faut bien que le terrain n'en soit pas aussi ingrat, ni la possession aussi inutile qu'on le disait, puisque tous ses voisins en ont toujours recherché la domination.

Les Carthaginois s'en étaient emparés avant leurs guerres contre les Romains. Cornélius Scipion en fit la conquête dès la premiere guerre punique ; les Romains en demeurerent long-temps les maîtres; ils y bâtirent plusieurs villes : les Goths l'enleverent aux Romains; les Arabes la conquirent ensuite sur les Goths.

Quelques seigneurs de la nouvelle Rome en chasserent les Sarrasins du temps du pape Pascal II. Les

papes commencerent dès-lors à prétendre qu'il n'appartenait qu'à eux de donner des royaumes, en qualité de vicaires de Jésus-Christ, dont le royaume n'était pourtant pas de ce monde. On croit communément que Grégoire VII fut le premier qui établit la chimere d'une monarchie sainte et universelle: on ne songe pas qu'Eginhard lui-même, le secrétaire de Charlemagne, dit le Étienne déque pape posa le roi des Francs, Chilpéric, et donna le royaume des Francs au maire du palais, Pepin, pere de Charlemagne ; Pascal II donna la Corse à un de ces conquérants, nommé Bianco, et s'en réserva l'hommage. L'isle resta peuplée d'anciens Carthaginois, d'Arabes, et de naturels du pays. Les Pisans et les Génois s'en disputerent ensuite la possession. Le pape Urbain II la donna aux Pisans, par une bulle dont l'original est encore, dit-on, à Florence. Les Génois, malgré la bulle, s'établirent dans une partie de l'isle, au douzieme siecle.

Un Alfonse, roi d'Aragon, en chassa pendant quelque temps les Génois, qui l'en chasserent à leur tour, en 1354. Les Corses alors se firent de leur plein gré sujets de Gênes, parcequ'ils étaient très pauvres et qu'elle était très riche.

Dans le cours de toutes ces révolutions les villes bâties par les anciens Romains tomberent en ruine, et les peuples furent plongés dans la barbarie et dans la misere. C'est le portrait de presque toutes les nations chrétiennes depuis l'invasion des barbares, excepté Constantinople, et des villes d'Italie, comme Rome, Venise, Florence, Milan, et très

peu d'autres qui conserverent la police et des arts bannis par-tout ailleurs.

C'était plutôt aux Corses à conquérir Pise et Gênes, qu'à Gênes et à Pise de subjuguer les Corses; car ces insulaires étaient plus robustes et plus braves que leurs dominateurs; ils n'avaient rien à perdre : une république de guerriers pauvres et féroces devait vaincre aisément des marchands de Ligurie, par la même raison que les Huns, les Goths les Hérules, les Vandales, qui n'avaient que da fer, avaient subjugué les nations qui possédaient l'or. Mais les Corses ayant toujours été désunis et sans discipline, partagés en factions mortellement ennemies, furent toujours subjugués par leur faute.

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Ce fut une triste condition pour les habitants d'un pays qui porte le titre de royaume d'être sujets d'une république qui ne savait pas elle-même si elle était libre; car non seulement le protocole de l'empire a toujours regardé Gênes comme sa sujette, mais, lorsque Gênes se donna au roi de France Charles VI, lorsqu'ayant massacré les Français elle se donna, en 1409, à un simple marquis de Mont. ferrat, et ensuite à un duc de Milan; lorsqu'elle se soumit à Charles VII et à Charles VIII; lorsqu'elle fut au nombre des sujets de Louis XII, et même de sujets punis pour leur désobéissance, il se trouvait que les Corses étaient sujets de sujets non moirs humiliés qu'eux-mêmes, ce qui est, après la condition d'esclave, la plus humiliante qu'on puisse imaginer.

Lorsque les Génois furent véritablement libres,

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