le Précis des Événemens militaires fut accueilli par mes anciens compagnons d'armes et par les officiers étran gers. Rappelé dans ma patrie, et rentré dans les rangs de l'armée, je dus suspendre mes études et les occupations dont j'avais rempli le temps de mon exil. Eussé-je pu trouver des instans de loisir, et me permettre de les dérober à mes devoirs, je me serais gardé de reprendre la plume; j'étais trop éclairé sur les difficultés de ce genre d'histoire, et je voyais de trop près celles que devait rencontrer un écriyain impartial, auteur contemporain des événemens, témoin et quelquefois acteur lui-même des scènes qu'il aurait à décrire. J'ai reçu des observations très-justes sur des opérations que j'avais mal jugées, quoique d'après les documens les plus authentiques; j'ai souvent pressenti combien il serait un jour difficile d'établir sur des rapports divers la narration fidèle d'actions auxquelles je m'étais trouvé, et pendant lesquelles je m'étais appliqué à bien saisir l'ensemble des mouvemens: chacun convenait des résultats généraux, des faits les plus évidens, mais chacun les arrangeait pour son horizon, et se faisait le centre du système. Il est certain que les grands tableaux de l'histoire n'ont été tracés par les maîtres les plus habiles, que lorsque, après des générations écoulées, ils se sont trouvés au vrai point de vue, c'est-à-dire à la distance des temps, qui dégage de l'obscure confusion des accessoires, et des petits hommes et des petits intérêts, les faits principaux qui s'enchaînent, les personnages qui seuls doivent ressortir et sur lesquels frappent les points de lumière. Ainsi, nos descendans rechercheront péniblement la vérité au milieu des traditions fabuleuses de notre siècle; celui des déclamations aura passé : peut-être qu'alors ils verront s'élever au milieu d'eux quelque grand historien, digne rival de ceux de l'antiquité : il fouillera cette mine trop féconde des chroniques et des mémoires de notre temps, et les épurant au creuset de la critique, il instruira les générations futures, en leur montrant le drame terrible des guerres de la révolution européenne. Puisque nous tenterions vainement d'exercer par nos écrits la moindre influence sur les jugemens de l'histoire, et que ces témoignages seuls nous survivront, qui, n'ayant point la couleur de nos factions alors oubliées, se recommanderont par leur sincérité, nous devons nous borner à rassembler ces matériaux sans en altérer la substance et n'est-ce pas encore une assez grande tâche? Quel plus noble et plus utile emploi pourrait-on faire de ses loisirs, que de recueillir, pour les conserver dans la mémoire des hommes, les actions dignes d'être célébrées ? « Les peuples s'éteignent, les » royaumes s'écroulent, les villes tom>> bent en ruines, et finissent par ne >> pas laisser de trace de leur exis >>tence >>. : Mais les actions héroïques survivent à tous les siècles, à toutes les destructions soit que la fable ou la simple tradition des pasteurs en ait conservé le souvenir, soit qu'il nous ait été transmis par les chants lyriques des poètes ou par le burin de l'histoire, ce souvenir reste immortel. Une nation toute entière, eût-elle disparu, son langage fût-il oublié, les héros qu'elle produisit s'élèvent encore, et brillent dans la nuit des temps; ils appartiennent à tous les âges, ils inspirent un intérêt toujours nouveau aux races qui se succèdent. Plein de ces vérités, et l'esprit dégagé des affaires qui consument le temps si vite et si vainement, me trouvant enfin dans une situation indépendante, et peu différente de celle où j'étais lorsque je publiai en Holstein le Précis des Evénemens militaires, j'ose reprendre mes travaux interrompus au commencement de la campagne de 1800. Je continuerai de suivre, pour ainsi dire de front, les opérations simultanées sur les divers théâ |
