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de système en France qu'ils trouvaient favorable au rétablissement de la paix.

Les ministres anglais répondirent victorieusement au reproche d'agression, et re jetèrent la responsabilité des malheurs de la guerre sur la faction qui, pour établir la république sur les ruines de la monarchie, avait eu besoin du prétexte de l'état de guerre; sur ces mêmes hommes qui n'avaient pas craint d'en tirer vanité, quand ils livraient l'Europe, et quand ils s'abandonnaient eux-mêmes aux fureurs d'une sanguinaire démagogie.

Lord Grenville avait dit à la chambre des pairs que « quand même on supposerait » qu'on dût compter sur la sincérité de Bo>> naparte, il resterait encore à examiner >> s'il pourrait conclure la paix aux condi» tions que l'Europe était dans le cas d'im» poser à la France; qu'il aurait à craindre » la masse du peuple, à qui ces conditions. >> ne plairaient pas; enfin, que le gouver>>nement français n'était pas constitu

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>>tionnel. >>

Le premier ministre s'expliqua plus positivement encore à la chambre des communes dans son énergique réponse au discours de M. Erskine; il fit devant l'Europe attentive une concession remarquable; il dit « que le roi d'Angleterre n'avait aucun » désir de prescrire à une nation étrangère » la forme de son gouvernement; qu'il ne » croyait pas qu'il fût possible de rétablir » de force la monarchie en France, qu'il » ne le désirait même pas, mais qu'il espé>> rait que la France, dégagée du poids de » l'autorité militaire par les efforts des ar» mées combinées, pourrait enfin exprimer » son vœu réel ». Autant le premier consul, dédaignant orgueilleusement de s'astreindre aux formalités d'usage, avait mis de précipitation dans ses ouvertures directes, autant le ministre anglais, qu'il avait cru embarrasser par l'éclat de cette démarche, mit de hauteur et de répulsion dans sa réponse comment se serait-on accordé, on avait dès l'abord d'une et d'autre part dépassé le but.

Bonaparte, secondé par l'opinion générale, venait d'étouffer la république dans les bras des républicains : il recherchait la paix pour affermir son autorité, et pour se rendre indépendant des agens d'un gouvernement qu'il n'avait si facilement renversé que par leur propre défection; encore environné de ce terrible cortège et libérateur de la France, il se présentait à l'Europe comme un suprême modérateur; il s'étonnait de n'être pas devancé par la confiance générale, et de ce qu'on exigeait de lui d'autres gages que les succès d'un conquérant ambitieux, d'autres garans de la stabilité de son gouvernement, enfin d'autres preuves du changement de principes que ses propres assertions; il s'irritait de ce qu'on ne voulait lui tenir aucun compte des obstacles qui lui restaient à vaincre, des ménagemens auxquels il était condamné; et d'un autre côté, le ministère anglais après avoir nourri la guerre si long-temps et à si grands frais, au moment de voir tomber, comme le disait M. Pitt, « cette république couverte

» de blessures, mais qui possédait encore » dans sa détresse des moyens gigantesques » pour nuire à ses voisins », voyait avec dépit sortir du cahos de la révolution un nouvel ordre de choses propre à replacer la France dans de meilleurs rapports avec les autres puissances continentales. « Dans » aucun cas ne traitez avec Bonaparte », s'écriait ce ministre ; mais sa véritable crainte était que ce chef ne réussît à concentrer et à modérer le pouvoir; qu'assez fort pour enchaîner les partis, il ne se montrât assez habile pour les calmer, assez sage pour fixer la fortune de la France en cessant d'épouvanter l'Europe désolée par la fureur des conquêtes; il redoutait surtout que Bonaparte ne fût assez heureux pour consolider celles de ces conquêtes qui, dans les mains d'une nation industrieuse et rivale, devait être si préjudiciable à l'Angleterre. Dans cette appréhension, le gouvernement anglais n'avait pas attendu le développement des plans du premier consul pour se prémunir contre son influence; sa déter:

mination fut prompte, sévère et positive." Il ne fallait pas moins pour retenir dans la coalition les puissances que des intérêts plus éloignés n'attachaient pas aussi fortement à la cause générale, ou qu'un plus pressant besoin de la paix, et les avantages particuliers qu'elles pouvaient en retirer, disposaient à la séduction. La note officielle de lord Grenville, en réponse à la lettre du premier consul au roi d'Angleterre, ne laissa aucune chance de rapprochement; c'était une nouvelle déclaration de guerre, un virulent manifeste, qu'on se pressait d'opposer aux voeux, des peuples fatigués de la guerre, aux espérances prématurées des amis de l'humanité.

Si Bonaparte, haïssant personnellement les ministres anglais qui servaient courageusement leur pays, avait espéré de les compromettre vis-à-vis de la nation, il semble aussi que trop de passion se mêlait à leur prévoyance pour qu'ils pussent juger sainement de l'état de la France à cette époque; ils la croyaient totalement épuisée

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