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ligne française, quand celle-ci s'ébranla tout à la fois. Le général Desaix, à la tête de sa colonne d'attaque détachée de la ligne, la mena au pas de charge à la rencontre de la colonne autrichienne; il était précédé par une batterie de quinze pièces de canon que le général Marmont dirigeait lui-même, et qu'il ne fit démasquer qu'en touchant presque aux rangs autrichiens : un feu à mitraille aussi vif qu'il était inattendu, étonna et arrêta la tête de la colonne du général de Zach. La ge demi-brigade d'infanterie légère commença alors son attaque, et fut suivie par tout le reste de la division. La fusillade s'engagea à portée de pistolet. C'est au moment où l'on allait se mêler, que l'intrépide et généreux Desaix, frappé mortellement d'une balle au milieu de la poitrine, tomba dans les bras du colonel Lebrun, l'un des aides-de-camp du premier Cónsul : cette mort glorieuse et digne de la vie du général Desaix, loin d'arrêter l'ardeur de ses soldats, les enflamma de rage.

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Bonaparte voyant que la colonne autri

chienne était ébranlée, la fit charger par la brigade de Kellermann: ce général exécuta cette manœuvre avec tant de vigueur et d'habileté, qu'il eut, après Desaix, la plus grande part au succès de cette seconde bataille. Après avoir traversé un terrain embarrassé de vignes, il déploya sa brigade parallèlement au front de l'ennemi, porta en avant quelques escadrons pour contenir un corps de cavalerie qui se trouvait devant lui, et masquant ainsi son mouvement de conversion à gauche, il se jeta sur le flanc de la colonne, y pénétra par les intervalles, et la mit dans le plus grand désordre.

Le général de Zach avait cru n'avoir qu'un dernier coup à porter; il s'était trop avancé, et ne pouvait plus être soutenu par le reste de la ligne où l'engagement devint bientôt général, et le combat non moins ardent. Attaqués en tête et par les flancs, les pelotons de grenadiers se serrèrent en masse, et n'en furent que plus promptement enveloppés et forcés de mettre bas les

armes; 5,000 grenadiers furent pris avec leur général.

Ce succès fut pour les Français le signal d'une charge à laquelle les Autrichienst n'étaient point préparés, et qui, malgré leur opiniâtre résistance sur tous les points où ils purent se rallier, malgré les efforts tardifs de leur cavalerie, les entraîna jusqu'au-delà de cette vaste plaine où les deux armées avaient déjà versé tant de sang. Les Français la traversèrent cette fois en moins d'une heure.

Le général Mélas, ayant fait soutenir son aile gauche par le corps de cavalerie du gé

néral Elsnitz, arrêta ses divisions à Marengo. Ce village fut encore vivement défendu, et l'armée autrichienne s'étant formée au-delà du ravin, se trouva dans la même position qu'elle avait occupée au commencement de la première bataille. Elle ne put s'y maintenir contre les attaques des divisions françaises qui, ayant détruit et enveloppé la réserve de grenadiers du général de Zach, ne rencontraient plus d'obstacle

qui ne redoublât leur ardeur à le surmonter. Marengo fut emporté; le corps d'arrière-garde, assailli de toute part, chargé par la cavalerie de Kellermann et par celle de la garde fit bonne contenance, et tint la position de Pedra-Bona jusqu'à ce que toute l'armée autrichienne eût regagné ses retranchemens de la tête de pont sur la Bormida. On se battit avec acharnement tant que dura le jour; la division Gardanne, du corps du général Victor, termina l'action à dix heures du soir, en reprenant ce même poste de Pedra-Bona où elle avait été attaquée le matin. Le général Mélas fit défiler son armée pendant la nuit sur les ponts de la Bormida, et reprit son camp sous Alexandrie.

Bonaparte fit le soir même des dispositions pour enlever la tête de pont, et passer la Bormida de vive force. Le lendemain 15 juin, à la pointe du jour, la fusillade était déjà engagée aux avant-postes, lorsqu'un parlementaire annonça que le général Mélas demandait à faire passer un officier de son état-major chargé de propositions; celui-ci fut

conduit au quartier - général français. Après une première conférence, le général en chef Berthier, muni de pleins-pouvoirs pour trai ter avec M. de Mélas, se rendit à Alexandrie, et revint quelques heures après présenter, à l'acceptation du premier Consul, la capitulation connue sous le titre de Convention entre les généraux en chef des ar mées française et impériale en Italie.

Telle fut l'issue de cette mémorable bataille, l'une des plus sanglantes que se soient livrées les armées des peuples modernes, et celle où la victoire fut le plus glorieusement disputée. On y fut des deux côtés, pendant quatorze heures, sur toute la ligne, à portée de fusil. On voit par la succession des manœuvres et la variété des chances, que la perte en hommes tués ou blessés dut être

à

peu près égale relativement à la force de chacune des deux armées : les trophées qui restèrent entre les mains des Français sur le champ de bataille, furent 6,000 prisonniers, parmi lesquels se trouvait le général chef de l'état-major, huit drapeaux, vingt

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