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fraîches; sa division de gauche conservait sa position; celle de droite, la division Gardanne, était déjà rejetée dans le village; toutes les armes étaient en action, on se fusillait, on se canonnait à mitraille sur toute la ligne, à quelques toises de distance.

Le général en chef Berthier qui, dès le commencement de l'action, avait reconnu lui-même, au milieu des tirailleurs, la force de l'ennemi et la direction de ses colonnes, fit porter en avant et sur la droite le corps du lieutenant-général Lannes pour soutenir celui du général Victor; mais celui-ci n'ayant pu résister plus long-temps aux efforts des généraux Kaim et Haddick, appuyés par une partie de la réserve, avait été forcé d'abandonner le village déjà plusieurs fois pris et repris. Ces deux divisions formerent, en arrière de Marengo, et toujours parallèlement au front des Autrichiens, une nouvelle ligne de bataille à la droite de laquelle se forma le corps de Lannes.

Le général Kaim, après avoir dépassé Marengo, s'était déployé à gauche le long du

chemin qui conduit à Castel-Ceriolo pour étendre sa ligne, déborder et prendre en flanc la droite de celle des Français. Le feut s'engagea vivement entre ce corps et celui de Lannes. Les Autrichiens chargèrent avec l'ardeur et la confiance que leur donnait le succès de la dernière attaque; c'étaient les mêmes troupes qui venaient d'enlever le village de Marengo: elles furent repoussées, chargées à leur tour par la division Watrin, et rejetées au-delà du ruisseau; mais le général Lannes né put poursuivre son succès, parce qu'il était déjà séparé de sa gauche, et qu'en se portant plus en avant, il aurait découvert et compromis les divisions du général Victor, où la perte considérable en hommes tués et blessés, la fatigue excessive de ceux qui restaient dans les rangs, et le manque de cartouches, avaient déjà causé beaucoup de désordre.

Vers midi, le centre du corps du général Victor fut enfoncé, et son aile gauche plia malgré les courageux efforts et les charges réitérées que fit le général Kellermann pour

la soutenir. La fermeté, le dévouement des chefs, leurs succès partiels furent inutiles. Victor, après avoir essuyé pendant quatre heures le feu de toute l'artillerie, et résisté aux chocs de toutes les masses de l'infánterie autrichienne, put à peine couvrir la retraite précipitée de ses divisions presque détruites elles furent vivement poursuivies et bientôt enveloppées; elles dûrent traverser toute la plaine jusqu'à San-Giuliano, espace d'environ deux lieues, avant de trouver un appui et de pouvoir se rallier aux réserves.

Ce mouvement, qui changea entièrement l'ordre de bataille de l'armée française, ayant tout-à-coup découvert le flanc gauche du général Lannes, ce corps se trouva dans la même situation où était auparavant celui du général Victor, et comme lui forcé à la retraite. Quoique ce corps fût dépourvu d'artillerie, et qu'il n'eût à sa droite que quelques escadrons de dragons, il manoeuvra avec ordre, se repliant par échelons, sous le feu le plus meurtrier, et repoussant toutes

les charges, sans qu'aucune masse fût rom

pue.

La nombreuse cavalerie autrichienne, commandée par le général Elsnitz, avait tourné Castel-Ceriolo, s'était formée sur deux lignes et se portait sur les derrières des quatre divisions françaises déjà engagées, déjà repoussées.

Le général Mélas touchait au but, il avait gagné la bataille; il ne lui restait plus qu'à forcer avec toute cette réserve de cavalerie, qui n'avait point encore combattu, l'aile droite qué Bonaparte avait d'abord entièrement refusée, et qui, par la défaite de l'aile gauche et du centre, devenait le salut de l'armée française.

On reconnaîtra facilement ici l'avantage de l'ordre oblique par échelons à grands intervalles; si l'attaque de l'aile présentée à l'ennemi, et formant le premier échelon, réussit, cet avantage s'accroît par l'attaque du centre ou second échelon, qui, en arrivant promptement sur la ligne, trouve un appui et en sert lui-même à l'aile d'abord

refusée ou troisième échelon. - Que si, au contraire (comme il arriva à Marengo), l'aile présentée en premier échelon est battue et forcée à se retirer, quelque précipité que soit le mouvement rétrograde que doivent suivre nécessairement le centre mis à découvert et les autres masses échelonnées, ce mouvement se rallentit; il est mieux préparé, et s'opère avec plus d'ordre, à mesure qu'il se rapproche de l'aile qui avait été refusée et qui devient le pivot d'un nouvel ordre oblique en sens inverse.

Cette manoeuvre était la dernière ressource de Bonaparte pour rallier, sous la protection de ses réserves qu'il attendait impatiemment, les divers corps rompus ou ébranlés, rétablir sa ligne, et livrer une seconde bataille.

Mais pour gagner le temps nécessaire à l'exécution de cette manoeuvre, en profitant de l'étendue et de toute la profondeur de ce vaste champ de bataille, il fallait que l'aile droite, en butte aux attaques de la cavalerie ennemie, ne se laissât point ébran

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