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pagne d'Amérique fit participer à la gloire de l'illustre Washington, fut rappelé dans les rangs de l'armée française, et employé à celle du Var. Suchet, à son arrivée, lui fournit l'occasion de soutenir son nom et sa réputation d'intrépidité; il le chargea de la défense de la tête de pont, et pour en protéger les travaux et contenir l'ennemi, il ordonna une forte reconnaissance sur toute la ligne. Rochambeau l'exécuta avec sa division; tous les postes autrichiens furent forcés de se replier derrière les abattis et dans les retranchemens dont ils s'étaient déjà couverts: ces précautions toujours sages, trop souvent négligées, mais qui semblaient être surabondantes pour une armée agissant offensivement, faisaient présumer que le général Mélas méditait de partir avec sa réserve, et de ne laisser sur le Var qu'un corps d'observation assez fortement posté pour fermer au général Suchet le chemin de la rivière de Génes et celui du Col de Tende; les rapports télégraphiques de Montalban confirmaient ces soupçons. Le premier Consul, au moment du passage du Saint

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Bernard, avait expressément recommandé au général Suchet d'occuper et de retenir le général Mélas; aussi ne cessait-il de le harceler; il renforça son aile gauche pour mieux éclairer ses mouvemens, et ordonna au général Garnier qui la commandait de passer le Var à Malaussene, de forcer le pont sur la Tinca et de se porter sur Hutel, afin de pouvoir marcher vivement sur Braous, et prévenir les Autrichiens au Col de Tende s'ils exécutaient leur mouvement en arrière par leur flanc droit ces dispositions attirèrent l'attention du général Mélas; il se persuada que les Français avaient reçu des renforts considérables, et qu'ils se préparaient à reprendre l'offensive; il renforça son aile droite, fit observer de plus près le général Garnier, et disposa lui-même une attaque plus sérieuse.

Le 22 mai, à la pointe du jour, six régimens d'infanterie et onze bataillons de grenadiers, furent dirigés à la fois sur la tête de pont ces masses étaient soutenues à leur droite par une batterie de douze pièces qui,

suivant le mouvement des colonnes, vomissaient la mitraille; du côté de la mer, une grosse frégate et deux pinques, embossés à l'embouchure du Var, foudroyaient les deux rives avec des pièces de fort calibre, et leur feu rasant prenait des revers sur les ouvrages avancés des Français, se croisait avec celui des pièces de bataille, et protégea l'approche des colonnes jusqu'au pied des retranchemens. Les Autrichiens, ainsi soutenus sur leurs ailes, livrèrent au centre avec toute leur impulsion, l'assaut le plus furieux; Rochambeau le soutint avec fermeté; ses troupes se battirent à portée de pistolet avec une ardeur égale à celle des assaillans : ceuxci furent repoussés et forcés de se retirer, après avoir fait une perte considérable.

Le général Mélas, avant cette seconde attaque, avait déjà commencé son mouvement par Sospello et le Col de Tende; il laissa au général Elsnitz le commandement du corps d'armée sur le Var, pour se porter de sa personne avec le général de Zach, son quartier-maître général, et

une réserve d'environ 6,000 hommes dans la plaine du Piémont, et pour se réunir au corps du général Kaim : il était le 23 mai à Coni; il reçut le 24, à Savigliano, la nouvelle de la prise d'Ivrée; trop certain alors des progrès du corps d'armée du général Berthier, et de l'inutilité de la défense du fort de Bard, il ignorait cependant encore, ou se refusait à croire, que Bonaparte fût lui-même à la tête de sa nouvelle armée en-deçà des monts. Renonçant trop tard à l'invasion des provinces méridionales de la France, accourant pour s'opposer à celles de l'Italie, Mélas ne songeait plus qu'à s'assurer de la conquête de Génes, où, pour me servir des expressions d'un auteur allemand, la résistance meurtrière de l'audacieux sauvage Masséna, retenait la plus forte partie de l'armée autrichienne.

La citadelle de Savone, que le général Soult avait ravitaillée à la hâte, et qui, étroitement bloquée depuis deux mois, n'avait reçu aucun secours, venait de se rendre au général Saint-Julien. Le général Mélas avait

peut-être encore le temps de concentrer ses forces, de marcher sur Vercelli, et de rappeler Bonaparte sur sa première ligne d'opération où la queue de ses colonnes, son matériel, et ses renforts pour compléter sa cavalerie, étaient encore en mouvement et en désordre; mais il eût fallu accorder plus tôt au défenseur de Gênes la seule capitulation qu'il voulût accepter, la libre sortie de sa garnison, et dégager à tout prix le corps d'armée du général Ott. Il est vrai de dire que ces changemens subits de système de guerre n'appartiennent qu'aux souverains qui commandent leurs propres armées, aux généralissimes qu'aucune responsabilité ne peut atteindre, et qui ne doivent compte qu'à eux-mêmes, quelquefois à leur nation, mais toujours à la postérité, des sacrifices qu'ils jugent nécessaires, et du parti qu'ils pren nent dans les circonstances imprévues, en se mettant au-dessus des considérations qui enchaînent le talent et jusqu'à la pensée des généraux subordonnés à leurs gouver

nemens.

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