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troubles civils et dans un pays si violemment agité; ils croyaient pouvoir y exciter un soulèvement à l'apparition des Autrichiens, et promettaient, après la reddition de Gênes, une coopération plus forte et plus efficace de tous leurs moyens maritimes.

Ces considérations auraient pu déterminer le général Suchet à chercher au-delà du Var une position plus sûre, un camp retranché, où il pût refaire ses troupes, recevoir les renforts qui lui étaient promis, et manoeuvrer selon le développement du projet d'invasion; mais les dépêches du premier Consul, qui annonçaient les premiers succès de Moreau sur le Rhin, et l'entrée de l'armée de réserve en Italie, faisant espérer un changement subit et prochain dans l'emploi des forces de l'ennemi, le général Suchet résolut de défendre le Var. Le soin de perfectionner les ouvrages de la tête de pont fut confié au général du génie Campredon, l'un de ceux qui ont su le mieux appliquer l'art de fortifier à la construction des ouvrages de campagne. C'est une jus

tice rendue par tous les militaires de l'Europe aux ingénieurs français, qu'ils ont, pendant cette guerre, surpassé dans ce genre de travaux tous leurs devanciers. Ils ont mieux saisi les divers avantages du terrain ; ils ont donné à leurs tracés des développemens plus étendus et mieux calculés pour l'emplacement de l'artillerie, la direction et l'économie des feux, et pour les mouvemens et l'action des troupes destinées à la défense des positions retranchées et des postes fermés de toute espèce. Le souvenir et l'image de plusieurs de ces grands travaux que le changement des circonstances a fait raser et disparaître, méritent d'autant plus d'être conservés par les maîtres de l'art, que ces progrès de la science sont précisément ceux dont l'humanité doit le plus s'applaudir; car, si cet accroissement de difficultés à vaincre, et la sécurité qu'inspirent la force et le bon état des fortifications de campagne à ceux qui les occupent, coûtent plus de sacrifices à l'attaquant, ces digues plus souvent encore arrêtent le torrent des

dévastations, suspendent la fureur des combats et font consumer le temps au lieu de consumer les hommes.

En moins de trois jours la tête du pont du Var fut mise à l'abri d'un coup de main. Les Autrichiens établirent leur ligne un peu en arrière et parallèlement au fleuve, depuis la mer jusqu'à Aspremont. Le général Suchet accorda quelque repos à ses soldats exténués, rétablit à la hâte son artillerie, pressa l'arrivée des renforts, appela les gardes nationales, et s'affermit dans la résolution de conserver, avec le pont sur le Var, les moyens de reprendre l'offensive à l'instant où le général Mélas, détrompé, volerait à la défense du Piémont. Pour ne pas lui laisser la possibilité de dérober sa marche, Suchet avait fait établir un télégraphe dans le fort de Montalban, d'où la plus grande partie des mouvemens de l'armée autrichienne pouvaient être facilement observés. Un second télégraphe fut placé à Gilette, sur la rive droite du Var, entre les deux vallées : l'un et l'autre correspon

daient avec un troisième établi au quartiergénéral à Cagnes et à Saint-Laurent. Cette transmission rapide d'ordres et d'avis, que l'ennemi ne pouvait intercepter, servit bien la vigilance du général français: il ne pouvait croire que M. de Mélas traitât de fables et considérât comme des ruses de guerre les rapports qu'il recevait tous les jours sur le passage des Alpes. Suchet s'attendait à ne trouver au-delà du Var qu'un simple masque, un rideau de milices piémontaises, tandis que les 20,000 hommes qu'il avait devant lui, et qui étaient l'élite de l'armée autrichienne, se seraient portés à marches forcées au débouché de la vallée d'Aoste; cette masse aurait pu arrêter les colonnes de Bonaparte, qui n'étaient point encore réunies, qui n'avaient pu amener qu'une faible artillerie, et que le manque de munitions de guerre et de bouche aurait peutêtre bientôt forcé à une retraite désastreuse.

Mais le vieil et brave feld-maréchal suivit aveuglément ses premières instructions, et

ne voulut rien changer au plan d'opérations prescrit par le conseil aulique; ne pouvant plus douter cependant que les Français n'eussent paru en-deçà des Alpes, et qu'ils n'eussent fait replier les postes avancés à la tête des vallées du Pó et de la Dora, il se borna, comme nous l'avons déjà dit, à détacher un corps de 4 à 5,000 hommes qui, sous les ordres des généraux Kaim, de Haddick et de Palfy, combattirent vainement à Ivrée et sur la Chiusella, et furent repoussés jusque sous les murs de Turin.

Le général Suchet ne tarda pas à être éclairé sur le parti que prenait le général autrichien, et dès le 13 mai, les brigades des généraux Elsnitz, Lattermann et Bellegarde, attaquèrent vivement la tête de pont dont les nouveaux ouvrages étaient à peine tracés: elles furent repoussées, et les François, devenus plus confians par un premier succès, poussèrent leurs travaux avec la plus grande vigueur.

A cette même époque, le général Rochambeau, fils du maréchal que sa belle cam

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