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mais sa ligne étant rompue, les corps successivement dépostés étaient forcés de dépasser la position d'Acquarone, où les Autrichiens étaient déjà parvenus; ces corps furent poussés jusqu'à Taggia, toujours combattant et profitant des moindres obstacles, et de la nuit et de la difficulté des chemins, pour retarder les progrès de l'ennemi sur la principale communication au bord de la mer. Cette dernière ressource fut conservée par la fermeté des troupes qui composaient l'aile droite et qui défendaient le Port-Maurice. La colonne du général Lattermann fut long-temps arrêtée devant quelques maisons crénelées qu'une poignée de Français s'obstinèrent à tenir jusqu'à la dernière extrémité.

Cette attaque générale par la pointe de l'aile gauche en débordant, serrant et reversant toujours vers la mer, selon la pente et l'avantage du terrain, fut conduite par les généraux autrichiens avec tant de vigueur et d'accord entre leurs diverses colonnes, que cette petite armée eût été enveloppée et

détruite, si, pendant cette sanglante journée, tous n'avaient combattu avec le courage du désespoir; et, ce qui rend encore plus grand et plus digne de mémoire cet exemple de valeur et de constance des soldats français, c'est que ceux-ci étaient physiquement affaiblis par les plus pénibles privations : un seul pain de munition était partagé entre quinze hommes.

Il ne restait plus au général Suchet, en deçà du Var et des vieilles frontières de France, d'autre ligne de défense que celle de Vintimiglia, formée par la Roya, dont le cours direct et perpendiculaire à la côte, depuis la plus haute sommité du Col de Tende, et resserré entre de hautes montagnes, forme, surtout pendant la fonte des neiges, un grand obstacle; cette ligne était d'autant meilleure, que les hauteurs les plus escarpées, les meilleurs postes, les passages les plus difficiles, se trouvent sur la rive droite.

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Mais le général Mélas, qui avait pressenti que son habile adversaire se réservait ce

dernier retranchement, ne l'avait attaqué, dans ceux de la vallée d'Oneille, qu'après s'être assuré, par l'occupation du Col de Tende, qu'il ne pourrait s'affermir dans la position de Vintimiglia; et en effet, le général Suchet ne songea même pas à s'y arrêter dès qu'il eut la certitude que le général Lesuire repoussé, comme nous l'avons dit plus haut, jusqu'à Saorgio, avait été attaqué au Col de Tende par des forces plus considérables que la totalité de l'armée française.

N'ayant plus aucun espoir d'appuyer et de maintenir son aile gauche déjà tournée, Suchet, après avoir approvisionné le fort de Vintimiglia et pourvu à la défense de ceux de Villefranche et Montalban, rallia ses troupes répandues sur la Roya, et quitta la ville de Nice le 11 mai, pour se porter sur le Var. Quoique vivement poursuivi par un ennemi supérieur, ardent et victorieux, il ne fit pas des pertes sensibles pendant les trois dernières marches. après la bataille d'Oneille.

Le passage du Var en présence de l'ar

mée autrichienne qui entra dans Nice le jour même de l'évacuation, offrait encore de grandes difficultés. Le général Elsnitz s'était avancé jusqu'à Monte-Grosso, et coupait ainsi la retraite aux troupes françaises qui occupaient Levenzo, poste important en avant du double confluent de la Vesubbia et de la Tinca. Le passage du Col de Braous au-dessus de Sospello avait été forcé. Les colonnes autrichiennes pénétraient, descendaient rapidement de toutes parts, et enveloppaient les arrière- gardes; aucune cependant ne fut enlevée elles se firent jour à travers l'ennemi, et le 12 mai Suchet, achevant sa belle retraite, fit passer son armée au-delà du Var, ne laissant sur la rive gauche que les troupes nécessaires à la défense de la tête du pont.

La ligne du Var a toujours été considérée comme une des parties faibles de l'ancienne frontière de France, parce que, pour trouver un appui solide à la gauche de cette ligne de défense, il faudrait la porter à une distance de 15 a 18 lieues, jusqu'aux

montagnes de première hauteur, au-delà des trois vallées de la Tinca, du Var supérieur et de l'Estéron. Les passages multipliés, et la facilité des communications à l'ouvert de ces vallées, permettent à un ennemi assez fort pour tenter une invasion, de détourner l'obstacle qu'on lui opposerait à l'embouchure du Var. Il pourrait prendre des positions transversales et parallèles à la côte, d'où il menacerait également de s'emparer des grands ports de Toulon et Marseille, et de pénétrer par la vallée de Barcelonnette dans la grande vallée de la Durance; il aurait alors franchi toute la masse des Alpes françaises.

Telles étaient les vues et les espérances du général Mélas. Un siècle auparavant, en 1707, le prince Eugène, soutenu de même par une flotte anglaise commandée par le chevalier Shovel, avait assiégé et bombardé Toulon, qui fut sauvé par le maréchal de Tessé. Les anglais cette fois se flattaient d'avoir conservé en Provence des intelligence's trop faciles à ménager' pendant les

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