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Le général Lannes fit assaillir à la fois la ville et la citadelle. Il rencontra d'abord, et pendant deux jours, une vigoureuse résistance; mais un bataillon de la 22° demibrigade, conduit par un jeune officier dont le nom doit être conservé, le capitaine Cochet, aide-de-camp du général Malher, escalada le fort, et s'en empara à la bayonnette; la garnison de la ville continuant de se défendre, le général Lannes ordonna à la fois un triple assaut sur les trois portes de la ville il se mit à la tête de sa colonne de droite, et porta de sa main les premiers coups de hache à la barrière. Les 22° et 40° demi-brigades brisèrent les ponts-levis, enfoncèrent les portes, et pénétrèrent si rapidement dans la ville, que les troupes autrichiennes eurent à peine le temps de l'évacuer et de se retirer par le pont de la Chiusella, sur la route de Chivasso, après avoir perdu beaucoup d'hommes, et laissé 300 prisonniers entre les mains des Français.

Ayant enlevé cette clef des plaines d'Italie, le général Lannes eut ordre de pous

ser plus avant sur la route de Turin. Les généraux autrichiens, Keim et Haddick, qui n'étaient point encore éclairés sur la véritable force de l'armée française, ne voyaient dans cette audacieuse irruption qu'une tentative pour distraire le général Mélas du double objet qu'il devait poursuivre sans relâche, la prise de Génes et l'invasion des provinces méridionales de la France: ils ne songeaient qu'à couvrir Turin. Ils rassemblèrent environ 6,000 hommes de bonne infanterie des régimens de Kinski, Toscana, Wallis, les gardes du roi de Sardaigne, et 4,000 chevaux, parmi lesquels se trouvaient les dragons de Latour, plusieurs régimens de hussards et quelques corps de grosse cavalerie. Ils prirent une très-bonne position sur la rive droite et un peu en arrière du pont de la Chiusella.

Le général Lannes les attaqua le 26 mai avec son avant-garde, soutenue par la division Boudet et deux régimens de troupes à cheval. Le pont fut d'abord emporté par la Ge demi-brigade d'infanterie légère. Son

commandant, Macon, voyant que le feu des quatre pièces d'artillerie qui barraient le pont arrêtait la tête de sa colonne, se précipita dans la rivière, fut suivi par sa troupe, 'et, sous le feu de mitraille le plus meurtrier, parvint à tourner le pont. Cette action décida l'affaire; l'infanterie dépostée se forma sur la hauteur; le combat s'y engagea encore plus chaudement: les troupes françaises, en débouchant du pont, chargèrent avec tant d'impétuosité, que les Autrichiens ne purent tenir plus long-temps et se retirèrent précipitamment sur Romano. Ils traversaient la plaine en désordre, quand leur cavalerie se déploya, et chargeant avec vigueur, dégagea l'artillerie au moment où elle allait être enlevée. Le général français Malher arrivant sur le champ de bataille avec deux demi - brigades, arrêta cette cavalerie qui, rompue par des charges réitérées et toujours inutiles, souffrit beaucoup du feu de l'infanterie en couvrant la retraite sur Chivasso, où le général Lannes entra le lendemain. Le beau régiment de

Latour perdit seul plus de 200 chevaux. Le général comte Nicolas de Palfi, menant la charge, fut blessé mortellement, et transporté à Romano où il mourut.

Ce combat donna aux jeunes soldats de l'armée française beaucoup d'audace et de confiance, en leur montrant qu'avec de la fermeté et du sang-froid ils pouvaient soutenir en plaine les efforts de la plus intrépide cavalerie.

Toutes les divisions qui avaient passé le Grand Saint-Bernard, se réunirent à Ivrée du 20 au 22 mai. Le corps du général Moncey était descendu du Saint-Gothard à Bellinzona; la colonne du général Béthancourt, qui avait passé le Simplon, était arrivée à Domo Dossola sans rencontrer d'obstacle.

A l'aile droite, le général Thureau attaqua le 22 mai le village retranché de Clavière, au-dessus du Pas de Suze, sur la route qui conduit à Briançon par le MontGenèvre; les retranchemens et le fort SaintFrançois, garnis d'artillerie, furent enlevés malgré la plus vive résistance. Le général

Thureau poursuivit l'ennemi jusqu'à Suze, le força de capituler sur le plateau de la Brunette; et après avoir opéré cette utile diversion, il prit position entre Avigliana et Suze, sur les hauteurs de Bossolino, et inenaçant Turin, se tint en mesure d'opérer sa jonction, ou de se porter sur les derrières de l'ennemi.

L'armée de réserve était déjà toute entière au-delà des Alpes, occupant une ligne assez étendue depuis Suze jusqu'à Bellinzona. Le premier objet apparent des opérations de Bonaparte était de s'étendre dans le Piémont pour assurer ses subsistances, de s'emparer des places, des magasins et de tous les points forts, afin de n'en pas laisser l'avantage au général Mélas, si, prévenu à temps, il avait rassemblé assez de troupes et d'artillerie pour livrer bataille à l'armée française au débouché du Val d'Aoste. La marche et les attaques du général Thureau par la vallée de Suze secondaient ce premier dessein. Le second objet était de se porter sur Milan, soit pour empêcher les corps de l'armée au

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