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Il consulta le général Marescot sur la possibilité d'escalader le fort, et malgré sa réponse négative, il ordonna l'attaque de viveforce de la première enceinte palissadée, et l'escalade et l'assaut du corps de place. Pendant que le général Berthier faisait les dispositions nécessaires, Bonaparte, après avoir expliqué lui-même à un officier supérieur bien choisi parmi les braves pour conduire la principale attaque, comment il devait exécuter ses ordres, prit à part le général Marescot et lui dit i Cet officier n'entend » pas ce qu'il a à faire, et l'assaut man» quera». Ce trait est remarquable; il avait vu et jugé par ses propres lumières; il avait confiance en celles de Marescot, mais il calcula et ce qu'il en coûterait d'hommes et l'importance de l'obstacle et voulut tenter la seule chance de succès, la faiblesse du commandant autrichien: ce fut en vain : le général Berthier fit former trois attaques, chacune de 300 grenadiers soutenus par des réserves. Les deux attaques réelles et combinées, sous le commandement du général

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Loison, ayant sous ses ordres le général Gobert et le chef de brigade Dufour, partirent, l'une de Donas sur la route d'Ivrée, et l'autre de la ville en face de la porte d'u fort. La troisième attaque n'était qu'une dé„monstration sur la rive droite de la Dora, une bruyante menace de passage pour attirer l'attention de la garnison. Les compagnies, de grenadiers, au signal donné à minuit, gravissant en silence d'un rocher à ¡l'autre, arrivèrent des deux côtés jusqu'aux palissades qui formaient la première enceintes ils l'emportèrent et poursuivirent jusqu'au pied du rempart les Autrichiens qui rentrèrent dans le fort. Il fallut alors tenter d'abattre les ponts-levis, briser les portes, appliquer les échelles qu'on avait rassemblées; mais il partit des créneaux une grêle de balles; les pièces qui battaient le pied du rempart, vomissaient la mitraille sur les Français partout à découvert, tandis que des grenades lancées, des obus jetés à la main du haut du rempart, achevérent de mettre le désordre parmi eux, et les for

cèrent à la retraite. Il y a peu d'exemple d'une attaque aussi audacieusement con duite; le général Loison fut renversé au pied du rempart par l'explosion d'une bombe; le colonel Dufour y fut aussi grièvement blessé.

Après cette tentative infructueuse, le commandant, sommé pour la quatrième fois, ayant répondu que ses instructions et le soin de son honneur lui prescrivaient de se défendre jusqu'à la dernière extrémité, on ne songea plus qu'à pousser avec vigueur le siége, dont le commandement fut laissé au général Chabran. A mesure que les moyens d'artillerie furent plus abondans, on choisit mieux l'emplacement des batteries. Celles qui tiraient de bas en haut, quoiqu'à bonne portée, et celles qui à revers plongeaient dans le fort, mais à une trop grande distance, ne pouvaient produire que peu d'effet; une seule pièce, placée dans le clocher de l'église de Bard, battait en brèche et répondait avec avantage au feu de l'ennemi,

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Cependant le général Lannes qui, dès le 20 mai, avait porté le corps d'avant-garde sur Ivrée, pouvait être attaqué, et n'avait point encore d'artillerie. L'encombrement au-dessus du fort de Bard s'augmentait; Le général en chef Berthier ne prit conseil que du désespoir et de la nécessité, et secondé par la décision et l'intrépide activité du général Marmont, il osa faire passer les pièces et les caissons à travers la ville, sous le feu du fort, demi-portée de fusil; la route fut jonchée de fumier, les rouages garnis de paille et les pièces traînées à la prolonge, chacune par cinquante braves, dans le plus grand silence, et dans les instans que la profonde obscurité semblaient rendre plus favorables. Ces momens étaient toujours trop courts, et la vigilance de l'ennemi dont le tir était fixé et éprouvé sur les divers points de la route, et qui d'ailleurs, pour l'éclairer et la fouiller, ne cessait de lancer des obus, des grenades et des pots à feu, rendirent cette belle opération très-périlleuse.

Plus ces difficultés imprévues avaient re

tardé la marche de l'armée française, et plus Bonaparte avait pressé les mouvemens du corps d'avant-garde, afin de préparer et de couvrir la réunion des différentes colonnes à l'entrée du Piémont.

Le général Lannes reçut l'ordre d'attaquer de vive force la ville et la citadelle d'Ivrée, que l'entière sécurité où étaient les Autrichiens dans cette partie leur avait fait négliger. Ils en réparaient les ouvrages et élevaient à la hâte de nouvelles batteries, lorsqu'ils furent surpris par l'attaque violente des Français. Un corps d'environ 4000 hommes, infanterie et cavalerie, s'était jeté dans Ivrée; d'autres renforts y étaient attendus.

Ivrée, assez avantageusement située sur la rive gauche de la Dora Baltea, au-dessus de l'entrée du canal de Vercelli qui joint les eaux de la Dora à celles de la Sesia, est une assez bonne place. Le duc de Vendôme, qui l'assiégea en 1704, ne put la réduire qu'après l'avoir, pendant dix jours, écrasée sous le feu d'une formidable artillerie.

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