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en suivant à droite et à gauche la lisière des bois qu'elle n'avait pu traverser, elle parvint à se déployer, et sans plus de retard marcha droit et à découvert sur la position, l'emporta et rejeta sur Moeskirch cette partie de la ligne autrichienne.

Dans le même temps, la division de gauche attaquait au pied du plateau au-delà du ruisseau, le poste important de Heudorf: ce village était véritablement la clef de la grande position; aussi fut-il pris et repris, et défendu avec acharnement contre les Autrichiens. Ceux-ci pour forcer les Français à renoncer à cette attaque, débordèrent avec une réserve de huit bataillons la gauche de cette division, la pressèrent vivement et l'auraient enveloppée, si dans ce moment même le général Delmas, arrivant sur la ligne de bataille avec sa division, n'avait soutenu et rétabli le combat.

Cependant les progrès de la partie de la division du général Vandamme, qui avait débouché par Klosterwald, menaçaient les derrières de Moeskirch. Une attaque auda

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cieusement conduite par le général Molitor, et combinée avec celle de Montrichard, fit plier et déposta l'aile gauche de l'armée autrichienne; mais le général Kray, en la refusant et cédant le plateau si long-temps disputé, changea dans l'après-midi sa ligne de bataille, étendit sa droite en se liant au corps de M. l'archiduc Ferdinand, et acheva presque un changement de front, qui, le plaçant parallèlement au Danube, lui donnait un grand avantage sur les colonnes françaises qui débouchaient par la chaussée de Krumbach et se portaient obliquement sur la ligne; déjà la division Delmas se trouvait dans une position aussi périlleuse celle dont elle avait un peu auparavant dégagé la division qui l'avait précédée; son flanc était presque gagné, la division Bastoul, qui vint se former à sa gauche, eut à soutenir les mêmes efforts de toutes les réserves autrichiennes avec lesquelles le général Kray chargea lui-même, ébranla plusieurs fois, mais ne put jamais enfoncer cette admirable infanterie : elle allait pourtant

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succomber, si le général Richepanse, avec la troisième division, ne fût arrivé à son secours. Le combat se rétablit sur toute-la ligne, l'action se prolongea jusqu'à la nuit. L'avantage, et presque tout le premier champ de bataille, restèrent aux Français. Les Autrichiens firent des pertes considérables dont la moindre ne fut pas celle de leurs magasins les deux armées étaient excédées de fatigue; le général Kray passa la nuit sur la partie du champ de bataille qu'il avait pu conserver, et se retira le lendemain sur Sigmaringen, où le général Saint-Cyr se portait en forçant de marche, et pressant l'arrière-garde de l'archiduc Ferdinand, auquel il enleva douze à quinze cents prisonniers arrivé sur les hauteurs, à la vue de la ville et des ponts, il aperçut toute l'armée · autrichienne, serrée en masse sur plusieurs lignes redoublées, dans le repli que forme en cet endroit le Danube. Le général SaintCyr, trop éloigné du reste de l'armée pour en être secouru, ne put entreprendre d'attaquer seul cette masse qui, s'appuyant des

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deux côtés du Danube, fermait pour ainsi dire la gorge de cette presqu'île, et couvrait le passage accéléré des troupes autrichiennes; Saint-Cyr voulut cependant marquer l'événement : il fit avancer quelques pièces et canonner vivement; mais l'ennemi démasqua sur la rive gauche une forte batterie, qui placée avantageusement et dominant la rive droite, fit taire le feu de celle des Français; ceux-ci dûrent se porter un peu plus en arrière, et l'armée autrichienne acheva de passer le Danube.

Les succès de l'armée française à cette ouverture de campagne, et l'accroissement de renommée que le général Moreau s'acquit par une double victoire et par la précision et la rapidité des manoeuvres qui la préparèrent, recevront un nouvel éclat si l'on rend à la belle conduite du feld - maréchal Kray, l'un des plus habiles généraux qu'ait eus la maison d'Autriche, toute la justice due à ses talens et à la vigueur de son caractère. Laissons aux conquérans, aux esclaves de la fortune, le mot terrible, réus

sissez, si vous voulez avoir de la gloire: ce prix n'échoit pas toujours uniquement au vainqueur.

En effet, ce n'est point à ce général qu'il faut imputer ni le rejet du plan qu'avait constamment proposé l'archiduc généralissime d'agir offensivement par la Suisse, ni le funeste amoncellement des magasins sur les points les plus avancés de la ligne d'opération trop découverte, et qu'il n'était plus temps de changer. Malgré sa vigilance sur les divers passages du Rhin, et sur tous les débouchés des montagnes noires, le général Kray ne pénétra point les desseins de son redoutable adversaire; mais ces desseins, que d'habiles généraux qui devaient y concourir trouvaient trop hasardés, sortaient des combinaisons ordinaires et tel sera toujours l'avantage d'une grande offensive complète et décidée : le sort des combats peut en arrêter le cours et les succès, mais aucune disposition instantanée n'en peut prévenir le premier développement.

Il faut donc faire honneur à la prévoyance

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