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La nuit s'approchait ; on apercevait sur la hauteur d'Hohenhöwen le feu très-vif du général Richepanse : il avait combattu toute la journée pour maintenir sa gauche, découverte et sans appui. Les Autrichiens qui la débordaient, avaient fait des efforts prodigieux pour l'envelopper, culbuter cette division sur celle de Delmas, et la séparer du corps du général Saint-Cyr. Celui-ci parvint cependant à se débarrasser de l'arrière-garde qui, à chaque pas, à chaque poste avantageux, lui faisait tête, et qui défendit opiniâtrement Sancta - Ottilia et le défilé de Zollhaus ; enfin, vers les quatre heures du soir, il fit déboucher sa première division et celle du général Baraguay d'Hilliers. Le général Roussel, avec une seule brigade, manoeuvra avec audace, attaqua avec intrépidité des forces supérieures et bien postées sur le plateau découvert ; mais le général Saint-Cyr ne put s'en rendre maître qu'après un long combat, après avoir repoussé non-seulement les troupes du général Nauendorff qu'il avait battues jusque-là de posi

tion en position, mais encore les troupes fraî ches que le général Kray tirait successivement de sa réserve, et lançait contre cette attaque décisive.

Dès-lors le général Richepanse, rassuré sur sa gauche, dirigea son principal effort sur le Hohenhöwen, gravit la sommité d'où il déposta l'ennemi, malgré la difficulté des accès et la plus vive résistance. La division Delmas concourut à cette attaque, après laquelle le général Moreau fit former sa ligne bordant les bois sur les revers, du côté d'Engen.

des

Le général Kray défendit sa dernière position jusqu'à dix heures du soir par charges successives et par un feu d'artillerie bien soutenu ses deux ailes étaient rompues et très-pressées; il ne combattait plus au centre que pour assurer sa retraite ; elle se fit en bon ordre, quoique déjà difficile, à cause de son entière séparation d'avec le corps du prince de Vaudremont qui formait son aile gauche, et des progrès de celui du général Lecourbe dans les

directions de Moeskirch et de Pfullendorf.

Un vaste champ de bataille couvert de morts et de blessés, sept mille prisonniers et quelques pièces de canon furent, pour les Français, les trophées d'une victoire achetée par des pertes presque aussi grandes que celles des Autrichiens; mais les résultats de la bataille d'Engen, soit par rapport à la suite des opérations en Allemagne, soit par leur influence sur les affaires d'Italie, furent immenses. Ce succès retrempa le moral de l'armée française, doubla ses forces par la confiance, et ralluma cette émulation de gloire qui enfanterait encore de plus grands prodiges, sans la présomption qui la porte trop souvent jusqu'au mépris de l'ennemi.

Si nous n'avions toujours devant les yeux l'obligation que nous nous sommes imposée de nous borner à remplir le devoir d'un simple historien, nous pourrions nous élever ici jusqu'à d'importantes considérations militaires sur les positions respectives des armées du Rhin à l'ouverture de cette campagne, et sur les manoeuvres de généraux

justement célèbres; mais cet examen scrupuleux des opérations, les recherches de toutes les fautes commises contre les principes généraux de stratégie et contre les régles, soit de la grande tactique, soit de la tactique particulière des différentes armes, n'entrent qu'accessoirement dans le plan de cet ouvrage; plusieurs écrivains éclairés, non-seulement par des études élémentaires et par la suite approfondies, mais encore par leur propre expérience dans les camps, sur les champs de bataille, dans les cabinets des souverains et des généralissimes, ont déjà rempli cette honorable tâche; aucune époque de l'histoire des guerres des peuples modernes n'avait sans doute fourni d'aussi vastes sujets d'observation que celle où tout a été tenté, toutes les combinaisons épuisées, tous les systèmes essayés; si la nécessité de vaincre, si de grands hasards et de fréquens obstacles, comme aussi une plus grande part de gloire et de renommée ont puissamment excité dans toutes les armées de l'Europe les esprits ardens et d'un

ordre élevé; si cette émulation générale: a produit dans la pratique de l'art de la guerre, sinon des inventions remarquables, du moins des procédés nouveaux, de nouvelles applications, il est aussi vrai de dire que la théorie a fait de grands pas. Les auteurs militaires que nous venons d'indiquer, et dont nous regrettons de ne pouvoir suffisamment, dans cette courte digres sion, faire connaître et caractériser les utiles travaux, ont depuis peu, dans des ouvrages didactiques, réuni les principes de la stratégie, les vrais élémens, les axiomes universellement admis; ce n'est pas qu'en suivant ces mêmes principes, quoiqu'ils soient fondes sur les exemples des plus grands capitaines de l'antiquité et des temps modernes, déduits de toutes leurs expériences et fixés par la méthode, on puisse soumettre à l'analyse toutes les opérations de la guerre; les chances de ce terrible jeu sont toujours nouvelles; dans des positions qui paraissent être semblables, les nouveaux projets, les dispositions, les actions different

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