Imágenes de página
PDF
ePub

d'hommes et d'argent; ils voyaient éclater de nouveau le feu de la guerre civile dans les départemens de l'ouest, ils s'étaient enfin convaincus que des secours proportionnés à l'importance de cette diversion, des secours tels que l'Angleterre n'en avait jamais su fournir aux Vendéens, devaient cette fois embrâser la plus belle moitié de la France, et porter rapidement l'incendie jusqu'aux portes de la capitale; et pendant ce temps, l'armée française réduite à 150,000 hommes par les combats et les maladies contagieuses, dégoûtée, mal payée, prête à s'insurger, défendrait mal les frontières de l'Est et du Nord contre l'invasion jusqu'alors vainement tentée.

La décision de la querelle étant donc remise à la fortune des armes, chacun des deux partis s'exaspérant à l'envi, par les plus injurieuses récriminations, rivalisa d'ardeur dans ses apprêts de guerre, et d'activité dans ses relations politiques.

Les négociateurs anglais, lord Withworth à Saint-Pétersbourg, et lord Minto à Vienne,

[ocr errors]

tous deux fort habiles et autorisés par leur gouvernement à prodiguer les sacrifices pour rétablir la bonne harmonie entre les deux cours impériales, y échouèrent également : la cour d'Autriche avait payé d'un trop haut prix la coopération de la Russie, et la conquête de l'Italie, pendant la dernière campagne, en recevant comme généralissime, et donnant pour rival au vainqueur de Stokach, au libérateur de l'Allemagne, le général Souwarow : tant que ces deux grands capitaines avaient opéré sur des théâtres différens, leurs succès respectifs en Suisse et en Italie avaient relevé les affaires de la coalition, et fait espérer d'atteindre le but, (l'invasion des provinces de l'Est de la France,) avant la fin de la campagne; mais pour diriger et frapper ce dernier coup, il eût fallu réunir les deux armées sous un seul commandement. Les deux généralissimes, dans le même dessein d'attaquer la France du côté de la Suisse, le seul point alors vulnérable, relativement à la masse de forces que les deux grandes puissances

coalisées y pouvaient employer, avaient conçu des plans différens; ils ne purent s'accorder.

L'éloignement, les prétentions des deux cabinets firent perdre le temps et la circonstance favorable pour cette grande opération: le général français qui déjà faisait ses dispositions pour se retirer d'abord derrière l'Aar, et bientôt après au-delà des Vosges, Masséna, vigilant et audacieux, saisit l'occasion, battit Korsakow à Zurich, et changea la face des affaires; ce revers inattendu, qui ruina un corps d'armée russe, et manqua de faire ensevelir dans les hautes vallées de la Suisse l'armée victorieuse de Souwarow, exaspéra le bouillant et capricieux Paul Ier; d'autres causes de mésintelligence ayant éclaté, particulièrement au siége d'Ancóne, entre les troupes autrichiennes et russes, les liens des deux cours impériales se relâchèrent; les Anglais qui s'efforçaient de les resserrer, avaient déjà perdu tout crédit à Saint-Pétersbourg depuis la malheureuse expédition de Hollande;

on essaya vainement à Prague de retenir Souwarow par l'accueil le plus brillant. On lui offrit le commandement en chef de l'armée autrichienne du Rhin; on lui proposa d'employer sous ses ordres le général Kray, qui, pendant la campagne précédente, après avoir gagné sur les Français la bataille décisive de Vérone, avant l'ar rivée de l'armée russe, avait remis au général Souwarow le commandement supérieur; rien ne put ramener l'empereur de Russie; il rappela son général et son armée, et la coalition fut rompue.

Débarrassé d'un si dangereux ennemi, Bonaparte se hâta de profiter de l'effet que cette grande défection produisit sur les puissances, qui ayant maintenu leur neutralité à l'égard du gouvernement républicain, même dans son déclin, se trouvaient justifiées par les nouveaux événemens. Ce fut surtout la Prusse que le premier consul cultiva avec le plus de soin; il ne se bornait point à s'assurer des dispositions de cette puissance, à maintenir sa neutralité ; il se

flattait de la déterminer à prendre une part active à la guerre, si sa médiation n'était pas acceptée, ou du moins à étendre le cordon de son armée d'observation sur le BasRhin, de manière à resserrer le front d'attaque et gêner les mouvemens de l'armée autrichienne dans cette partie cette mission délicate fut confiée au premier aide-de-camp Duroc, l'un de ses meilleurs agens.

Le roi de Prusse, uniquement occupé à réparer, par une administration économique et toute paternelle, les désordres causés dans l'ordre civil et dans l'armée par les prodigalités du dernier règne, fut inébranlable dans ses résolutions pacifiques; l'électeur de Saxe, déterminé par les mêmes motifs et par son propre caractère, adhéra à cette coalition de neutralité. Le Danemarck qui, sous le ministère du vieux comte de Bernstorff, en avait fait la base de son plan de conduite, y persista sous le ministère de l'héritier du nom, des talens et de la sagesse de ce Nestor de la diplo

« AnteriorContinuar »