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renvoyer chez eux sans qu'ils aient subi la funeste contagion si habituelle dans la fréquentation des aliénés.

Enfin, vous verrez comment est organisé mon asile, et j'espère qu'il aura votre approbation, car, d'après votre thèse, vous me paraissez compétent dans la matière.

Quant à ce qui vous concerne personnellement, voici comment j'entends nos arrangements; si vous avez des observations à m'adresser, ne vous gênez pas, je les accueillerai si je les crois justes.

Vous entrerez chez moi comme sous-directeur, et vous jouirez, en cette qualité, d'un traitement de cinq mille francs payable mensuellement. Plus tard, ce traitement sera augmenté.

Votre logement, meublé par mes soins, se compose d'une chambre à coucher, d'un cabinet de travail et d'un salon que vous pourrez transformer à l'occasion, si quelque ami venait vous demander l'hospitalité, et, dans ce cas, votre hôte, qui serait aussi le mien, partagerait notre ordinaire sans aucune espèce de retenue sur vos émoluments.

Ma bibliothèque particulière, comme celle de l'établissement, mes journaux, les publications médicales que je reçois, seront à votre disposition.

Un des domestiques de la maison sera spécialement attaché à votre service.

pour travailler pour

Chaque année, vous jouirez d'un congé de six semaines.
Vos fonctions vous laisseront assez de loisirs
vous et pour faire votre instruction scientifique.
Cela vous convient-il ? »

J'étais ébloui, car je n'aurais certes point donné à mes rêves de telles perspectives. Mon cœur débordait de joie et de gratitude pour l'excellent homme qui me sortait de l'indigence et me donnait une position assurant le présent dans les meilleures conditions et m'ouvrant un vaste champ dans l'avenir.

« Vous me comblez, Monsieur, lui répondis-je; je ne saurais en ce moment vous exprimer ma reconnaissance, mais j'ai assez foi en moi pour vous assurer que si mon intelligence répond à mon zèle, yous serez satisfait de ma collaboration.

Fort bien! reprit il. Nous ne passons aucun acte d'engagement, n'est-ce pas ? Entre gens d'honneur, une parole suffit. D'ailleurs je ne contrains personne; tant que nous nous entendrons, et j'espère que ce sera toujours, nous resterons ensemble. Enfin, si des circonstances imprévues vous forcent à abandonner ma maison, nous nous quitterons les meilleurs amis du monde.

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L'AME DE BEnthoven.

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Rhin que m'avait versé le iété, constituaient un véconnaissais par expéé de l'estomac, et je

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Jus jamais rencontré un homme habitué à la mauvaise .une et auquel arrive une bonne chance? Il marche la tête haute, le regard assuré, le pas droit et ferme, le visage épanoui, et semble vouloir mettre les passants dans la confidence de sa joie.

Je m'en allais ainsi le long des quais, le nez en l'air, fumant au vent et faisant résonner sur l'asphalte des trottoirs mes talons éculés.

En rentrant chez moi, le cœur trop plein pour être capable d'écrire une longue lettre, j'adressai le billet suivant à ma mère :

Dans dix jours, je serai près de toi. Je suis bien heureux. » Je glissai sous l'enveloppe un billet de cinq cents francs, et je me rendis à la poste, jouissant par avance de la stupéfaction de ma mère lorsqu'elle ouvrirait cette épître chargée, elle qui n'avait jamais reçu de moi une obole!

En sortant du bureau de poste, je me présentai chez le professeur V... pour lui rendre compte du succès de ma démarche et pour le remercier.

« Bon, bon, dit-il dès qu'il m'aperçut de l'air narquois qui lui était habituel, je vois ce que c'est, vous n'avez pas besoin de me le

Maintenant, permettez-moi une question: vous n'êtes pas riche; avez-vous des dettes ?

Mon, monsieur, jusqu'ici j'ai eu l'heureuse chance de pouvoir m'en préserver.

-Ah! tant mieux; mais vous aurez à faire quelques dépenses avant de quitter Paris; il faudra renouveler votre vestiaire, etc., et oubliais de vous parler de votre entrée en campagne; fixez-la vousmême.

Cette offre d'indemnité venait bien à propos, car, depuis quelques minutes, ma satisfaction était troublée par la pensée que je ne possédais pas la plus petite somme à consacrer à l'achat indispensable de vêtements et aux frais de voyage; je songeais déjà à recourir à la propriétaire de mon garni, qui me refuserait peut-être, lorsque le docteur me tira d'embarras si à propos.

Voyons, me dis-je, en établissant en moi-même rapidement mon calcul, il me faut au moins six cents francs trois cents pour les habits, trois cents pour les frais de route.

-Je crois, dis-je tout haut avec une légère hésitation, que six cents francs me suffiront. »

Muller me regarda, sourit en haussant légèrement les épaules et me dit, en se dirigeant vers un meuble fermé à clef qu'il ouvrit et dont il tira trois billets de banque qu'il me remit :

« Vous n'êtes pas un fort calculateur; tenez, voilà quinze cents francs, ce n'est pas trop, vous en jugerez au moment de faire vos emplettes et de partir.

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Merci, monsieur. Où trouverai-je ce qu'il faut pour vons écrire un reçu ? lui répondis-je en jetant un coup d'œil sur les papiers épars sur le bureau.

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- A la garde de Dieu ! fit-il avec insouciance. A présent, ajoutat-il, nous allons déjeuner ensemble, n'est-ce pas ? »>

sonna et donna ordre de servir dans un petit salon attenant à sa chambre.

Je fis honneur au repas; j'avais vingt-neuf ans, à cet âge on mange largement, et mon appétit était d'autant plus vif que ma nourriture ordinaire aurait pu rivaliser avec celle d'un anachorète.

Pendant le déjeuner, Muller m'interrogea sur ma famille. Je lui répondis que ma mère, veuve d'un petit employé de l'administration, des domaines et sans fortune, s'était imposé, pour mon éducation de durs sacrifices et qu'elle allait être bien heureuse d'apprendre ce qui m'arrivait.

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-

Dans un village près de Blois.

Vous la verrez avant de partir pour la Franche-Comté, je pense ?

Je compte prendre le chemin des écoliers pour me rendre à Dôle, si toutefois vous m'en laissez le temps, lui répondis-je.

Dans trois semaines, à dater de ce jour, répliqua-t-il, je vous attendrai à Bel-Respiro; c'est le nom de mon asile.

En prenant le café, Muller m'offrit un cigare. Comme je n'en avais fumé de ma vie, et voyant avec quelle satisfaction je le savourais, il en prit une douzaine, les glissa presque malgré moi dans ma poche, puis nous nous séparâmes en nous serrant la main comme de vieux amis.

Quelques petits verres d'un vin du Rhin que m'avait versé le docteur, et qui, vu mes habitudes de sobriété, constituaient un véritable excès, me montaient au cerveau; je connaissais par expérience les hallucinations que cause la viduité de l'estomac, et je craignais d'avoir rêvé.

«Si j'allais me réveiller dans ma mansarde, me dis-je, quelle déception!

Je me tâtai pour m'assurer que c'était arrivé. Les cigares du docteur gonflaient la basque de ma redingote; ses trois billets de banque reposaient sur ma poitrine, dans ma poche gauche... Mon heureuse aventure était réelle, il n'y avait plus à en douter.

Avez-vous jamais rencontré un homme habitué à la mauvaise fortune et auquel arrive une bonne chance? Il marche la tête haute, le regard assuré, le pas droit et ferme, le visage épanoui, et semble vouloir mettre les passants dans la confidence de sa joie.

Je m'en allais ainsi le long des quais, le nez en l'air, fumant au vent et faisant résonner sur l'asphalte des trottoirs mes talons éculés.

En rentrant chez moi, le cœur trop plein pour être capable d'écrire une longue lettre, j'adressai le billet suivant à ma mère :

« Dans dix jours, je serai près de toi. Je suis bien heureux. » Je glissai sous l'enveloppe un billet de cinq cents francs, et je me rendis à la poste, jouissant par avance de la stupéfaction de ma mère lorsqu'elle ouvrirait cette épître chargée, elle qui n'avait jamais reçu de moi une obole!

En sortant du bureau de poste, je me présentai chez le professeur V... pour lui rendre compte du succès de ma démarche et pour le remercier.

« Bon, bon, dit-il dès qu'il m'aperçut de l'air narquois qui lui était habituel, je vois ce que c'est, vous n'avez pas besoin de me le

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