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a fait redire; peu importe, c'est le comble du ridicule. Encore quelques bons passages dans le duo des deux amants, surtout dans la partie sentimentale, puis un allegro final à trois voix et qui, pour être fort bruyant, n'en est pas moins fort médiocre.

Tel est cet ouvrage de deux auteurs généralement estimés et dont l'un, le compositeur, a dû au succès exagéré de Martha, une œuvre simplement agréable, une haute réputation qu'il n'a pas su soutenir. Ce n'est pas encore ce nouvel opéra qui obtiendra la brillante fortune de son œuvre principale : c'est un ouvrage médiocre, dans la juste acception du mot, mais qui renferme quelques jolies pages. La mélodie, par malheur, est trop fréquemment commune,, l'orchestration, quoique assez travaillée, est le plus souvent incolore et n'arrive que rarement à piquer l'attention par de curieux effets, tels que ceux que nous avons signalés.

Si la pièce est médiocre, en revanche elle est jouée d'une façon fort satisfaisante... Il est vrai de dire que, sauf Me Priola, qui a obtenu son premier succès au Théâtre-Lyrique, dans le messager de paix de Rienzi, tous les autres artistes sont étrangers à l'Opéra-Comique.

Honneur aux hôtes de la maison. Mlle Marie Roze a tenu avec habileté un rôle des plus ingrats. Elle n'est favorisée ni sous le rapport du poëme, ni sous celui de la musique, et pourtant elle est parvenue à faire quelque chose de son larmoyant personnage; elle a bien dit plusieurs parties du rôle en un mot, elle a su donner du relief à cette pâle figure. MM. Monjauze et Meillet sont toujours deux excellents artistes. L'un chante bien la plus grande partie de son rôle, l'autre joue et dit le sien avec un rare talent de comédien, lançant le mot avec adresse, et surtout disant son récit final avec une chaleur extrême, Mlle Priola est de la maison : aussi la faisons-nous passer la dernière. Du reste, le public lui a fait un accueil assez favorable pour qu'elle puisse se croire de tout point la première. Elle fait chaque jour des progrès et elle est fort accorte dans ce rôle, qu'elle tient avec une assurance et une maëstria remarquables. La voix est facile et charmante, et elle la conduit avec adresse. En un mot, nous croyons bien pouvoir assurer que Me Priola sera avant peu une de nos meilleures chanteuses d'opéra comique. A elle de faire que nous ne nous trompions pas.

O. MERCIER.

CHRONIQUE POLITIQUE

30 juillet 1870.

Avons-nous besoin de le dire? l'événement n'a point tourné à notre gré. C'est la paix que nous avons rêvée; c'est la paix que, depuis quatre ans, nous avons cherchée, poursuivie; il nous semblait que le bonheur des peuples dépendait plus du maintien de la paix que d'une explosion belliqueuse entre la France et l'Allemagne; nous avons voulu la paix dans l'intérêt de la liberté; nous l'avons voulue pour le développement de toutes nos forces nationales. C'est à la France que la paix nous semblait devoir le plus profiter; s'il faut dire toute notre pensée, nous avions plus de souci de la France que de l'Allemagne, et même que du reste de l'Europe. Lorsque survint l'ébranlement politique de 1866, il fut aisé de voir que ce déplacement de l'équilibre européen allait faire naître quelques périls; cette crainte se fortifia, chez tous les esprits sérieux, de l'imprévoyance et des fausses combinaisons du gouvernement français. Nous n'avons pas sur la conscience d'avoir, à cette époque, encouragé la politique du cabinet des Tuileries; à nos yeux, en présence des conflits qui se préparaient en Allemagne, le devoir de la France était de s'y intéresser en prenant parti pour les uns ou pour les autres, au mieux de ses intérêts; nous pouvions favoriser les visées prussiennes ou les visées autrichiennes, et stipuler, pour notre concours, une garantie morale ou une garantie matérielle; il est certain que, quelle que fût celle des deux puissances allemandes à qui nous aurions donné ce concours, elle en aurait fait assez de cas pour y mettre le prix. Cet équilibre européen, pour lequel aujourd'hui il faut tirer l'épée, n'eût pas été rompu, ou, du moins, il ne l'eût pas été à notre détriment. Mais on aima mieux rester dans l'expectative; sur les données les plus inexactes, on avait calculé qu'à un moment la Prusse, vaincue, se retournerait vers nous, implorerait notre appui, et passerait plus volontiers par nos conditions. Ceux qui nous lisaient alors, et qui ont conservé le souvenir des idées que nous exprimions, des renseignements que nous donnions sur l'état comparé des deux armées ennemies et sur le sentiment public en Allemagne, savent bien avec quelle persévérante énergie la Revue combattait ces illusions et les dangereux détours de notre diplomatie. Malgré ces efforts, qui malheureusement étaient isolés ou à peu près dans la presse française, c'est la mauvaise politique qui a prévalu; il était trop tard lorsque

le brillant fait d'armes de Sadowa nous dessilla les yeux. La Prusse avait pu se passer de nous, et comme elle ne nous était redevable d'aucun service, elle n'en avait point à nous rendre. Le cabinet des Tuileries, cependant, fit valoir sa neutralité; on voulut bien, par pure courtoisie, admettre l'hypothèse de cette neutralité, et on l'écouta quand il vint demander la paix pour l'Autriche, menacée dans ses derniers refuges. Qu'arriva-t-il alors? Que l'Allemagne s'attacha étroitement au vainqueur, et reprit, dans sa direction, le mouvement unitaire que d'autres influences n'avaient point su conduire; il arriva que la Prusse refit en Allemagne le mouvement que nous avions favorisé en Italie, et nous mit dans l'embarras cruel de ne pouvoir combattre, de l'autre côté du Rhin, un ordre de choses que nous avions favorisé de l'autre côté des Alpes. Le cabinet des Tuileries se résigna; il chercha des atténuations à l'échec plus moral que matériel qu'il venait d'éprouver; ses porte-paroles expliquèrent au pays que la France n'était point diminuée, et la célèbre circulaire du 16 septembre 1866 entreprit l'apologie des grandes agglomérations. On ne pensait pas à Paris autrement qu'on ne pensait à Berlin; du moins, on faisait contre fortune bon cœur. Nous étions dans ce courant, et de la meilleure foi du monde, il nous paraissait que, si la France se fortifiait intérieurement par la liberté et par un grand développement industriel et commercial, il lui importait peu que la Prusse eût pris la direction du mouvement unitaire de l'Allemagne du Nord et même de l'Allemagne du Sud. Pour être pleinement rassurés dans l'hypothèse des améliorations ultérieures dont nous donnions le programme, nous n'avions pas besoin de nous placer en face de la théorie plus illusoire que réelle des trois tronçons, avec laquelle le cabinet des Tuileries essayait de se consoler.

Ces idées, que nous tenons pour sages et patriotiques, auraient peutêtre prévalu, si elles n'avaient rencontré d'ardents adversaires dans ce groupe d'hommes politiques dont le travail assidu depuis vingt ans consiste à faire échec à la politique impériale. Ceux-là ne prirent point aisément leur parti de la victoire prussienne à Sadowa; pendant que nous avions l'air de croire à la sincérité de la dépêche du 16 septembre et que nous y applaudissions dans l'intérêt de la paix et de la liberté, les adversaires de l'Empire entreprenaient cette propagande funeste sur laquelle l'Empire s'appuie en ce moment pour justifier sa nouvelle politique. Nous comprenions qu'on profitât de l'échec de la politique extérieure pour demander la liberté; c'était notre thèse à nous, et nous étions au premier rang de ces libéraux dont le programme a commencé à triompher peu de mois après Sadowa. Le 19 janvier 1867 nous parut être, en effet, un premier pas vers les satisfactions et les réparations auxquelles la France pouvait prétendre. L'opposition eût été sage de rester sur ce terrain, en essayant de l'élargir et de le pousser jusqu'à la transformation du régime personnel en régime parlementaire ; mais il ne fallait point parler toujours à la France de l'échec de Sadowa; il ne fallait point, si l'on voulait sincèrement la paix et la liberté, formuler des programmes électoraux dans lesquels figuraient la réparation de nos griefs contre la Prusse. En rappe

lant constamment au gouvernement que nous avions laissé se créer à nos portes une nation de 40 millions d'habitants, en ne cessant de lui reprocher l'inexécution du traité de Prague, on le mettait constamment au défi de réparer ces prétendus malheurs. De son côté, l'opinion publique finissait par se laisser convaincre que la France était réellement humiliée par les agrandissements de la Prusse. C'est ainsi que l'opposition gouvernementale a ajouté ses fautes à celles de la diplomatie et qu'elle a fort maladroitement amené un état de choses dont elle est elle-même trèsinquiète. Ce désarroi politique, ces absences continues de logique et de prévoyance ont produit des contradictions et des palinodies dont notre pays n'a pas lieu d'être fier; ces mêmes hommes, adversaires persévérants de Sadowa, ces propagateurs acharnés de la prétendue humiliation de notre pays, on les a vus, au moment où le gouvernement se rangeait à leur avis et tirait les conclusions de leurs discours, renier leur politique ; ils ne pouvaient opposer aux résolutions guerrières du cabinet des Tuileries que des raisons tirées de l'insuffisance de l'offense. Combien ils auraient eu meilleure grâce de plaider pour la paix, si, comme nous, ils s'étaient gardés de remuer des passions et des arguments qui portaient en eux-mêmes les germes de la guerre! Il faut, pour être juste, qu'ils ne se considèrent pas comme étrangers aux événements qui se préparent ; leurs discours de la dernière heure ne les sauveraient pas plus de la responsabilité qu'ils ont encourue que l'eau jetée sur un foyer brûlant par ceux qui l'ont allumé ne les rend innocents des ruines de l'incendie.

Cette part équitable étant faite à chacnn, au gouvernement imprévoyant, aux partis injustes et aux hommes irréfléchis, nous n'avons plus qu'un devoir à remplir: après avoir travaillé avec persévérance à préserver la France de la guerre, nous devons reprendre notre rôle d'historien et raconter les événements dans l'ordre où ils vont s'accomplir. Nous les voyons de trop près peut-être pour les juger avec une entière impartialité; aux heures critiques, au milieu des surexcitations du patriotisme et des émotions de la lutte, il est difficile de résister aux entraînements de sa pensée; nous n'avons pas la prétention de pousser la philosophie jusqu'à nous préserver de toute colère et de toute émotion. On a fait de la France un champ de bataille; il faut s'y conduire un peu selon la règle d'une certaine discipline militaire, et, puisque le sort en est jeté, servir de notre mieux la cause de notre pays. Tout ce que nous pouvons lui souhaiter, au début de la guerre qui s'engage, c'est que ses capitaines montrent un peu peu plus d'habileté que ses diplomates. Il nous semble en effet que ces derniers ont assez mal fabriqué l'instrument de guerre; ils avaient, à notre avis, une autre forme à lui donner, et puisqu'il s'agissait de grouper des griefs, il ne fallait en négliger aucun. Personne n'est dupe des inévitables causes de la lutte qui s'engage; on sait bien que l'affaire du prince de Hohenzollern, 'prise isolément, n'aurait pas engendré cette querelle; mais puisque la guerre devait sortir de cet incident, il importait de ne point en altérer le caractère; on ne saura s'expliquer plus tard comment le cabinet des Tuileries, dans les premières communications qu'il a faites aux Chambres, au lieu de le grossir, a pris à tâche de lui

donner les proportions exiguës d'un incident diplomatique. On ne contestera pas que la première explication donnée de ce grief n'a pas produit l'explosion de colère qui, avec notre susceptibilité française, accompagne toute offense; il y a eu même, spectacle étrange et sans antécédents, chez nous, une discussion sur la question de savoir si nous étions suffisamment outragés. Les ministres paraissaient avoir sur ce point des opinions plus arrêtées que les représentants du pays; il est vrai de dire qu'ils avaient en main des éléments d'appréciation, qui sont d'abord restés secrets et qui furent communiqués lentement, goutte à goutte, comme si on voulait mener les esprits progressivement au paroxysme de l'indignation. C'est évidemment pour obtenir cet effet que le gouvernement n'a pas communiqué au Corps législatif certaine dépêche de M. le comte Benedetti, en date du 31 mars 1869; elle eût expliqué l'insistance qu'à la dernière heure nous avons mise auprès du roi de Prusse pour obtenir les garanties de sa parole royale. Personne ne savait en France que, l'année précédente, cette même prétention d'un Hohenzollern de régner en Espagne s'était produite, que nous avions réclamé, que le cabinet de Berlin avait prétexté qu'il n'en serait rien fait et que même le ministre des affaires étrangères avait engagé sa parole d'honneur que cela n'arriverait plus. Un an est à peine écoulé depuis que cette déclaration a été faite, à en croire M. Benedetti, et le nom de Hohenzollern, évoqué par la politique espagnole, reparaît à l'horizon. Il est évident que cet antécédent constituait, s'il était vrai, un cas de récidive qu'il importait de signaler et qui sans doute eût donné aux débats législatifs et aux déclarations officielles une portée plus sûre. On ne se rend pas un compte bien exact de la réserve dont le gouvernement a fait preuve ce jour-là en ne révélant pas l'existence d'une pièce de cette importance; n'est-ce pas le 15 juillet qu'il devait la faire connaitre? En réalité, la politique impériale ne retrouve véritablement sa voie que lorsque le débat revêt les formes écrites adoptées dans les chancelleries. Là, on semble mieux édifié; on a colligé toutes les pièces, on a le dossier du procès, on tient son adversaire sous le coup de saisissantes révélations. A peine un petit rayon vient-il éclairer cette ténébreuse affaire, qu'un autre rayon lui succède; nous finirons peut-être par y voir clair. On s'était enflammé de confiance, sur la foi des déclarations incomplètes des ministres et par un effort de patriotisme qui aurait demandé des preuves plus concluantes sur l'affront que nous venions de subir et sur l'affront fait à notre drapeau. Le casus belli restait un peu nuageux; il semble aujourd'hui se dégager avec plus de précision. Dans tous les cas, il y a un pressant intérêt à consulter les documents qui, de près ou de loin, se rattachent à cette affaire, et à y puiser le mot de la situation si grave et si menaçante qui est faite à la France et à l'Europe.

Nous avons déjà une partie de ces pièces, et nous croyons, en les publiant, accomplir un devoir de justice et d'impartialité. Aussi bien faudra-t-il un jour se résigner à les faire connaître. A cette place, nous n'avons qu'à suivre pas à pas les phases de l'incident et à reprendre les événements au point où les avait laissés notre dernière chronique. Au moment où elle

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