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moment, eu connaissance d'une indication quelconque pouvant auto rise une semblable conjecture, et que le ministre d'Espagne à Vienne, pendant le séjour qu'il a fait à Berlin, n'y aurait pas même fait allusion. Le soussecrétaire d'État, en s'exprimant ainsi, et sans que rien dans ce que je lui disais fût de nature à provoquer une pareille manifestation, a cru devoir engager sa parole d'honneur.

Suivant lui, M. Rancès se serait borné à entretenir le comte de Bismark, qui tenait peut-être à profiter du passage de ce diplomate pour se renseigner, sur l'état des choses en Espagne, de la manière dont elles s'engageaient en ce qui concerne le choix du futur souverain.

Voilà, en substance, ce que M. Thile m'a appris, en revenant à plusieurs reprises sur sa première déclaration, qu'il n'avait été et qu'il ne saurait être question du prince de Hohenzollern pour la couronne d'Espagne. Veuillez agréer, etc.

Signé : BENEDETTI.

Après cette citation, je crois superflu d'entrer dans plus de développements sur un point que nous devons considérer comme définitivement acquis.

Agréez, etc.

Signé : GRAMONT.

Enfin l'Empereur Napoléon III, au moment de partir pour prendre le commandement de l'armée, adressait au peuple la proclamation suivante :

FRANÇAIS,

Il y a dans la vie des peuples des moments solennels où l'honneur national, violemment excité, s'impose comme une force irrésistible, domine tous les intérêts et prend seul en mains la direction des destinées de la patrie. Une de ces heures décisives vient de sonner pour la France.

La Prusse, à qui nous avons témoigné pendant et depuis la guerre de 1866 les dispositions les plus conciliantes, n'a tenu aucun compte de notre bon vouloir et de notre longanimité. Lancée dans une voie d'envahissement, elle a éveillé toutes les défiances, nécessité partout des armements exagérés et fait de l'Europe un camp où règnent l'incertitude et la crainte du lendemain.

Un dernier incident est venu révéler l'instabilité des rapports internationaux et montrer toute la gravité de la situation. En présence des nouvelles prétentions de la Prusse, nos réclamations se sont fait entendre. Elles ont été éludées et suivies de procédés dédaigneux. Notre pays en a ressenti une profonde irritation, et aussitôt un cri de guerre a retenti d'un bout de la France à l'autre. Il ne nous reste plus qu'à confier nos destinées au sort des armes.

Nous ne faisons pas la guerre à l'Allemagne, dont nous respectons l'indépendance. Nous faisons des vœux pour que les peuples qui composent la grande nationalité germanique disposent librement de leurs destinées.

Quant à nous, nous réclamons l'établissement d'un état de choses qui garantisse notre sécurité et assure l'avenir. Nous voulons conquérir une paix durable, basée sur les vrais intérêts des peuples, et faire cesser cet état précaire, où toutes les nations emploient leurs ressources à s'armer les unes contre les autres.

Le glorieux drapeau que nous déployons encore une fois devant ceux qui nous provoquent est le même qui porta à travers l'Europe les idées civilisatrices de notre grande Révolution. Il représente les mêmes principes; il inspirera les mêmes dévouements.

FRANÇAIS,

Je vais me mettre à la tête de cette vaillante armée qu'anime l'amour du devoir et de la patrie. Elle sait ce qu'elle vaut, car elle a vu dans les quatre parties du monde la victoire s'attacher à ses pas.

J'emmène mon fils avec moi, malgré son jeune âge. Il sait quels sont les devoirs que son nom lui impose, et il est fier de prendre sa part dans les dangers de ceux qui combattent pour la patrie.

Dieu bénisse nos efforts. Un grand peuple qui défend une cause juste est invincible !

NAPOLÉON.

Ici s'arrêtaient les documents, lorsque le gouvernement anglais a livré à la publicité cent vingt-quatre pièces ayant trait aux négociations tentées par l'Angleterre pour empêcher la guerre. Ces pièces ont une grande importance pour la plupart, et complètent sur bien des points ce que les documents ci-dessus peuvent conserver d'obscur. Il y aura lieu de les recueillir plus tard.

Mais en même temps le journal le Timos publiait un projet de traité entre la Prusse et la France ayant pour but l'annexion par celle-ci du Luxembourg et de la Belgique. Ce traité a été reproduit avec quelques variantes dans la Correspondance de Berlin et dans d'autres feuilles officieuses. C'est le représentant de la France, M. Benedetti, qui aurait rédigé, de sa main, ce projet dont le fond, d'ailleurs, est reconnu vrai. Ce projet de traité devant exercer une certaine influence sur l'attitude des puissances neutres, nous attendrons pour le reproduire les explications que le cabinet des Tuileries ne manquera pas de fournir, et celles que M. de Bismark ne manquera pas d'y ajouter. Dès à présent M. Benedetti avoue avoir écrit le traité, mais seulement sous la dictéc de M. de Bismark.....

ALPHONSE DE CALONNE.

REVUE MUSICALE

OPERA-COMIQUE: Première représentation (7 juillet) de l'Ombre, opéra-comique en trois actes, de M. De Saint-GeorgES, musique de M. DE FLOTOW; MM. Monjauze, Meillet, Miles Marie Roze, Priola.

Dans un petit village de Savoie, à quelques lieues de la frontière française, vivent trois personnes, Mme Abeille, une riche veuve, commère délurée et malicieuse, quoique excellente femme, un médecin, Antoine Mérouet, brave garçon que ses malades payent rarement et qui les paye quelquefois, puis un jeune homme, un nommé Fabrice, ami de cœur d'Antoine, sculpteur sur bois, arrivé un jour on ne sait d'où et qui, grâce à son talent, a vu prospérer sa fortune. Tout à coup paraît une jeune fille pauvrement vêtue, pâle, défaite, les yeux rouges de larmes. C'est Jeanne, une orpheline qui reconnaît dans le docteur Antoine son parrain, et obtient d'entrer au service de Fabrice, non sans que cela excite une vive jalousie chez Mme Abeille, qui n'eût pas demandé mieux que de convoler en secondes noces avec le jeune artiste. Après le repas du soir, Fabrice reste seul avec sa nouvelle servante, et tous deux se laisseraient bientôt emporter dans un doux rêve d'amour, si Jeanne ne se rappelait tout à coup qu'elle n'est qu'une servante et si elle ne se sauvait dans sa chambre. Le pauvre garçon s'accoude triste et rêveur à sa table de travail et s'endort: un grand cri part de la chambre de Jeanne, et Fabrice, réveillé en sursaut, se précipite chez la jeune fille. A ce moment, paraît au fond la jalouse Mme Abeille, qui était aux écoutes et qui se sent cruellement blessée en voyant le beau Fabrice entrer de nuit chez cette fille, sa servante.

Elle ne tarde pas à se venger, et s'en va conter ses méchants propos à qui veut l'entendre. L'orpheline, honteusement chassée de l'église par la foule indignée, vient tomber dans les bras de Mérouet et de Fabrice, qui raconte alors à Mme Abeille tout ce drame nocturne, source de tant de

médisances: la fièvre de la jeune fille, son accès de désespoir qui l'entraînait vers un précipice, quand lui, Fabrice, l'a sauvée. Aussitôt, le brave Mérouet, qui se sent vivement épris de sa filleule, lui propose de l'épouser pour couper court à tous les propos. Jeanne pâlit et, restée seule avec Mme Abeille, elle lui fait confidence d'un secret amour, amour tout idéal, puisqu'il s'adresse à son seigneur, le comte de Rollecourt, un officier français qui, dans la guerre contre les protestants des Cévennes, s'est opposé aux cruautés de son colonel et qui, pour ce fait de rébellion, a été condamné à mort et fusillé sous les yeux mêmes de Jeanne. Or, Fabrice, qui du reste a entendu tout ce récit et ne paraît guère s'en émouvoir, est le portrait vivant du jeune comte: de là la surprise et l'effroi de la pauvre orpheline. Mais Antoine accourt qui nous apporte une bonne nouvelle. Le comte vit, il a été sauvé par l'officier chargé de l'exécution qui avait fait enlever les balles de tous les fusils. Mais un soldat a révélé la ruse, et l'officier, condamné à mort, va être exécuté aux lieu et place de celui qu'il a sauvé. A ce mot, Fabrice se redresse et, embrassant son ami, s'enfuit à toutes jambes. La nuit est venue: Jeanne se traîne avec peine jusqu'au pied de la croix, afin de prier pour son bien-aimé maître; elle murmure son nom chéri, lorsque paraît un jeune officier : c'est Fabrice qui vient de ren dosser son uniforme et qui court se livrer aux balles françaises. « Jeanne! Le comte ! » Et elle de courir après cette ombre, de la saisir, de la toucher et de s'évanouir. « Au secours! » crie Fabrice, et il s'échappe encore.

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Au troisième acte, Jeanne renaît à la vie, soignée avec amitié par Mme Abeille, avec amour par Antoine. Elle est heureuse, elle a revu son seigneur, un seul instant, c'est vrai, mais elle sait qu'il existe encore; elle lui a parlé, il a répondu! Bientôt arrive Fabrice, le visage souriant, la mort dans l'âme. Il a obtenu un sursis : condamné à mort, il vient pour donner son nom à sa chère Jeanne; le mariage se célèbre en toute hâte avec l'aide du brave Antoine et de Mme Abeille, qui a oublié son amoureux caprice à la vue de cette passion véritable. Tout à coup l'horloge sonne trois heures, Fabrice, sourd aux cris de sa femme et de Mme Abeille, va courir à la mort, mais Mérouet accourt, apportant la grâce de son ami, signée du maréchal de Villars. Pour que la fête soit complète, il épouse lui-même Mme Abeille, avec laquelle il n'a cessé de se disputer tout le long de la pièce.

C'est, à notre connaissance, la cinquième fois que les noms de MM. de Saint-Georges et de Flotow se trouvent réunis au bas d'une pièce. Après le ballet de Lady Henriette, après les opéras de l'Ame en Peine, de Martha et de Zilda, l'Ombre.

La musique de M. de Flotow plaît pas au public. La salle a fait répéter quatre ou cinq morceaux, et non des meilleurs: les couplets imitatifs sur Cocotte, la jument du docteur, le final du quatuor du souper dont le début est de beaucoup préférable, l'allegro du quatuor du deuxième acte, d'assez jolis couplets de Mme Abeille, et une touchante romance de M. Fabrice.

Nous venons de relever les passages les plus fêtés, signalons mainte

nant ceux qui ont le plus de valeur. L'ouverture débute par un solo de cor assez joli, mais d'une conclusion banale; puis, dans un allegro trop décousu, elle nous fait passer en revue les principaux motifs de la partition. Le premier duo entre Antoine et Mme Abeille est assez scénique; le trio, qui vient après les couplets de Cocotte, renferme une pâle romance de ténor, et se termine par un presto syllabique orné de quelques roulades, procédé commode, mais bien rebattu, dont M. de Flotow fait trop souvent usage. Au début de la romance de Jeanne: Par pitié, ne me chassez pas une heureuse idée, une simple tenue d'altos et de violoncelles, mais d'un effet charmant, et qui passe inaperçue de toute la salle. Encore une idée assez heureuse dans la scène finale entre l'artiste et sa servante, une mélodie chantée à l'aigu par les violons, tandis que la voix de Jeanne s'éteint peu à peu, et que sa tête retombe sur l'épaule de Fabrice.

Au second acte, passons vite sur le grand air de Mme Abeille, et sur les couplets de Meillet (il en a à tous les actes), pour arriver au récit dramatique de Fabrice. Là, le compositeur a visé au grand style, et, sans y atteindre toujours, il a eu d'heureux élans. Par malheur, il retombe trop souvent à terre, et cette page perd beaucoup à être trop morcelée et trop décousue. Suit immédiatement le quatuor, qu'on pourrait appeler des fiançailles, un des grands succès de la soirée, une page finement orchestrée, et qui serait encore plus agréable si l'on ne voyait là, comme dans le quatuor du souper, un musicien qui s'efforce, mais en vain, de donner un pendant au fameux quatuor du rouet, de Martha. Les couplets de Mme Abeille ont encore une pointe comique assez fine, puis tout le final se perd dans le commun et dans la lumière électrique.

Le troisième acte est de beaucoup plus estimable : les idées deviennent plus larges, l'orchestration plus puissante. Rien à dire du nocturne des deux femmes, non plus que des couplets sur midi et minuit; mais voici le meilleur endroit de la partition. Fabrice vient d'arriver: sur une assez belle mélodie de l'orchestre, il dit sa douleur, son dévouement, sa mort prochaine; puis il prend la plume pour écrire ses volontés dernières, que sa femme trouvera au retour de l'église. Ici, le musicien s'est évidemment inspiré d'une situation pareille tirée du deuxième acte de Zémire et Azor, lorsque le vieux Sander, qui a promis de retourner se livrer au monstre, fait ses adieux à ses filles dans une lettre dont il répète les mots d'une voix entrecoupée par les larmes. La copie de M. de Flotow ne vaut pas le modèle, mais elle est encore assez saisissante et les réponses de l'orchestre ne manquent pas de caractère. Ses dernières volontés écrites, Fabrice fait ses adieux à sa fiancée dans une romance d'un bon tour mélodique et que Monjauze a dite avec une grande expression, surtout lorsque la salle l'eut forcé de la reprendre. Le trio qui suit entre les deux femmes et Fabrice est médiocre, surtout dans ses imitations de cloche qui n'ont rien de dramatique. Les époux une fois partis pour l'église, accourt Antoine. Il a tout appris, il sait que son ami va périr, et sur cette scène toute d'exclamations et de désespoir, l'auteur a écrit, quoi? des couplets! La salle les

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