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une véritable dictature que la commission des douze venait de se faire décerner. Elle profita de son triomphe pour faire arrêter, dans la nuit mềme qui suivit, les membres de la Commune qui avaient demandé la mort des vingt-deux, plusieurs présidents de section et le substitut Hébert, qui, dans un article de son journal, avait formulé la même demande.

La Commune fit aussitôt signer par les sections une pétition pour demander l'élargissement des citoyens incarcérés, et la mise en accusation de la commission pour avoir attenté à la personne de magistrats populaires en les arrachant à leurs fonctions. Cette pétition fut portée à la Convention, et c'est alors que le président Isnard fit à l'orateur de la Commune cette réponse menaçante dont les expressions rappelaient celles du manifeste de Brunswick (*).

Le 27 mai, de nouvelles pétitions furent présentées à la Convention; la séance de l'Assemblée fut longue et orageuse; une partie de la droite finit par quitter la salle; elle fut remplacée par les pétitionnaires qui envahirent en foule les places réservées aux députés. Le parti de la Montagne, se trouvant alors en majorité, fit décréter, sur la motion de Lacroix, l'élargissement d'Hébert et de ses compagnons de captivité, et la suppression de la commission. Mais le lendemain, les girondins firent revenir l'Assemblée sur cette décision la commission des douze fut rétablie, on lui rendit tous ses pouvoirs; mais pour faire à la Commune une concession, dont on attendait le rétablissement de la tranquillité publique, on décréta l'élargissement provisoire des citoyens incarcérés.

Le 29 et le 30, de nouvelles pétitions vinrent demander à la Convention la suppression de la commission des douze. L'Assemblée en ordonna l'impression, mais ne prit sur elles aucune décision. Enfin, le 31 eut lieu la grande insurrection qui amena la suppression définitive de la commission.

(*) Voir les ANNALES, t. II, p. 281.

Mais ce résultat ne suffisait pas à l'opinion populaire; la plupart des pétitionnaires avaient demandé l'arrestation et la mise en jugement des membres de cette commission, et des vingt-deux chefs du parti girondin. Le 2 juin, une nouvelle insurrection eut lieu plus redoutable encore que celle du 31 mai, et la Convention assiégée par une foule immense prononça le décret suivant:

« La Convention nationale décrète que les députés, ses membres, dont les noms suivent, seront mis en état d'arrestation chez eux, qu'ils y seront sous la sauvegarde du peuple français et de la Convention nationale, ainsi que de la loyauté des habitants de Paris :

« Gensoné, Guadet, Brissot, Gorsas, Pétion, Vergniaud, Salles, Barbaroux, Chambon, Buzot, Biroteau, Lidon, Lasource, Lanjuinais, Grangeneuve, Lehardy, le Sage (d'Eureet-Loir), Louvet, Dufriche, Valazé;

« Les membres de la commission des douze, à l'exception de ceux d'entre eux qui ont été dans cette commission d'un avis contraire aux mandats d'arrêt lancés par elle. Les noms des premiers sont : Kervelegan, Gardien, Rabaut-Saint-Étienne, Boileau, Bertrand la Hosdinière, Vigée, Mollevaut, Henri la Rivière, Gomaire, Bergoeing.

« Les deux membres exceptés sont : Boyer - Fonfrède, Saint-Martin - Va logne.

«Sont également décrétés d'arrestation Clavière, ministre des contributions publiques, et Lebrun, ministre des affaires étrangères. >>

COMMITTIMUS, l'un des priviléges les plus iniques de l'ancien régime, était le droit que le roi accordait à certaines personnes de plaider en première instance, tant en demandant qu'en défendant, par-devant certains juges, et d'y faire évoquer les causes où elles étaient parties.

Ce privilége, qui autorisait les plaideurs à faire juger leurs débats par les requêtes de l'hôtel ou les requêtes du Palais, avait d'abord été institué en faveur des officiers commensaux de la

maison du roi. Mais avec le temps, un si grand nombre de personnes se l'attribuèrent, que Charles VI fut obligé d'ordonner que nul n'en jouirait plus, s'il ne recevait actuellement des gages du roi, et que le chancelier Robert Briçonnet déclara en plein parlement, le 6 février 1497, qu'il ne délivrerait plus de committimus qu'aux domestiques du roi. Cependant on se relâcha encore dans la suite; car l'édit de Moulins de 1566 et l'ordonnance de 1669, dite des committimus, donnent la liste d'un grand nombre de personnes, et même de communautés, qui jouissaient de ce privilége et n'étaient en aucune manière attachées au service de la cour.

Les lettres de committimus n'étaient valables que pour un an, et elles n'étaient point admises en Artois, en Cambrésis, en Flandre, en Hainaut, en Bretagne, en Franche-Comté et en Dauphiné; cette exception avait été formellement énoncée dans les traités et capitulations qui avaient réuni ces provinces à la France.

COMMONI, peuple du midi de la Gaule, que Ptolémée place sur la côte voisine de Marseille, et auquel il attribue les villes de Massilia (Marseille), Tauroentium (Taurenti, aujourd'hui en ruine), Olbia (Éoube ou SaintVincent de Carquairaunes), et Forum Julium (Fréjus).

COMMUNAUTÉS ECCLÉSIASTIQUES. On appelait ainsi un corps composé de plusieurs ecclésiastiques qui avaient des intérêts communs. Ces communautés étaient séculières ou réguliè

res.

Les communautés séculières étaient celles que composaient des ecclésiastiques qui ne faisaient point de vœux particuliers, et ne vivaient point sous une règle commune. Tels étaient les membres des chapitres des églises cathédrales et collégiales, des séminaires, etc.

Les communautés régulières étaient composées de religieux vivant en commun sous des supérieurs, et suivant une règle approuvée par l'État. Tels étaient les chapitres de chanoines ré

guliers et de chanoinesses, et en général tous les monastères. (Voyez ORDRES RELIGIEUX.)

COMMUNE DE PARIS. De toutes les municipalités de la France, la commune de Paris est évidemment celle qui a joué le plus grand rôle pendant la révolution. Dans ces temps d'orage, où l'insurrection pouvait seule servir de transition pour passer du régime de l'absolutisme à celui de la liberté, la commune de la capitale était naturellement appelée à une puissance exceptionnelle. Quoiqu'elle ait souvent dépassé le but marqué, il faut lui rendre cette justice, qu'elle se montra digne de sa tâche. Emanation directe du peuple parisien, qui résumait en lui tous les sentiments nationaux, elle sut étendré son empire sur les autres communes, et devenir l'âme de tous les pouvoirs insurrectionnels qui soutinrent l'énergie de la nation dans les jours de danger. Elle fut bien moins la commune de Paris que la commune centrale de la France; aussi, pour la distinguer entre toutes, on la désigne par un nom qui est devenu historique : on l'appelle la Commune.

Née en 1789, elle poursuivit sa carrière agitée jusqu'en 1795. La Constituante trouva en elle un interprète intelligent et un défenseur intrépide. Après avoir favorisé l'essor de la révolution, elle voulut en activer la marche, et elle ne tarda pas à entrer en lutte avec la Législative. La Convention elle-même courba la tête devant elle, et se vit obligée de passer sous les fourches caudines; mais cette assemblée finit par se délivrer du joug populaire; mais elle en subit momenta nément un autre, celui du comité de salut public, qui, après avoir dompté la Commune, dut céder à son tour. La Convention, le comité de salut public et la Commune, voilà les trois corps politiques qui ont alternativement exercé la dictature pendant le fort de la tourmente révolutionnaire.

L'origine de la municipalité de Paris remonte à une simple corporation de marchands. Au moyen âge, à l'époque de l'affranchissement des

communes, la part de priviléges municipaux qu'obtint la capitale dut naturellement être bien faible; ses bourgeois firent, il est vrai, pour étendre leurs droits, des efforts qui furent quelquefois couronnés de succès; mais ils ne trouvèrent pas, comme ailleurs, un appui suffisant dans l'esprit de la population, et ils perdirent bientôt tout ce qu'ils avaient gagné. (Voyez CHAPERONS BLANCS et MAILLOTINS.) Le premier privilége de Paris, c'était d'être le centre de la monarchie dès sa naissance; quant à ses intérêts particuliers, en tant que cité du royaume, sa population en a toujours fait bon marché, comme il convenait aux habitants d'une métropole. Aujourd'hui encore que son administration municipale dispose d'un budget aussi considérable que celui de plus d'un royaume, ce n'est pas de sa prospérité comme ville que Paris est le plus fier, c'est de son rang comme capitale du pays le plus civilisé du monde; voilà pourquoi de toutes les communes de la France elle se résigne à être la seule dont le chef n'ait pas une origine élective.

Nous ne ferons point ici l'histoire de l'ancienne administration municipale de Paris; la place de cette histoire est marquée à l'article PRÉVOT DES MARCHANDS. Toutefois, dès à présent, nous devons dire que Paris n'a jamais eu de véritable commune, n'est dans les temps de révolution ; et même alors, la commune de Paris, loin de ressembler aux autres communes de France, est devenue un pouvoir à part, se posant comme le représentant non pas de la cité parisienne, mais des intérêts généraux du pays. (Voyez LIGUE, SEIZE, FRONDE, et la suite de cet article.)

titue à l'ancien gouvernement, usé par ses efforts pour défendre des traditions qui ont fait leur temps, et qui ne peuvent plus suffire aux besoins d'une génération plus jeune et plus vigoureusement trempée. Quelquefois aussi, dans les guerres civiles et dans les guerres de religion, l'hôtel de ville de Paris a été pris par des ambitieux pour un centre d'intrigues et un foyer de rébellion; mais, le plus souvent, le peuple parisien n'a répondu à leurs excitations que lorsqu'ils se constituaient les défenseurs des idées dominantes dans toute l'étendue de la France. On en a vu un exemple éclatant pendant les guerres de la ligue; les Guises auraient été moins puissants, s'ils avaient épousé une autre cause que celle du catholicisme, et les derniers Valois moins impopulaires, s'ils avaient été plus fidèles à la politique de François Ier. Après les folies de la Fronde, la municipalité parisienne perdit, en présence de Louis XIV, toute influence politique, et fut réduite à un rôle purement administratif; elle redevint ainsi ce qu'elle fut toujours, lorsque la patrie ne fut point en proie aux dissensions intestines et exposée au danger des invasions étrangères.

A l'époque où la révolution écla ta, l'administration municipale de la ville de Paris se composait d'un si ce prévôt des marchands, de quatre échevins et de trente-six conseillers de ville, tous pris parmi ces anciennes familles bourgeoises encore plus vaines de leur édilité que les nobles ne l'étaient de leurs titres héréditaires, et manifestant comme eux une répugnance invincible pour toute espèce d'améliorations. Une pareille municipalité devait être aussi impuissante que déplacée dans une époque de régénération nationale; aussi s'effaça-telle de jour en jour davantage, après la convocation des états généraux. Cependant, comme il fallait une direction au peuple pour soutenir ses droits, et pour prévenir les excès d'une insurrection que les fautes de la noblesse rendaient inévitable, les électeurs de

Il résulte de là que, pour une municipalité, l'historien trouve toujours la commune de Paris, ou trop faible ou trop forte trop faible dans les temps réguliers, à cause du voisinage du gouvernement central qui l'annule; trop forte dans les moments de révolution, parce qu'elle devient elle-même un gouvernement nouveau qui se subs

Paris acceptèrent le rôle que l'ancienne municipalité refusait de remplir, et se transformèrent peu à peu en magistrats populaires. Quels citoyens, en effet, avaient droit à ces nobles fonctions plus que ceux qui avaient été chargés par le peuple de la capitale de choisir les vingt représentants des communes à l'Assemblée constituante, et qui, par leurs choix, avaient prouvé qu'ils étaient les dignes interprètes des voeux de la population parisienne, et de ceux de toute la France, alors animée des mêmes sentiments de patriotisme? Voyant bien que la cour ne consentirait jamais à réformer et à rajeunir l'administration actuelle de la capitale, les électeurs prirent sur eux de s'immiscer dans les attributions municipales. L'éloignement de l'Assemblée nationale, qui siégeait à Versailles, justifiait encore davantage cette usurpation. Elle était si naturelle, qu'elle eut lieu sans qu'on s'en aperçût, pour ainsi dire; le peuple en témoigna sa satisfaction par des applaudissements, et sa confiance leur donna aussitôt cette autorité morale qui défie la puissance des baïonnettes, et qui seule est irrésistible.

Mais ce fut seulement après la destitution de Necker, et deux jours avant la prise de la Bastille, que les électeurs commencèrent à diriger activement l'administration de Paris. La nomination d'un ministère antinational, les préparatifs belliqueux de la cour, tout indiquait l'existence d'un complot aristocratique, et le projet de quelque grand coup d'Etat. De son côté, le peuple, poussé à bout, paraissait décidé à une résistance sérieuse; déjà les provocations de la troupe avaient été repoussées, et un commencement d'insurrection avait eu lieu; il fallait donc prendre un parti (*).

« Le dimanche 12 juillet, après l'insurrection qui suivit la nouvelle de la disgrâce de M. Necker, les

(*) Tous les passages de cet article que l'on trouvera placés entre guillemets ont été, comme celui-ci, extraits du Moniteur.

électeurs ayant appris que l'hôtel de ville était rempli d'un grand nombre de citoyens, s'y rendirent à six heures du soir, pour prendre provisoirement le gouvernement de la ville. Le peuple obtint des électeurs qu'on lui délivrerait les armes qui pouvaient se trouver dans l'hôtel de ville. Cet ordre ne s'exécutant pas avec assez de promptitude, le peuple cherche luimême, et bientôt il a découvert le dépôt des armes des gardes de la ville. Les portes sont enfoncées soudain, et les armes pillées. L'instant d'après, on vit un homme en chemise, jambes nues et sans souliers, le fusil sur l'épaule, prendre la place d'un garde de ville désarmé, et monter fièrement la garde à la porte de la salle.... Sur les onze heures du soir, se trouvant enfin en nombre suffisant, les électeurs prirent l'arrêté suivant : « Sur les de«<mandes pressantes de nombre de

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citoyens alarmés qui se sont rendus << à l'hôtel de ville, et qui ont témoigné leur appréhension aux électeurs << alors assemblés; pour tâcher de pré<< venir le tumulte, lesdits électeurs « ont arrêté que les districts seront sur

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le-champ convoqués, et que des élec<< teurs seront envoyés aux postes des «< citoyens armés, pour les prier de supercéder, au nom de la patrie, à << toute espèce d'attroupement et voie « de fait.... » Les électeurs confirmèrent par acclamation la nomination du prévôt des marchands, des échevins, du procureur du roi, et des autres officiers composant le bureau ordinaire de l'hôtel de ville. Ils prirent les mesures les plus sages pour assurer les subsistances et le bon ordre. Sur la proposition d'un d'entre eux, on créa un comité permanent. »

Voici quelques passages de l'arrêté du lendemain, qui confirma ces mesures: « Du 13 juillet. Les électeurs arrétent:

« Art. III. Il sera établi dès ce moment un comité permanent, composé de personnes qui seront nommées par l'Assemblée, et dont le nombre sera augmenté par les électeurs, ainsi qu'ils trouveront convenir.

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« M. le prévôt des marchands (M. de Flesselles).

«M. de Corny, procureur du roi et de la ville.

« MM. Buffault, Sageret, Vergne, Rouen, échevins.

« M. Veytard, greffier en chef. « Deux conseillers de ville et un quartinier.

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MM. le marquis de la Salle, l'abbé Fauchet, Tassin, de Leutre, Quatremère, Dumangin, Giron, conseillers; Ducloz au Fresnoy, Bancal des Issotz, Hyon, Legrand de Saint-René, Jeanin, électeurs.

« M. Grélé, citoyen.

« M. Moreau de Saint-Méry, président des électeurs. >>

C'est aussi à ces électeurs que Paris doit le rétablissement de sa milice, qui servit de modèle à l'organisation de la garde nationale. L'article v de l'arrêté dont nous venons de faire connaître quelques dispositions est ainsi conçu: « Il sera demandé dans le moment même à chaque district de former un état nominatif, d'abord de deux cents citoyens (lequel nombre sera augmenté successivement); ces citoyens doivent être connus et en état de porter les armes; ils seront réunis en corps de milice parisienne, pour veiller à la sûreté publique, suivant les instructions qui seront données à ce sujet par le comité permanent. »

Le jour même, aussitôt après son installation, le comité permanent rendit un arrêté relatif au prompt rétablissement de la milice parisienne.

« Le 14, M. de la Salle fut nommé commandant de la garde nationale sur

le refus du duc d'Aumont. Les cocardes vertes furent proscrites en haine du comte d'Artois, dont la maison portait cette couleur. Les rubans rose et bleu, couleurs de la ville, furent adoptés pour marques distinctives des soldats citoyens. Le comité des électeurs était permanent nuit et jour à l'hôtel de ville. Il s'occupait de l'organisation de l'armée patriotique, tandis que les districts travaillaient à lui procurer des moyens de défense. Des députations continuelles accouraient demander qu'on distribuât les armes qui se trouvaient dans les dépôts publics. Le prévôt des marchands, M. de Flesselles, prodiguait les promesses, n'en exécutait aucune, et continuait d'aigrir les esprits déjà violemment indisposés contre lui. Le peuple se précipita en foule dans l'hôtel des Invalides, et y trouva vingt-huit mille fusils et vingt pièces de canon... Les députés de la Commune, envoyés au gouverneur de la Bastille pour mettre un terme aux hostilités, étaient porteurs du décret suivant:

« Le comité permanent de la milice << parisienne, considérant qu'il ne doit «y avoir à Paris aucune force mili« taire qui ne soit dans les mains de « la ville, charge les députés qu'il en« voie à M. le marquis de Launay, << commandant de la Bastille, de lui << demander s'il est disposé à recevoir << dans cette place les troupes de la « milice parisienne, qui la garderont << de concert avec les troupes qui s'y << trouvent actuellement, et qui seront << aux ordres de la ville.

« Fait à l'hôtel de ville, ce 14 juillet 1789.

« Signé : DE FLESSELLES, prévôt des marchands et président du comité; DE LA VIGNE, président des élec

teurs. »

Voilà comment se forma la première ébauche de la Commune; création toute spontanée, à laquelle la prise de la Bastille donna la consécration du succès, et d'où sortit bientôt une institution plus régulière et plus durable. Un changement devint nécessaire, lorsqu'on eut découvert la preuve de

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