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prêter son attention au commerce; mais à peine Henri IV fut - il maître du royaume, qu'inspiré par Sully, il donna à l'industrie de puissants encouragements. En 1603, il établit une fabrique d'habits de drap et de toile d'or et de soie, et en 1607, des manufactures de tapisseries. Il institua une chambre composée d'officiers tirés du parlement, de la chambre des comptes, et de la cour des aides, où étaient décidés tous les points relatifs au commerce. Il favorisa particulièrement l'éducation des vers à soie, ordonna qu'il fût établi dans chaque diocèse une pépinière de mûriers, et fit planter de ces arbres jusque dans son parc de Saint-Germain en Laye. C'est, sans contestation, à Sully que sont dus les progrès qu'a faits chez nous l'art d'obtenir et de travailler la soie, et la supériorité que, dans cette double industrie; la France a longtemps possédée sur les autres nations européennes.

Ce fut seulement sous le règne de Henri IV que le profit que l'on pouvait tirer du commerce des Indes, dans lequel les Portugais et les Hollandais s'étaient si prodigieusement enrichis, commença à fixer l'attention des négociants français. En 1604, une compagnie qui obtint une exemption de droits sur les marchandises qu'elle apporterait de ses deux premiers voyages, fut nantie d'un privilége exclusif pendant quinze ans, et réunit des capitaux et des navires pour y faire des envois et en tirer des denrées. Cette première compagnie, dont on ne parla guère, et qui ne paraît pas avoir fait des expéditions nombreuses, fut, en 1615, réorganisée ou remplacée par une autre, qui fut pourvue d'un privilége de douze ans. Il faut que cette seconde compagnie ne se soit pas montrée beaucoup plus entreprenante que la première, ou que le résultat de ses opérations n'ait pas été satisfaisant, car, deux ans après l'expiration de son privilége, le gouvernement se crut obligé de stimuler l'activité des négociants, en les invitant à se réunir en sociétés commerciales pour faire,

à intérêts communs, des entreprises de long cours, et en déclarant que la participation que les gentilshommes prendraient aux spéculations maritimes n'entraînerait point la dérogation dont l'avait frappée François II. Six ans après, ces invitations produisirent leur effet, et l'on vit se former une Compagnie dite des Iles d'Amérique, qui fonda à Cayenne, à Saint-Domingue, et dans quelques autres îles des Antilles, de faibles établissements, opéra quelques échanges de marchandises, et subsista sans faire de grands bénéfices, jusqu'en 1664.

Mais, sous Louis XIV, l'esprit d'association acquit un vaste développement, et reçut de nombreuses applications. Deux Compagnies furent créées, en 1664, l'une pour le commerce des Indes orientales et l'autre pour celui des Indes occidentales, dans laquelle vint se fondre celle des îles d'Amérique. Successivement apparurent la Compagnie du Sénégal, qui fut confirmée, dissoute, et réorganisée plusieurs fois; la Compagnie de la Guinée, en possession du privilége exclusif du commerce des noirs, et de celui de la poudre d'or; la Compagnie de la Louisiane, celle de Saint-Domingue, celle de la Chine, et d'autres peut-être encore qui nous échappent. Toutes étaient investies, pour un temps plus ou moins long, du privilége exclusif de commercer dans les contrées dont elles portaient le nom, et on appela encore la noblesse à leur secours, en déclarant de nouveau qu'elle pouvait, sans crainte de déroger, prendre part au commerce maritime.

Colbert avait rédigé la célèbre ordonnance de mars 1673 (voy. les ANNALES, t. II, p. 28 et suivantes), qui plaçait enfin le commerce français sous l'empire d'une législation bien raisonnée, et tout semblait devoir prospérer; mais il n'en fut point ainsi, car les meilleures lois ne donnent aux hommes ni l'instruction, ni l'expérience dont ils sont dépourvus. Le privilége que l'on avait cru devoir prendre pour point de départ, était destructif de toute émulation, de tout progrès; donnait

lieu à la fraude, et entraînait des saisies de navires, des procès, des confiscations à n'en jamais finir. D'un autre côté, toutes ces Compagnies, dont les droits n'étaient pas clairement définis, et qui avaient souvent des intérêts contraires, se heurtaient et s'entravaient les unes les autres. Toutes ne faisaient donc que des affaires peu actives, et leur avenir était évidemment compromis, lorsqu'en 1685 la révocation de l'édit de Nantes, en expulsant du royaume deux cent mille familles, qui emportèrent avec elles des capitaux considérables et des secrets de fabrication qui nous appartenaient exclusivement, les frappa d'un coup funeste, ainsi que toutes les industries dont elles exportaient les produits. On crut bien faire en réunissant, au mois d'août 1717, les Compagnies du Sénégal, de la Guyane et de la Louisiane, à celle des Indes occidentales, qui prit le nom de Compagnie d'Occident, et en laissant en dehors la Compagnie de Saint-Domingue, dont le privilége fut révoqué deux ans après ; cet arrangement dura deux ans, après lesquels, en 1719, on réunit la Compagnie d'Occident à la Compagnie des Indes orientales, dans laquelle s'était déjà fondue celle de la Chine; et, sous le nom de Compagnie des Indes, fut formée une vaste association qui obtint le monopole du commerce du monde, et fut autorisée à sous-traiter avec des entreprises particulières, moyennant des réserves et des droits à son profit, pour les points du globe dont il lui conviendrait de céder l'exploitation.

Pendant tout le dix-huitième siècle, on fut rempli de bonnes intentions pour le commerce; mais comme on travaillait sur une matière que l'on ne connaissait pas encore, on agit presque toujours à tâtons, et on fatigua, par des changements sans motifs et sans terme, la chose du monde qui a le plus besoin de fixité. Ainsi, en 1700, on créa un conseil général de commerce; en 1708, six intendants du commerce; en 1715, un conseil général du commerce et des manufactures, que l'on

remplaça, le 22 juin 1722, par un bureau composé de huit personnes. En juin 1724, on réduisit à quatre les intendants du commerce, et on les supprima en 1774. On institua, en 1730, un conseil royal; en 1775, un inspecteur général du commerce; et, en 1788, on supprima les inspecteurs généraux des manufactures et du commerce, que l'on remplaça par des inspecteurs spéciaux pour chaque genre d'industrie. Enfin, les nombreux traités de commerce que l'on conclut pendant ce siècle, avec les Provinces Unies des Pays-Bas (1739), la Suède (1740), Maroc (1767), Hambourg (1769), la Grande-Bretagne (1786), la Russie (1787), ne furent pas, dans toutes leurs stipulations, favorables aux intérêts bien entendus de la France.

Il faut reconnaître, cependant, que toutes ces réformes suivies d'innovations, peu de temps après réformées elles-mêmes, étaient faites en vue du bien; mais, par suite de l'ignorance où l'on était encore des vrais principes de l'économie politique et de la science commerciale, que les économistes, si chaudement attaqués d'abord, ont fini cependant par établir, on devait commettre et l'on commit en effet bien des fautes. Il resta toutefois de cette époque bien des établissements et bien des institutions utiles au commerce. La bourse de Paris fut fondée en 1724; des assemblées générales de négociants furent autorisées dans toutes les pla ces commerçantes ; il fut permis à tout le monde, à l'exception des magis, trats, de faire le négoce, et il fut dé claré, une troisième ou quatrième fois, que la noblesse pouvait, sans crainte de déroger, faire le commerce en gros et prendre des intérêts dans les spé culations maritimes. En même temps, la circulation des vins dans le royaume fut affranchie de toute entrave, et l'on promit des récompenses publiques à ceux qui fonderaient de nouveaux établissement commerciaux. Ce fut aussi à cette époque que l'on commença à connaître la haute utilité des valeurs de crédit ; une caisse d'escompte, créée en 1767, et remplacée par une autre

en 1776, accrut la masse du signe représentatif, et fut le modèle des caisses publiques instituées plus tard, et de la Banque de France, qui rend aujourd'hui de si grands services au négoce et à l'industrie.

En général, pendant les soixante et douze ans que dura le règne de Louis XIV, une immense impulsion fut donnée au commerce français (voyez l'article COLBERT), et ce fut ce prince qui, sans s'en douter, fut le créateur de cette classe moyenne qui devait plus tard remplacer, par une aristocratie d'intelligence et d'argent, l'aristocratie nobiliaire, que son orgueil s'était plu si longtemps à dégrader. (Voy. Bourgeois, Bourgeoisie.) Sous la régence, le commerce reçut, de la fausse application du système de Law, de la trop grande extension qu'on lui donna, et de l'effroyable agiotage qui en fut la conséquence, de nombreuses blessures, qui, toutefois, ne purent l'anéantir. Après quelques années de perturbation, quand de nombreux capitaux eurent été déplacés, le commerce reprit sa marche accoutumée, malgré les entraves dont on l'avait chargé, c'est-à-dire, malgré le monopole attribué à la Compagnie des Indes. Enfin, cette Compagnie, qui avait reçu dans son association avec la banque de Law, une blessure dont elle n'avait pu se guérir (voyez BANQUE), ne pouvant résister aux pertes que lui avait fait subir la guerre maritime, hors d'état de soutenir la concurrence que lui faisait l'Angleterre, et voyant à chaque bilan diminuer son capital, remit, en août 1770, son actif, ses droits et priviléges entre les mains du roi, qui les accepta, en se chargeant d'acquitter ses obligations et de payer ses dettes. Louis XVI, le 14 avril 1785, institua une nouvelle Compagnie des Indes, et publia, le 13 avril 1786, un règlement pour la vente des marchandises qu'elle importerait. Mais bientôt éclata la révolution, et le privilége de cette Compagnie eut le même sort que tous ceux qui entravaient la marche de la liberté. Ainsi finit cette institution, qui, si

elle ne fut pas toujours heureuse dans ses spéculations, n'en rendit pas moins de grands services, en fondant des établissements, en familiarisant les commerçants avec les spéculations de longue durée, et en formant une marine marchande, dont l'industrie privée tira parti pour son propre compte, lorsque les temps furent venus, et que le génie commercial eut une entière liberté d'action.

De grandes et importantes mesures pour le commerce furent prises au commencement de la révolution. L'abolition des jurandes et des maîtrises, en donnant naissance à la libre concurrence, l'établissement de l'uniformité des poids et des mesures, en facilitant les transactions entre les différentes provinces de la France, devaient lui faire prendre en peu de temps un essor immense. Mais le commerce pour prospérer a besoin de repos et de sécurité, conditions qu'il ne pouvait obtenir d'une époque de crise et de bouleversements. D'un autre côté, des intrigants en firent un instrument de coupables manoeuvres; profitant de la liberté nouvellement accordée à tous les genres de transactions, les ennemis de la révolution accaparèrent les denrées de première nécessité, et essayèrent de vaincre par la famine le peuple dont ils ne pouvaient triompher par les armes. Ils firent disparaître le numéraire, et la France se vit réduite à la monnaie nominale des assignats, monnaie que l'agiotage et les falsifications de l'étranger eurent bientôt fait tomber en discrédit. C'est alors que la Convention se vit forcée de publier la loi du maximum, mesure terrible, qui anéantit immédiatement tout le commerce intérieur, le seul que nos guerres avec l'Europe entière nous permissent de faire.

Sous le directoire, le consulat et l'empire, le commerce maritime fut complétement anéanti par nos guerres avec la Grande-Bretagne, par la perte de nos établissements dans l'Inde, en Afrique et en Amérique, et par le blocus continental. On ne vit alors de denrées étrangères sur nos marchés

que celles qu'allaient conquérir sur les mers de hardis croiseurs, ou que nous apportaient en fraude d'aventureux contrebandiers. Mais sous la dernière de ces trois périodes, le commerce intérieur des productions indigènes et l'industrie surtout prirent de grands développements, par suite de la manière presque violente avec laquelle Napoléon força la France à perfectionner sa fabrication, à créer chez elle une grande partie des produits pour lesquels elle avait jusque-là payé tribut à l'étranger, et à remplacer par d'autres ceux qu'elle ne pouvait absolument obtenir de son territoire ou de son travail. Aussi le commerce, qu'il avait placé sous le patronage d'un ministère spécial et qui y est resté depuis, ne fit qu'une halte, pour se remettre en marche, aussi entreprenant, aussi intelligent et plus libre que jamais, quand la paix lui eut rendu la faculté de s'élancer de nouveau sur les mers, et eut restitué à la France une partie des établissements lointains et des colonies qu'elle possédait autrefois. Régi aujourd'hui par un code particulier, tiré en grande partie de l'ordonnance de 1673, il est en état de braver toutes les concurrences, et doit, de nécessité absolue, arriver avec le temps au plus haut degré de splendeur et de prospérité. Voyez BANQUE, COLONIES, COMPAGNIES DE COMMERCE, CRÉDIT PUBLIC, MONNAIES, etc.

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COMMERCE (ministère du). Il semble que pendant longtemps le commerce n'ait été considéré par le gouvernement que comme une des sources les plus importantes du revenu public, et que si les rois le protégèrent quelquefois, ce fut bien moins dans l'intérêt des peuples que dans celui de leurs finances. Aussi jusqu'à Sully, la surveillance du commerce resta-t-elle toujours exclusivement dans les attributions des officiers chargés du recouvrement des impôts. C'est de l'administration du grand ministre de Henri IV que date la première tentative faite pour le dégager de l'influence des hommes de finance. Une chambre spéciale, où devaient être discutées

toutes les mesures relatives au commerce, fut établie en 1607, et composée de membres du parlement, de la chambre des comptes et de la cour des aides. Malheureusement, la mort de Henri IV, qui arriva avant que cet établissement se fût consolidé, paralysa l'heureuse influence que l'on était en droit d'en attendre; et cette chambre fut dissoute de fait sous l'administration imprévoyante de la régente, Marie de Médicis. Mais Richelieu la recomposa et en prit la présidence. Colbert, le régent, les différents ministres de Louis XV et de Louis XVI, lui firent subir quelques modifications, augmentèrent ou diminuèrent sa compétence et ses attributions; cependant elle subsista jusqu'à la révolution.

Abolie alors, ainsi que toutes les anciennes institutions, cette chambre fut remplacée, en 1793, par un comité pris dans le sein de la Convention, et les douanes furent mises dans les attributions du ministre des relations extérieures.

Sous le consulat, on recomposa un conseil de commerce, aux discussions duquel Napoléon prit souvent une part importante.

Enfin, en 1812, un ministère du commerce fut créé et confié à M. Collin de Sussy, dans les attributions duquel furent mis les douanes, tout ce qui se rapportait à la propriété mobiliaire, aux subsistances, aux courtiers, aux établissements industriels, les consulats, la marine marchande, etc. Ce ministère, institué plutôt dans le but de veiller à l'exécution du blocus continental que dans celui de favoriser le mouvement commercial de la France, ne subsista que jusqu'en 1814, et le commerce retomba sous l'influence des agents du fisc.

Une ordonnance royale créa, en 1824, un bureau de commerce, divisé en un bureau d'hommes d'affaires, chargés de préparer toutes les mesures relatives au commerce, et un conseil supérieur devant lequel le bureau venait apporter et défendre son travail.

Quatre ans après, au mois de janvier 1828, ce bureau fut remplacé par

un ministère du commerce; mais ce ministère, dont les attributions n'avaient pas été nettement définies, ne put durer, et, à la chute du cabinet la tête duquel était M. de Martignac, le 9 août 1830, on en revint au bureau de commerce, qui fut reconstitué sur ses anciennes bases.

Le ministère du commerce fut enfin constitué définitivement en 1830, et, depuis, il a toujours existé, tout en subissant différentes modifications, suivant l'influence des hommes auxquels il a été confié.

Il porte aujourd'hui le nom de mi-nistère de l'agriculture et du commerce, et se compose, outre le secrétaire général, de trois directions, savoir :

Direction de l'agriculture et des haras, comprenant deux bureaux :

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1er bureau, législation, formation et application des tarifs de douane et de navigation. archives des documents français, et statistique générale du royaume. archives des documents étrangers. De ces trois directions dépendent le conseil supérieur du commerce, le conseil d'agriculture, le conseil général du commerce, et le conseil général des manufactures. Le conseil supérieur du commerce a été organisé par ordonnance du 29 avril 1831, pour remplacer le bureau du commerce. Ce conseil est appelé à donner son avis sur les projets de lois et sur les ordonnances concernant les tarifs des douanes, et leur régime, en ce qui intéresse le commerce; sur les projets des traités de commerce et de navigation; sur la législation commerciale des colonies; sur le système des encouragements pour les grandes pê

ches maritimes; sur les voeux des conseils généraux du commerce, des manufactures et du conseil d'agriculture, et sur toutes les questions que le ministre juge à propos de lui renvoyer. Il est présidé par le ministre et se compose en outre de vingt-quatre membres.

Le conseil d'agriculture est composé de trente membres nommés par le ministre, avec l'approbation du roi.

Le conseil général du commerce se compose de membres nommés pour trois ans par les chambres de commerce, et pris, soit dans leur sein, soit dans leur circonscription. Chaque chambre nomme un membre, à l'exception de celle de Paris, qui en nomme huit, et celles de Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Rouen et le Havre, qui en nomment chacune deux.

Enfin, le conseil général des manufactures est composé de vingt membres nommés pour trois ans, par vingt des chambres consultatives des arts et manufactures, et de quarante membres nommés par les ministres de l'agriculture et du commerce et des travaux publics, avec l'approbation du roi. En outre, dix membres du conseil général du commerce, appartenant à des villes de fabriques, ont entrée au conseil général des manufactures.

Ces trois derniers conseils tiennent chaque année une session dont le ministre de l'agriculture et du commerce et celui des travaux publics fixent l'époque et la durée. Ils délibèrent et émettent des vœux sur les propositions faites par leurs membres, soit en leur nom, soit au nom des sociétés d'agriculture, des chambres de commerce, et des chambres consultatives des manufactures qu'ils représentent. Enfin, ils donnent leur avis sur les matières que le ministre renvoie à leur examen. Des commissaires nommés par le roi sont chargés de développer les questions qui leur sont soumises, et de leur fournir les explications dont ils peuvent avoir besoin. Des employés du ministère du commerce remplissent les

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