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que la France a toujours été et qu'elle est encore une puissance essentiellement colonisatrice, et qu'elle a devancé toutes les autres nations, modernes dans l'établissement des colonies?

Passons maintenant à la réfutation d'un autre préjugé : la preuve, dit-on, que l'esprit de la nation n'est pas porté à la colonisation, c'est que nous n'avons pas conservé nos colonies. Il n'est pas vrai que nous ayons perdu toutes nos colonies; et si nous n'avons pu conserver toutes celles que nous avions fondées, il a fallu, pour nous les faire abandonner, les guerres les plus terribles. La guerre de la succession d'Espagne a pu seule nous enlever l'Acadie et Terre-Neuve (1715), et il a fallu la guerre de sept ans pour nous faire perdre le Canada et les Indes (1763); la révolution, pour nous faire perdre Saint-Domingue (1794); la capitulation de Menou pour nous enlever l'Égypte (1803); et les odieux traités de 1815 pour nous priver de Tabago et de l'île de France. Ce n'est donc pas par légèreté, par incurie, par ignorance de l'utilité des colonies, que la France a perdu de belles possessions, mais par suite de guerres désastreuses, et à cause de l'impéritie ou de la trahison de quelques hommes. La volonté formelle de conserver l'Algérie, qui se manifeste aujourd'hui avec tant d'énergie, n'est-elle pas d'ailleurs une preuve suffisante que la France sait apprécier l'utilité des possessions d'outre-mer?

On refuse à la nation française le génie colonisateur! Mais que l'on se rappelle donc l'étonnante prospérité de Saint-Domingue, de l'île de France et de Bourbon, que l'on compare à ces belles colonies toutes celles des autres nations, et que l'on voie si, dans aucune, la colonisation a porté de semblables fruits. Nous savons donc coloniser; seulement nous ne colonisons pas comme les peuples exclusivement industriels. Nous ne sommes pas un peuple de marchands, et l'on ne dira jamais de la France qu'elle n'est qu'une grande boutique où l'on vient

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échanger les produits des diverses parties du monde : nous sommes avant tout une nation politique, et sans négliger l'industrie et le commerce, nous trouverons toujours dans l'agriculture la base principale de notre prospérité matérielle. Ce que nous voulons, ce sont moins des colonies purement commerciales que des colonies agricoles et surtout des colonies politiques, c'est-à-dire des établissements qui nous permettent d'étendre au loin notre influence civilisatrice, qui assurent à notre marine une entière liberté d'action, en lui préparant dans toute l'étendue des mers des ports amis où elle puisse trouver, en temps de guerre, un abri pour réparer ses avaries et renouveler ses provisions. Ce que nous voulons, ce sont des établissements où notre industrie puisse trouver des débouchés, et d'où elle puisse nous rapporter les denrées que le sol de la France ne produit pas, et pour lesquelles nous serions tributaires des étrangers. On a vu d'autres nations sacrifier les malheureux habitants du Mexique pour s'emparer de leur or; exterminer les populations des ÉtatsUnis pour s'épargner la peine de les civiliser; égorger les Chinois à Java pour s'assurer le monopole des épices. Nous l'avouons, ce n'est pas ainsi que la France entend la colonisation. Partout où elle a fondé des établissements, elle a porté avec elle les bienfaits de la civilisation, et a laissé des souvenirs dont elle a droit d'être fière et qui ne s'effaceront jamais. Au lieu d'empoisonner avec de l'eau-de-vie, et de chasser comme des bêtes fauves, les sauvages de la Louisiane et du Canada, elle les a civilisés et convertis au christianisme; il n'a pas tenu à elle de porter les mêmes bienfaits aux populations répandues sur les innombrables îles de l'Océan indien, populations malheureuses qui, grâce à une autre nation qui se prétend colonisatrice par excellence, ne connaissent guère de la civilisation européenne que ce qu'elle a de hideux et de repoussant. Peutêtre aurions-nous pu aussi étendre et faire fleurir nos colonies des Indes

orientales, en y cultivant des poisons dont le sol de ces climats est si fertile. Nous ne l'avons pas voulu; il nous a semblé plus digne d'un grand peuple, d'en faire des lieux de relâche pour nos missionnaires, pour nos martyrs, qui vont porter aux Chinois et aux Japonais, non pas, comme les marchands anglais, une ivresse hideuse et mortelle, mais le christianisme et l'exemple de toutes les vertus.

Le nom de la France est encore cher au Canada, et l'on y est fier de pouvoir se vanter d'une origine française. Enfin c'est à la France que les nègres d'Haïti sont redevables de leur langue, de leurs institutions, et de cette civilisation qui les rend si éminemment supérieurs à tous les hommes de leur couleur.

Un officier de la marine française visita, en 1838, notre ancien établissement d'Ouidah, en Guinée. Nous avions là un fort avec une chapelle, autour de laquelle étaient groupées quelques maisons. Lorsque nous abandonnâmes cet établissement, au commencement de la révolution, les habitants de ces maisons étaient esclaves; ils furent alors rendus à la liberté. Un mulâtre et un noir, l'un jardinier, l'autre concierge, étaient chargés de la garde du fort et des archives; ils se sont toujours religieusement acquittés de ce devoir, et ils arborent encore avec orgueil le pavillon tricolore sur les restes de notre établissement. La plupart des habitants de la peuplade parlent encore notre langue, et tous se glorifient de donner à leur village le nom de village francais. En Égypte, en Syrie, le souvenir de la France s'est de même conservé, et l'on y entoure presque de la même vénération les noms de saint Louis, de Bonaparte et de Kléber.

On peut classer sous deux points de vue principaux les colonies fondées par la France : les unes sont purement agricoles, comme le Canada, TerreNeuve, la Louisiane, le Sénégal, l'île de France; les autres, telles que Malte et l'Égypte, étaient des colonies politiques, et c'est ce qu'est encore au

jourd'hui l'Algérie. Dans la création des premières, la France semble s'être involontairement inspirée de la politique des Grecs, dont les idées sont un des éléments de sa civilisation. Son but était de donner à la mère patrie des appendices qui pussent servir au développement de sa puissance. Dans la fondation des secondes, elle a plutôt imité les Romains.

Nous avons donné la liste de l'établissement de nos principales colonies: nous renvoyons, pour les détails de leur histoire, aux articles que nous avons consacrés à chacune d'elles en particulier. Nous terminerons celui-ci par un tableau général de celles que nous possédons aujourd'hui, et par un exposé rapide de leur organisation, de leur importance actuelle et de leur avenir. Citons d'abord les articles des traités de 1815 qui y sont relatifs.

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Art. 8 du traité de Paris de 1814. « Sa Majesté Britannique, stipulant pour elle et ses alliés, s'engage à restituer à Sa Majeste Très-Chrétienne dans les délais qui seront ci-après fixés, les colonies, pêcheries, comptoirs et établissements de tout genre que la France possédait au 1er janvier 1792, dans les miers et sur les continents de l'Amérique, de l'Afrique et de l'Asie, à l'exception toutefois des îles de Tabago et de Sainte-Lucie, et de l'île de France et de ses dépendances, nommément Rodrigue et les Séchelles, lesquelles S. M. T.-C. cède en toute propriété et souveraineté à S. M. Britannique.

Art. 9. Le roi de Suède consent à ce que l'île de la Guadeloupe soit restituée à la France, et abandonne ses droits sur cette île.

Art. 10. Le roi de Portugal s'engage à restituer à la France la Guiane française.

Art. 12. S. M. B. s'engage à faire jouir les Français dans les Indes des mêmes priviléges accordés ou à accorder aux nations les plus favorisées. << De son côté, S. M. Très-Chrétienne n'ayant rien plus à cœur que la perpétuité de la paix entre les deux couronnes de France et d'Angleterre, et

voulant contribuer, autant qu'il est en elle, à écarter dès à présent, des rapports des deux peuples, ce qui pourrait un jour altérer la bonne intelligence mutuelle, s'engage à ne faire aucun ouvrage de fortification dans les établissements qui lui doivent être restitués, et qui sont situés sur le continent des Indes, et à ne mettre dans ces établissements que le nombre de troupes nécessaires pour le maintien de la police (200 cipayes!!). »

Art. 8 de la convention du 7 mars 1815. «L'Angleterre s'engage, dans le cas où il surviendrait une rupture, 1° à ne point considérer ni traiter comme prisonniers de guerre les personnes qui feront partie de l'administration civile des établissements francais dans l'Inde, non plus que les officiers, sous-officiers et soldats qui, La Martinique.

La Guadeloupe et ses dépendances..
St.-Marlin (une partie)..
Bourbon.

aux termes du traité de Paris, seront nécessaires pour maintenir la police dans les établissements, et à leur accorder un délai de trois mois pour arranger leurs affaires personnelles, comme aussi à leur fournir les facilités nécessaires et les moyens de transport pour retourner en France avec leurs familles et leurs propriétés particulières. >>

Art. 13 du traité de Paris. « Quant au droit de pêche des Français sur le grand banc de Terre-Neuve, sur les côtes de l'île de ce nom et des îles adjacentes, et dans le golfe de SaintLaurent, tout sera remis sur le même pied qu'en 1792. » (Voy. VERSAILLES [traité de.])

En conséquence des traités de 1815, la France possède aujourd'hui :

Marie-Galande.
la Désirade.
les Saintes.

aux Antilles.

Sur la côte de Coromandel.. Pondichéry et son territoire composé

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Dans le Goudjérate....

des districts de..

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En Arabie... le droit d'établir des factoreries à Moka et à Maskate.

Au Sénégal...

Pondichéry. Vissenour. Bahour..

dans les

Indes.

l'ile St.-Louis et les îles voisines (Babagué, Safal et Gueber acquises en 1799). le poste militaire de Richard-Tol.

de Dagana.

le fort de Bakel (acquis en 1818).

le fort St.-Charles (1825).

l'ile de Gorée.

le comptoir d'Abrida.

le comptoir de Séghiou (*).

(*) La France possède cependant, mais sans les occuper, les établissements suivants : L'ile et le fort d'Arguin (1677), Portendick, Sudel (1701), fort de Saint-Pierre (1715), fort Saint-Joseph (1698), le comptoir de Natacon (vers 1750), le cap Vert et les terres depuis la pointe des Mamelles jusqu'au cap Bernard, avec les villages de Dakar et de Bin (1763), les comptoirs de Rufisque, Portudal et Joal (1677), le comptoir

de Salum (1785), le comptoir de Gérèges et de Vintam (1695), l'île de Carabanne (1836), le territoire de Dhiogué (1827), celui de Seghiou (1837), celui de Dhimbering (1837), le comptoir de l'ile de Bissao (1700), l'ile Gambia (1785), le comptoir de Ouidah, l'île Borodoro (1786), les comptoirs de Medina, de Sansandin, du grand Paris et du petit Paris, du grand et du petit Dieppe, les forts de la Mine, d'Acra et de

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sucre, café, coton, cacao.

sucre, café, coton, cacao.

sucre, café, coton, cacao, girofle, cannelle, rocou.

sucre, café, girofle, poivre, muscade.

opium, indigo, camphre, bejouin, laine, étain, laque, étoffes. gomme, cire, ivoire, or.

viande de bœuf pour Bourbon.

pêche et préparation de la morue (7 millions de kilog. en 1838).

Cormeutin (côte d'or), divers territoires dans le Walo (1820-30). Ces établissements, comme on peut le voir sur la carte, s'étendent depuis le Sahara (Arguin), jusqu'au golfe de Benin (Guinée). (Voy. SÉNÉGAL.)

(*) On n'a pas compris dans ce tableau les fonctionnaires et les troupes des garnisons, si ce n'est à Madagascar où la population blanche ne se compose que des fonctionnaires sauf 13 créoles.

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Sénégal..

5,306,518

8,958,982

14,265,500

Saint-Pierre et Miquelon (valeur de la morue importée en France en 1838)...
Madagascar (commerce avec Bourbon en 1838)..

3,107,556

1,103,645

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Tableau des dépenses et des recettes des colonies françaises pour l'année 1840.

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Relevé des droits perçus en France, en 1835, sur les denrées et marchandises coloniales importées des colonies françaises.

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Tableau du mouvement de la navigation française auquel le commerce maritime des colonies françaises a donné lieu en 1838.

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