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LES JUIFS DE MONTEREAU.

AU MOYEN-AGE

(Nouveaux documents)

NE petite colonie juive a subsisté à Montereau jusqu'à la fin du XIV siècle, ainsi que nous l'avons montré dans un article. publié il y a une vingtaine d'années'. Les dernières familles subsistantes, dont celle de Benion de Salins, y furent victimes en 1381 d'une émeute populaire et de vols commis par des habitants de la ville à l'instigation des autorités locales; des mouvements analogues contre les Juifs se produisirent en même temps dans diverses provinces. Par les quelques nouveaux documents produits ci-après, nous apprenons que le doyen de l'église de Montereau, Étienne Balande, y prit une part active; il s'était chargé de recueillir tout ou partie des lettres de créances signées par des habitants de Montereau ou des environs en faveur des Juifs qui leur avaient prêté de l'argent, et trouvées chez eux au

1. Annales de la Société, XVII, pp. 54-61.

cours des scènes de pillage; il avait ensuite restitué ces lettres aux débiteurs, satisfaits de voir ainsi disparaître toute trace de leurs dettes, et, ce qui aggravait son cas, il en avait tiré profit personnel, se faisant remettre par ces débiteurs des sommes variables à titre de remerciment ou d'indemnité : tel qui devait à Benion de Salins une somme de 25 francs crut pouvoir s'acquitter en remettant au prêtre 20 sous, tel autre qui devait 5 francs se vit prélever 24 sous; d'autres n'en furent pas quittes à si bon compte. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le procédé employé en cette circonstance par Étienne Balande était fort peu délicat. Aussi fut-il poursuivi, enfermé à Paris dans les prisons du Châtelet, et soumis à un interrogatoire en règle, au mois de septembre 1385, par le prévôt de Paris ou l'un de ses subordonnés, tandis que ses biens étaient séquestrés. Mais l'officialité archiepiscopale de Sens ayant réclamé l'inculpé au titre de religieux, justiciable seulement de ce tribunal, la magistrature parisienne se trouva dessaisie de l'affaire, et renvoya le prisonnier à ceux qui devaient le juger conformément aux lois. Nous ne savons quelle punition fut infligée par la juridiction ecclésiastique au curé-recéleur et prévaricateur de Montereau, mais on est tenté de supposer qu'Étienne Balande espérait trouver plus de bienveillance ou plus de complaisance à Sens qu'à Paris, et éviter peut-être une condamnation pourtant méritée.

HENRI STEIN.

PIÈCES JUSTIFICATIVES

xx

1.

A tous ceulx qui ces presentes lettres verront, Audoyn Chauveron, chevalier, conseillier du Roy nostre Sire, garde de la prevosté de Paris, salut. Savoir faisons que l'an de grace mil CCC IIII et cinq, lundi Xle jour de septembre, fu attaint et amené en jugement sur les carreaux de la geole du Chastelet de Paris messire Estienne Balande, prestre, doyen en l'église de Monstereul ou foule Yonne, prisonnier amené oudit Chastelet, pour ce que l'en disoit que pour le temps que les Juifs avoient esté pilliez en la dicte ville de Monstereul et qui pour le temps de lors demouroient en icelle ville, icellui messire Estienne avoit esté l'un de ceulx qui iceux Juifs avoient pilliez, et leur avoit osté plusieurs lettres obligatoires en quoy plusieurs personnes estoient obligiez envers eulx et par especial envers Benion de Salins, juif, lors demourant en icelle ville, et ycelles lettres avoit rendues aux obligiez et en avoit eu prouffit; lequel messire Estienne, par nous sur ce interrogué, par serement fait en parole de prestre, dist et confessa tout plainement que, pour le temps que iceulx Juifs furent pilliez, Jehan Le Breton estoit venus par devers lui et lui avoit baillié plusieurs lettres obligatoires, lesqueles lettres il avoit depuis rendues aux personnes qui par icelles estoient obligiez aux diz Juifs, et par especial audit Benion, moiennant certain prouffit qu'il en avoit eu, c'est assavoir à Guillaume Cheville une obligation de la somme de xxv francs, dont il avoit reçu xx solz parisis; item à Denisot Gaigne, cordouannier, demourant à Grantpuis, deux paires de lettres obligatoires dont il devoit avoir i francs, desquelz il receust dès lors i francs; item à Thevenin Charreau, demourant à Tavers, unes autres lettres dont il ot et receut x solz; item à Jean

Deshayes, demourant à Vernou, unes autres lettres dont il ot et receut francs; item à Estienne et Jehan diz des Voux, demourans à Vernou, unes autre lettres dont il devoit avoir v francs, desquelz il ot et receut xxш solz; item à Jehan Hazart, charpentier, demourant aux Escrannes [en] Brie, unes autres lettres dont il ot et receut v frrncs; item à Thevenin Carné, unes autres lettres dont il ot et receut vIII francs, si comme icellui Thevenin disoit et ou serement duquel il s'en estoit du tout rapporté à lui; item à Jehan de Dampleu, demourant à Flagy, unes autres lettres dont il ot et receut XVI sols parisis; item à Jehan Gaiot, demourant à Lavau Saint Germain, unes autres lettres dont il ot I charretées de buche; item à Jehan Frédé, bouchier, demourant à Monstercul, unes autres lettres dont il ot prouffit, ne scet quel, mais il s'en rapportoit audit Jehan, lequel en sa presence a affermé qu'il lui bailla XL solz ou ш francs, ne scet lequel; item à Guiot Beauquegne une ou deux paires de lettres, ne scet lequel, dont il ot et receut, si comme il lui samble, XL solz parisis, et s'en rapportoit audit Guillot; item à Jehan Grosset une ou deux paires de lettres, ne scet lequel, dont il ot et receut, si comme il lui samble, xx solz parisis; item fu requis se d'icelles lettres il avoit baillié à autres personnes dont il lui souvenist, et se il en avoit eu prouffit, oultre ce que dessus. est dit, lequel nous respondi et dit que non; et ce certiffions. par ces presentes esqueles, en tesmoing de ce, nous avons fait mettre à ces lettres le seel de la prevosté de Paris. Ce fut fait l'an et le jour dessus diz.

II.

(Signé :) J. LE PREUX'.

A tous ceulx qui ces lettres verront, Audoin Chauveron, chevalier, conseillier du Roy nostre seigneur, garde de la

1. Bibliothèque nationale, ms. latin 9895 (Cartulaire de l'archevêché de Sens), f 149.

prevosté de Paris, salut. Comme nagaires messire Estienne. Balande, prestre, doyen en l'église de Monstereul ou fault. Yonne, eust esté prins et emprisonné ou Chastelet de Paris. pour les causes contenues et dont mention est faicte es lettres, parmi lesqueles ces presentes sont annexées, ét aussi eussent esté prins et mis en la main du Roy nostre seigneur tous les biens meubles et temporel dudit Estienne, depuis lequel emprisonnement ainsi fait maistre Jaque Le Barbier, procureur en la court de reverent pere en Dieu monseigneur l'arcevesque de Sens, se soit trait par devers nous et nous ait requis à grant instance ledit messire Estienne à lui estre rendu, disant icellui estre subgiet et justiciable dudit monseigneur l'arcevesque, laquelle requeste oye, nous icellui messire Estienne avons rendu audit monseigneur l'arcevesque et icellui avons baillié audit maistre Jaque, et aussi lui avons baillié et delivré quant à present tous ses diz biens et temporel qui pour la dicte cause avoient esté mis en la main du Roy nostre dit seigneur, comme dit est. En tesmoing de ce, nous avons fait mettre à ces lettres le seel de la prevosté de Paris. Ce fu fait le mardi XIIe jour de septembre l'an de grace mil CCC IIII" et cinq. (Signé :) J. LE PREUX'.

1. Même registre, fo 150 vo.

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