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Le matin, un peloton du 2o régiment de hussards, sous les ordres du général Delort, avait chassé de Thorigny, c'est-à-dire de la route de Nogent à Sens, 50 éclaireurs cosaques. A midi, 60 chevaux, appartenant au 4 corps du prince royal Paul de Wurtemberg, apparaissaient en vue de Sens par la route de Villeneuve-l'Archevêque. A trois heures, 800 chevaux se présentaient aux portes de la ville, cependant que le prudent Schwarzenberg, au repos à Troyes, ralentissait la marche des corps sous ses ordres, au grand profit de Napoléon'.

Pourquoi le généralissime autrichien temporisaitil ainsi, alors que sa lenteur servait à merveille la rapide manœuvre de l'armée française?

Plan des alliés contre Napoléon. Suivant le plan des alliés, il avait été convenu que Schwarzenberg marcherait lentement contre Napoléon, avec toutes précautions possibles, tandis que Blücher, devant le chemin libre, s'élancerait sur Paris. Si Napoléon se rejetait sur Blücher, Schwarzenberg s'allongerait alors vers la capitale, menacerait ce que Napoléon avait le plus à cœur de conserver, et en même temps les derrières de son armée. Si Napoléon se divisait en deux pour tenir tête à l'ennemi, les forces considérables, dont on disposait aux

1. Le généralissime crut nécessaire de donner 48 heures de repos à ses troupes qui, n'ayant parcouru que peu de chemin et n'ayant eu que des escarmouches insignifiantes, s'étaient usées et affaiblies par une infinité de mouvements sur place (commandant Weil, La campagne de 1814, t. II. p. 48).

camps des alliés, permettraient de faire bon marché des faibles effectifs français'.

Mais une trop grande distance séparait les deux armées ennemies, et le génie de Napoléon devait tirer un éclatant profit de la témérité des prussiens, comme de la lenteur autrichienne.

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ainsi observé le mouvement offensif de l'armée française et la concentration de nouvelles forces entre Nangis, Montereau et Nogent, il faut nous reporter à Montereau, y suivre les mouvements menaçants des ennemis et les préparatifs de défense de la petite ville en péril.

Le 1er février, l'ordre avait été donné par l'empereur de fortifier les ponts. Le chef de bataillon Duriveau, commandant les troupes du génie de la petite armée de Pajol, commençait aussitôt les travaux de défense. I donnait des instructions écrites et précises pour guider les ingénieurs des ponts et chaussées placés sous ses ordres et chargés de l'exécution de ces fortifications passagères.

Le directeur général du corps des ingénieurs, M. Costaz, avait envoyé à Montereau, fin janvier, trois ingénieurs et deux elèves chargés de se joindre aux ingénieurs ordinaires des ponts et chaussées.

M. Eustache, ingénieur en chef, chargé de la haute direction des travaux, résidait à Melun;

1. Mémoires militaires et historiques, par le baron de Crossard, t. IV, p. 179.

2. Le chef de bataillon Duriveau devait être promu lieutenant-colone quelques jours plus tard.

M. Perrier venait de Laon, M. Grétry, de Melun, MM. de Besson et de Bédegis, d'Orléans'.

Ils étaient installés chez M. Grivois, propriétaire de l'hôtel de l'Ange, première maison à gauche de la Grande-Rue, en entrant à Montereau par le pont d'Yonne.

Leur service de jour et de nuit était accablant, et pour se transporter sur les chantiers, M. de Besson, avant l'arrivée ée de M. de Bédegis, qui ne vint qu'en dernier lieu, louait un petit cheval au père Lefranc, de Saint-Nicolas'.

Ils travaillaient avec zèle à des ouvrages qui ne leur étaient guère familiers; l'expérience leur faisant défaut, ils y suppléaient par la bonne volonté et une ardeur toute patriotique.

Ils s'inspiraient d'une instruction imprimée avec planches, émanant du ministère de la guerre, dans laquelle étaient décrits les principaux ouvrages de fortification passagère.

Ces ingénieurs adressaient régulièrement des rapports au général Pajol et à M. Eustache. Ils se plaignaient autant du manque d'outils que du manque d'argent pour payer les ouvriers. Ceux-ci, réquisitionnés à Montereau et dans les villages voisins, ne se trouvaient qu'en nombre insuffisant, les hommes valides ayant été enrôlés parmi les combattants ou la garde nationale.

Ils abattaient, débitaient et charriaient les arbres

1. Pajol, t. III, p. 119.

2. Paul Quesvers, La Bataille de Montereau.

3. Pajol, t. III, p. 119.

des grandes routes destinés à construire des barrières et d'énormes palissades aux entrées de la ville (faubourg du Gâtinais' et pont d'Yonne). D'autres ouvraient et creusaient des tranchées le

1. Dans son travail sur la bataille de Montereau, Tondu-Nangis, témoin oculaire (publié par P. Quesvers), écrit (page 8): « Montereau, par le côté où il était menacé, ne pouvait tenir deux heures contre des forces suffisantes, sans être complètement brûle, si le plateau qui le domine au nord n'était pas fortifié, ou au moins garni d'artillerie; et il ne l'était pas. »

Que pouvait en savoir Tondu-Nangis? Il ignorait le nombre de bouches à feu dont disposait Napoléon, ses ordres donnés le 7 février de Nogent pour organiser des batteries servies par les marins de Cherbourg et par les jeunes gens de l'École polytechnique :

Les quatre compagnies de canonniers dont j'ai ordonné l'organisation à Cherbourg sont-elles arrivées à Paris, ainsi que celles de Saint-Cyr? Les trois compagnies dont j'ai ordonné l'organisation à l'École polytechnique sont-elles en état, de même que celles des Invalides?... La présence seule de ces canons en imposera aux partis de cavalerie ennemie.» (Correspondance de Napoléon, lettre 21198; Napoléon à Clarke.)

Récapitulons les forces dont disposaient, à proximité de Montereau, le duc de Reggio et Pajol.

Le 7 février, le corps de Pajol se trouve ainsi réparti :

Se portant sur Sens: 1200 chevaux,

2 régiment de Cherbourg,

-

3000 gardes nationaux,

2 bataillons, - 2 bataillons du 118,

1 bataillon du 28°, formant une division d'environ 8000 hommes. 20 pièces d'artillerie.

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--

En seconde ligne, à Montereau. Moret, Nemours, Montargis : 3 à 4000 hommes d'infanterie, 800 chevaux, -- 1 bataillon du 36o, - Ibataillon du 2 léger.

Le 7 corps, du maréchal Oudinot, qui devait couvrir Montereau, possédait de son côté 4 balleries d'artillerie à pied, soit : 32 pièces; une batterie d'artillerie à cheval de 8 pièces.

Au total, 60 canons pouvaient se réunir à Montereau: et nous ne faisons pas état des 40 bouches à feu composant l'artillerie du maréchal Macdonald, dont le corps d'armée devait, selon les ordres de Napoléon, concourir à la défense de cette ville, non plus que de celle du maréchal Victor, alors à Nogent.

On le voit, le plateau de Surville pouvait, au moment utile, être garni de canons; et il l'aurait été en effet, si les événements causés par la faute d'un maréchal n'etaient venus contrecarrer le plan stratégique de l'empereur.

Les palissades, appuyées par cette artillerie, sinon formidable, du moins imposante, étaient suffisantes pour mettre Montereau à l'abri d'une attaque de troupes légères. Les critiques de Tondu-Nangis nous paraissent donc injustifiées.

long de l'Yonne, crénelant les maisons et les clôtures à l'extérieur de la ville.

A Montereau, ville de mariniers et de pêcheurs, la question des barques et des bateaux avait son importance; le général Pajol aurait voulu que tous fussent descendus sur Melun. L'ingénieur en chef s'y refusa et jugea suffisant de les faire passer sur la rive droite de la Seine1.

Du côté des faubourgs Saint-Nicolas et SaintMaurice, on n'entreprenait encore aucuns travaux de défense.

Le général de division baron Merlin, ainsi que nous l'avons vu plus haut, avait été chargé par le ministre de la guerre d'inspecter les ouvrages de défense à Montereau. Il le fit en compagnie du général Chanez, commandant la subdivision militaire, et du comte de Plancy', préfet de Seine-et-Marne.

Bien qu'âgé de trente-sept ans à peine, ce dernier, entré jeune dans l'administration, joignait à une expérience déjà longue un zèle sincère pour la chose publique, et il remplissait ses fonctions avec une grande énergie. A cheval dès cinq heures du matin, il se portait sur tous les points menacés ou envahis, escorté de quelques gendarmes'.

1. G. Lioret, 1814-1815 à Moret et dans les environs, p. 13; — Archives nationales, AF IV 1669.

2. Le comte de Plancy avait été initié de bonne heure aux affaires par son passage au Conseil d'État; il fut préfet à 27 ans, par l'appui de son beau-père, Lebrun (l'ancien consul devenu archi-trésorier de l'Empire), il avait successivement administré les départements de la Doire, en Piémont, et de la Nièvre, avant d'étre, le 30 novembre 1810, nommé préfet de Seineet-Marne.

3. Abel Rigault, L'Invasion de 1815 en Seine-et-Marne, p. 53; — Comte de Plancy, Souvenirs.

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