Imágenes de página
PDF
ePub

tait au château et qu'il fit habiller à ses frais, ni surtout des deux cents Autrichiens qu'il y vit en piteux état et vêtit également. Il paya même à dîner aux uns et aux autres, car il n'était point dans le dénument, comme chargé de mission quasi officielle. Il occupait un charmant appartement entre une pension tenue par des Dames de Saint-Cyr et une caserne de cavalerie; il fréquentait librement la société, prenait part aux commérages, sortait même de la ville pour aller déjeuner à l'ermitage de Franchard et diner aux Pressoirs du Roi, chez la princesse de Bergues, au château de Montgermont, chez Monsieur de Gontaut, au château de Saint-Brian, chez Monsieur de Châteauvillard, où la charmante Mademoiselle de Ferrières, jolie fille pauvre, peignant de petits portraits à l'huile, pour s'aider à vivre, lui plut infiniment.

Swinburne assistait à des comédies d'amateurs, ne manquait aucune soirée, excursionnait en forêt et sur les bords du Loing, où il visitait curieusement la jolie ville de Moret. Sa vie d'interné fut très douce, et, lorsqu'après avoir quitté Fontainebleau il regagna l'Angleterre, il emportait cent mille francs pour les prisonniers français qui étaient si malheureux en son pays. Toutefois il n'avait pas rempli sa mission; le commodore Smith restait à Paris, au Temple, mais pas longtemps, car il s'en évada, le 24 avril 1798, avec le capitaine Wright, au moyen d'un faux ordre qui leur permettait de se rendre à Fontainebleau, et grâce à des complicités que la police du Directoire ne tint pas à rechercher dans la crainte de compromettre le ministre Dondeau.

MAURICE LECOMTE.

teste

LA DÉSOLATION

DES CAMPAGNES GATINAISES

PENDANT LA GUERRE DE CENT ANS

UELLE que soit l'époque où elles sévirent, les guerres ont toujours amené avec elles un fâcheux contingent de tristesses, de ruines et de désastres. Si aujourd'hui nous avons tant à déplorer les néfastes conséquences de toutes les inventions de la balistique et de la chimie modernes, l'histoire nous apprend que le passage et le séjour des ennemis sur notre territoire furent une éternelle occasion de déprédations sans nombre, de crimes impunis, d'orgies immondes et d'incendies plus ou moins prémédités. Qu'ils s'appellent reîtres ou autrement, les envahisseurs sont toujours des barbares, chez qui les plus mauvais instincts se développent avec une surprenante facilité; et, pour être moins savamment et moins méthodiquement organisées qu'à l'heure présente, les dévastations commises par les armées d'autrefois ont été tout aussi douloureuses pour les populations qui en furent les victimes'.

1. D'après un document de l'année 1379 (Archives nationales, JJ 115, no 293), le pape aurait excommunié les Anglais et des ordonnances royales auraient interdit aux Français de faire quartier à ceux des ennemis qui seraient faits prisonniers.

Les témoignages abondent. Il n'est pas inutile cependant de les multiplier. Quelques textes inédits, relatifs pour la plupart à la région du Gâtinais comprise dans l'ancien bailliage de Melun, nous feront assister à une véritable désolation du pays à l'époque de la Guerre de Cent ans'; ils expliquent l'abandon de beaucoup d'habitations, provoqué par une émigration systématique, dont les traces n'ont pas disparu complètement après de longs siècles, vers des contrées moins éprouvées et des cieux plus cléments. Des exploitations agricoles isolées, installées sur un sol d'une fertilité insuffisante, ne purent résister; des établissements religieux ruraux, réduits à néant, se relevèrent à grand peine; des églises, hâtivement fortifiées pour résister à l'invasion et servir de refuges aux populations effrayées', subirent des

1. Les Archives du Vatican et quelques autres documents épars ont fourni la matière d'une intéressante et suggestive publication du P. Henri Denifle La désolation des églises, monastères et hôpitaux en France pendant la Guerre de Cent Ans (Paris, 1897-1899, 2 vol. in-8). Malheureusement, la région comprise dans les anciens diocèses de Sens et d'Orléans est à peine représentée dans ce recueil.

:

2. S. Luce, dans son Histoire de Bertrand Duguesclin et de son époque (1876), p. 479 et 499-502, a donné un premier essai de liste des églises alors fortifiées Batilly, Bazoches-les-Gallerandes, Beaune-la-Rolande, Cepoy, Charsonville, Épieds, Montigny, Saint-Michel (Loiret); Notre-Dame de Château-Landon (Seine-et-Marne); Boissy-sous-Saint-Yon, Notre-Dame d'Étampes (Seine-et-Oise); Villeblevin (Yonne). Il y en avait beaucoup d'autres. L'église fortifiée de Pont-sur-Yonne est mentionnée en 1418 (Douët d'Arcq, Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI, t. II, p. 82). Les abbayes elles-mêmes étaient protégées de la même manière; outre Fontainejean, La Joye-lez-Nemours, Ferrières, Saint-Séverin de Château-Landon (Denifle, t. I, p. 27), on peut citer l'abbaye du Lys (Delachenal, Histoire de Charles V, t. II, p. 114); nous ajouterons ce texte de février 1360, qui se rapporte aux précautions prises sur ce dernier point : ... raser les [murs de Saint] Père emprès Meleun au lez par devers la Brie, et le pignon de l'église du Lix » (Bibliothèque nationale, ms. français 26002, no 924).

attaques et des incendies que l'oeil de l'archéologue sait parfois distinguer encore; dans des villes même, momentanément occupées par les Anglais ou leurs alliés (Navarrais ou Bretons), à défaut de scènes de pillage et d'horreur qui purent être évitées, on vit pour le moins les populations rançonnées et violentées. Les années les plus terribles furent celles pendant lesquelles les bandes commandées par Robert Knolles occupèrent la contrée entre Seine et Loire, de 1358 à 1360'. C'est l'heure où la petite ville de Châtillonsur-Loing subit un feu terrible'; où les seigneurs ligués s'efforcent d'arrêter le prince de Galles dans sa marche vers Paris en lui livrant un combat à Villemaréchal'; où le prieur de Notre-Dame des Brûlés', fuyant l'envahisseur qui vient d'occuper le village voisin de Chantecoq', se réfugie dans un bois voisin, s'abrite derrière une grange et reste caché du 4 juillet au 29 octobre 1359 pour échapper au danger qui l'étreint'. C'est l'heure où les habitants de la ville de

1. Voir les Grandes Chroniques de France, les récits de Froissart et de Jean le Bel; S. Luce, ouvr. cit., pp. 297-303 (Le Bois, signalé p. 500 comme étant à Dormelles, est en réalité à Villegruis près Provins); Delachenal, Histoire de Charles V, t. II, p. 185; Annales de la Société du Gálinais, t. VII, pp. 285-292; t. X, pp. 191-220; et t. XXI, pp. 304-319 (procès-verbal de visite des places fortifiées du bailliage de Melua en 1367, où l'on voit que toutes ou presque toutes les églises de la région avaient été transformées en forteresses). En 1360, le bailli de Sens convoqua des nobles du bailliage, visita avec eux maints villages et forteresses, et convint avec eux d'ordonner la démolition de tout ce qui pouvait être utilisé par l'ennemi comme lieu d'asile ou de ravitaillement (Archives nationales, JJ 89, no 615).

2. Grandes Chroniques de France, édition P. Paris, t. VI, p. 151. 3. Annales de la Société du Gâtinais, t. X, p. 191.

4. Commune de Domats, canton de Chéroy (Youne); cf. Paul Quesvers

et Henri Stein, Pouillé de l'ancien diocèse de Sens, p. 60.

5. Canton de Courtenay (Loiret).

6. Bibliotheque de l'École des Charles, 4° série, t. III (1857), p. 259.

XXXIII.

9

Ferrières, qui ont déjà beaucoup souffert, se déclarent autorisés à trouver asile dans l'intérieur de l'abbaye, sans payer aucune redevance aux religieux, tout le temps que dureront les incursions ennemies'; où les habitants de Château-Landon', deux fois soumis au joug des Anglais au cours de l'année 1358, ayant subi les horreurs du pillage et de la dévastation, mal protégés par une mise en état de défense incomplète et navrés des graves pertes que la guerre leur a valu/obtiennent de se fortifier plus sûrement et plus efficacement, à la condition toutefois que l'entretien des nouvelles fortifications restera à leur

1. Archives nationales, X 25, n° 140: « A touz ceux qui verront ces présentes lettres, Jehan Guerart, tabellion notaire juré dou seel et de l'escripture de la prevosté de Ferrieres en Gastinois, et garde doudit seel, salut. Saiche tuit que par devant nous vindrent en leurs personnes Blaivot Picart, procureur de religieuses persones et honnestes monseigneur l'abbé et couvent de Ferrieres, d'une part, et Tevenon de Praesles,-en son nom et comme procureur de Jehan Lelievre, Jehan et Pierre Les Brideurs freres, Tevenon Briart, Thibaut Du Bois, Jehan Barre, Jehan Melaigne, Guillaume Petrinier, Guillaume Le Mestrat, Guillaume Cergeau dit Tappereau, Guillaume Le Caux, Jehan Vernoul, Guillot Ferreur et Penisset de Beaujeu, de Ferrieres, touz consors en ceste partie, d'autre, les diz procureurs fondez de procuration suffisante, et aiens povoir de transiger et faire toutes maneres d'acors et transactions, si comme il est plus à plain contenu entre les autres clauses de leurs procurations dont il nous est apparu; et recognurent et confesserent par devant nous les diz procureurs en nom de procuration qui du descort qui estoit inehu ou espéré à movoir en cas d'appel par devant nous tres grans et tres dobtez seigneurs messeigneurs du parlement du roy estant à Paris, entre les diz religieux appellans, Adam Nicolas, naguieres gouverneurs de la baillie de Chasteaulandon, Gres et Nemox de par messire le captal de Beuch, Guillaume Depons, son commissaire, et les dessus diz consors, pour raison de ce que les diz consors maintenoient que ils avoient droit de demorer durans le temps des guerres en certains loigies et maisons estans dedans la closture des murs de l'abbaye de Ferrieres comme en forteresse, senz en paier aucun profit aus diz religieux..... Donné le mardi avant la feste de l'Annunciation Nostre Dame l'an de grace mil sexante et six ».

Cf. aussi Archives nationales, JJ 90, fo 38; document de 1358, partiellement publ. dans les Annales de la Société du Gâtinais, t. XVII, p. 318. 2. Archives nationales, JJ 90, f' 212; voir pièce justificative III.

« AnteriorContinuar »