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1o Liberté pleine et entière pour la production et la circulation des richesses; d'où la fameuse formule: Laissez faire, laissez passer;

2o Les richesses proviennent uniquement de la terre; d'où cette affirmation que seuls les agriculteurs forment la classe productive.

Quesnay, médecin de Louis XV, fut le premier de ces économistes aujourd'hui connus sous le nom de physiocrates; après lui vinrent Gournay, Mercier de la Rivière, Morellet, Mirabeau, le père de l'orateur, l'abbé Beaudeau.

Ces hommes à l'esprit élevé séduisirent Du Pont. Il marcha sur leurs traces et publia, en 1763, un opuscule intitulé Réflexions sur la richesse de l'État, qui le mit en relations avec Quesnay et les penseurs de son école. Aussi, en 1765, les économistes ayant créé le Journal de l'Agriculture en confièrent-ils la rédaction à Du Pont.

Certes, ce n'était pas là une profession bien sûre et bien assise; néanmoins le 26 janvier 1766, le jeune directeur épousait Me Lédée de Rencourt, « femme pleine de cœur et d'esprit », dont il eut l'année suivante un fils nommé Victor.

Le Journal de l'Agriculture eut un véritable succès : à diverses reprises, Turgot, qui suivait avec intérêt les travaux des physiocrates, adressa ses félicitations au rédacteur en chef. Mais, par commandement supérieur, Du Pont fut pressé jusqu'à l'obsession d'avoir à défendre des idées qui n'étaient point les siennes; il refusa et quitta le journal.

Il traita alors les parties les plus essentielles de la science économique en différents ouvrages dont les

premiers parurent dans les Éphémérides du Citoyen récemment fondées par l'abbé Beaudeau. En 1768, ses collaborateurs le placèrent à la tête des Éphé

mérides.

Cette Revue lui servit à développer son talent, à recevoir les louanges de Voltaire, et surtout à lier amitié avec Turgot. Cependant, malgré les mérites du rédacteur, la caisse des Éphémérides était sou

vent en déficit. Du Pont ne touchait son traitement que d'une façon fort irrégulière, d'où des préoccupations financières encore aggravées par la naissance d'un second fils, Irénée.

Il y a plus les Éphémérides tendant à substituer la liberté à la réglementation, quelques gros personnages dévoués à l'ancien ordre de choses parvinrent à les faire supprimer en 1772.

A la suite de cet événement, Du Pont traversa une période critique. Atteint dans sa situation pécucuniaire et, par surcroît, dans sa santé, marié, père de famille, il fit face à l'infortune et demeura fidèle à

sa cause.

Pourquoi aurait-il désespéré alors que la nouvelle doctrine progressait de jour en jour jusque chez les nations étrangères? Sous l'influence des économistes, Gustave Wasa, roi de Suède, et Charles-Frédéric, margrave de Bade, travaillaient à établir dans leurs États la liberté commerciale. Ces deux princes, sitôt les Éphémérides disparues, demandèrent à Du Pont de leur fournir, souvent et moyennant salaire, des renseignements écrits sur les questions d'actualité.

En 1773, le margrave le manda à sa cour pour organiser ses finances. Du Pont alla à Carlsruhe,

mais jalousé, insuffisamment rétribué, il n'y resta point.

De retour à Paris, il accepta avec empressement la proposition du prince Czartoryski, lequel, grâce à l'intervention de Mirabeau le père, l'appelait en Pologne comme précepteur de ses enfants. L'offre était tentante; le prince lui assurait annuellement des honoraires de 10000 francs, le défrayait de son voyage et lui promettait, au bout de dix ans, 100000 francs d'indemnité, avec une avance iminédiate du tiers, soit 33000 francs.

C'est à l'aide de cette somme que,. le 11 juillet 1774, il acheta le domaine du Bois-des-Fossés à Mathurin Prieur de la Comble, avocat, subdélégué à Nemours, et à son frère Lambert-Charles Prieur de la Comble, officier d'infanterie.

Le Bois-des-Fossés, sis en la paroisse de Che-vannes, autrefois bailliage de Nemours, aujourd'hui canton de Ferrières, département du Loiret, se composait d'une maison de maître avec jardins, ainsi que d'un corps de ferme entouré de terres labourables, de vignes et de prés.

La propriété se trouvait à proximité du Bignon où demeuraient les Mirabeau; or, Du Pont était familier avec eux par l'intermédiaire de Mirabeau le père ou l'Ami des hommes qui faisait partie, comme lui, de • la secte économique ». Il est donc permis de supposer que ses séjours au Bignon lui fournirent l'occasion de connaître le Bois-des-Fossés et, par suite, de s'en rendre acquéreur.

Toujours est-il que, de son propre aveu, il avait ainsi en vue de pourvoir les siens d'un refuge, au

cas où il mourrait; il voulait en même temps, avant de partir en Pologne, garder un point d'attache avec son pays. Écrivant à l'un de ses parents après la signature de l'acte, il lui disait : « Je prends-là un préservatif contre les fumées de l'ambition. »

Cette affaire réglée, il se rendit à Varsovie à la fin de juillet 1774, avec sa femme et ses enfants.

Il y résidait depuis quelques mois à peine lorsque Turgot fut nommé Contrôleur général ou, selon l'expression moderne, Ministre des finances.

Ces deux hommes s'appréciaient à leur valeur et se complétaient l'un l'autre. Aussi le nouveau Contrôleur général envoya-t-il à Du Pont l'injonction formelle de rentrer en France, non toutefois sans lui procurer les fonds nécessaires au remboursement du prince Czartoryski. En compensation, il lui donna une charge d'Inspecteur des Manufactures et, pour l'avoir près de lui, l'installa au Ministère des finances.

Dès ce moment, sitôt que, en dehors de son service à Paris ou à Versailles, Du Pont pouvait disposer de quelques jours, il venait à Chevannes.

La maison du Bois-des-Fossés, modeste habitation de campagne du XVIIe siècle, occupe le versant droit de la paisible vallée du Bez. Devant la façade principale, exposée au midi, règnent des jardins en amphithéâtre'; au bas une prairie où serpente le ruisseau du Bez, bordé de saules et de peupliers; plus loin, de l'autre côté du vallon, une colline boisée derrière laquelle, à un bon kilomètre, repose le village de Chevannes. Sur la face opposée, la ferme

1. On prétend que ces jardins ont été aménagés et tracés par Du Pont lui-même.

attenante; vers l'orient, les potagers et le parc plein d'ombre. C'est la véritable demeure d'un philosophe; tout dit ici la douceur de vivre.

Du Pont s'y trouvait le 11 septembre 1775, date à laquelle Turgot lui envoyait ces quelques mots : J'ai reçu, mon cher Du Pont, vos deux lettres et je suis fort aise de vous savoir content comme nous n'avons de guerre que la guerre sourde et

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» continue contre les fripons, vous pouvez dormir » et travailler à votre aise..... Si vous m'apportez de bonne besogne, vous aurez bien travaillé pour > vous et pour moi. »

Pendant son passage au pouvoir, Turgot tenta de corriger les excès et les erreurs du pouvoir. Ses efforts échouèrent et lui attirèrent la haine de ceux qui se croyaient frappés dans leurs privilèges : le 12 mai 1776, il fut écarté du ministère.

Cet événement marqua un échec pour les doctrines économiques. Nombre de gens, dans les >> hautes classes et dans la bourgeoisie, s'accro> chaient à l'espoir de trouver dans cette grande » école les formules efficaces qui remédieraient aux > abus et guériraient les plaies invétérées..... Turgot parti, croulait la foi dans la vertu curative des principes, dans la puissance des théories, dans » les bienfaits de la logique. C'en est fait désormais, jusqu'en 1789, de la philosophie appliquée à la politique, des idées générales présidant à la direc» tion des affaires de l'Etat'. »

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1. Marquis de Ségur, Au couchant de la monarchie.

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