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fortuitement échappés à la plume des écrivains, dont il rapportait les textes: Multifarious, qui se présente sous un grand nombre d'aspects, (Glanville; Evelyn ); Uxorious, qui est trop épris de sa femme, trop soumis à ses caprices (Bacon, Milton), etc., etc. J'invoque sur ce point la grande ombre de Pope, les mânes de lord Byron, le goût et la critique de MM. Moore, Rogers, Campbell, et du philosophe peintre et poète Walter Scott.

Voici une observation que je crois nécessaire de soumettre à mes lecteurs. Les mots dont j'ai composé mon Archéologie Française, ainsi que ceux de mon Vocabulaire de privatifs qui parut en 1794, ne sont pas tous également susceptibles d'être naturalisés ou réintégrés dans le langage moderne. J'ai indiqué aux poètes, aux prosateurs les sources d'où je les ai tirés : c'est aux uns et aux autres à les employer ou à les rejeter selon leurs inspirations. Par exemple, M. Bréghot du Lut, que je viens de citer, remarque avec justice, sur les mots abscondre, v. a., Archéologie, tom. I, p. 2, aliène, adj. des deux g., ibid., p. 14, qu'ils

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ne sont ni sonores, ni nécessaires. Quant au vieux français cantilène, s. f., ibid., p. 78, qu'il paraît disposé à blâmer, j'observerai que ce mot, emprunté de l'italien cantilena, n'est point exactement synonyme du français chant, chanson, mais qu'il signifie le motif d'une ariette. Au reste, j'approuve hautement ce qu'il dit ensuite, lorsqu'il blâme quelques-uns de nos écrivains modernes, dont la manie est de créer des mots qui n'ont de français que leur désinence. Il les compare ingénieusement à l'écolier limousin dont parle Rabelais, qui despumoit la verbocination latine, et que Pantagruel prit à la gorge, pour le forcer à s'exprimer naturellement. Ce serait, en effet, échanger la belle langue de Racine contre celle de Ronsard et de quelques-uns de ses modernes imitateurs.

Me sera-t-il toutefois permis d'espérer que je n'ai pas été tout-à-fait inutile à notre littérature en publiant mon Archéologie Française. Si je n'ai pas agrandi le domaine de la langue, je lui ai restitué du moins quelques-unes de ses propriétés,

d'œil

et, comme l'observe très-bien M. Bréghot du Lut, tel mot qui paraît choquant au premier coup peut, s'il est employé par une main habile, devenir très-précieux à la langue. « Un grand écrivain ajoute-t-il, peut faire produire à une expression qui, présentée isolément, paraît étrange et rebu<< tante, des effets surprenans et inattendus. >> Tout le monde connaît les vers de Racine:

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Ces noms de roi des rois et de chef de la Grèce
Chatouilloient de mon cœur l'orgueilleuse faiblesse.

Mettre en œuvre et mettre en place, voilà le talent, voilà le goût, et Racine, le divin Racine!.......

Quoi qu'il en soit, je suis loin de vouloir attacher trop d'importance à mon Archéologie Française. Croirait-on néanmoins que, pour former ce Vocabulaire, j'ai été forcé de compulser plus de mille ouvrages, dont environ cinq cents en ancien français, manuscrits ou imprimés, cent trente en français moderne, trois cent quatre-vingts ouvrages en langues étrangères, sans parler des classiques grecs et latins. Mais accoutumé, de

puis quarante - sept ans révolus, à ce genre d'explorations philologiques, on ne doit me savoir aucun gré des peines que j'ai prises à cet égard; d'autant plus qu'elles ne sauraient être comparées aux recherches que m'a coûtées mon Trésor des origines et Dictionnaire grammatical raisonné de la langue française. Si mon âge et la nécessité de mettre la dernière main à ce long et difficile travail, auquel j'ai consacré ma vie entière, me le permettent, je donnerai une table bibliographique et raisonnée des auteurs que j'ai cités dans le cours de mon Archéologie Française, ce qui serait l'objet d'un troisième volume; mais mon Archéologie, telle que je la publie aujourd'hui, est complète.

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Peut-être, en parcourant cet ouvrage, quelquesuns de mes lecteurs attacheront-ils, non un sentiment d'intérêt, mais du moins un sentiment de curiosité, à voir le même homme résister à des contrariétés assez vives, ne point se laisser abattre, continuer durant près d'un demi-siècle, malgré les orages de la révolution, et la perte entière de

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sa fortune, son Trésor des origines et Dictionnaire
grammatical, etc., travail dont la masse, pour
me servir de l'expression d'un auguste person-
nage qui n'est plus, eût fatigué une congrégation
de bénédictins; puis, faire sourire en même temps
quelques lecteurs
par des compositions d'un genre
moins austère.... Peut-être tout cela sera-t-il ou-
blié. Eh bien, si je vis dans le souvenir de quel-'
ques amis, non, je ne serai point ingrat, ni impie
envers la destinée, et je dirai: Puisqu'il en est
ainsi, et que le ciel a permis que je ne courbasse
jamais mon front devant mes tribulations person-
nelles, j'ai obtenu le gros lot de la vie.

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