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V.

EXISTENCE DE DIEU.

[ Extrait du poëme de la Religion, par LOUIS RACINE.]

Oui, c'est un Dieu caché que le Dieu qu'il faut croire ;
Mais, tout caché qu'il est, pour révéler sa gloire,
Quels témoins éclatants devant moi rassemblés !
Répondez, cieux et mers, et vous, terre, parlez!
Quel bras put vous suspendre, innombrables étoiles?
Nuit brillante, dis-nous qui t'a donné tes voiles !
O cieux, que de grandeur et quelle majesté !
J'y reconnais un Maître à qui rien n'a coûté,
Et qui dans vos déserts a semé la lumière,
Ainsi que dans les champs il sème la poussière.
Toi qu'annonce l'aurore, admirable flambeau,
Astre toujours le même, astre toujours nouveau,
Par quel ordre, ô soleil, viens-tu du sein de l'onde
Nous rendre les rayons de ta clarté féconde ?
Tous les jours je t'attends, tu reviens tous les jours
Est-ce moi qui t'appelle et qui règle ton cours?
Et toi dont le courroux veut engloutir la terre,
Mer terrible, en ton lit quelle main te resserre ?
Pour forcer ta prison tu fais de vains efforts:
La rage de tes flots expire sur tes bords.

EXISTENCE DE DIEU,

vers de L. RACINE mis en prose.

Oui, c'est un Dieu invisible que le Dieu imposé à notre croyance; mais, tout invisible qu'il est, quels témoignages pompeux se réunissent à mes yeux pour sa glorieuse révélation! Ciel, océan, terre, répondez à ma voix. Quelle main vous tient suspendus, astres sans nombre? Nuit éclatante, nomme moi l'auteur de tes ténèbres !

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Des vers mis en prose.

Des vers

mis

en prose.

O ciel, que tu es grand et majestueux! Je vois un Créateur qui a tout fait sans peine, et qui dans tes solitudes a répandu le jour, comme il répand le sable dans nos campagnes. Toi que précède l'aurore, foyer magnifique de la lumière, qui sans changer te renouvelles sans cesse, qui t'ordonne, ô soleil, de sortir des mers pour nous rendre ton éclat fécondant ? Chaque jour tu remplis mon attente quotidienne est-ce moi qui te prescris de paraître et qui dirige ta marche ? Et toi dont la fureur veut submerger le monde, Océan redoutable, quel bras te refoule dans tes abîmes? Tu t'efforces en vain de rompre tes chaînes tes vagues furibondes vont mourir sur le rivage.

Plus l'expression poétique est juste et pittoresque, plus il est difficile de trouver un synonyme qui la rende en prose, avec sa force ou son élégance. Souvent même il faut, de toute nécessité, la reproduire sans aucune altération, ou se résoudre à une circonlocution traînante. Dans cette alternative, l'instituteur fournira à l'écolier des indications certaines et décisives, puisées à la source du bon goût et de la raison.

Les vers mis en prose doivent, comme les traductions et les analyses, être copiés dans un cahier particulier, que nos élèves se garderont bien de perdre. Nous verrons bientôt quel parti on peut en tirer.

VI.

Des narrations orales.

Comme il faut procéder en tout par degrés, crainte de compromettre son acquis faute d'une marche naturelle, on passera, des exercices que nous avons successivement, indiqués à celui de la composition, par une voie qui en facilite l'accès. Les travaux exécutés jusqu'ici ont sans doute fourni à nos élèves de vives lumières sur les rapports comparatifs du français et des langues étrangères; mais vouloir dès maintenant les faire voler de leurs propres ailes, ce serait provoquer une chute funeste le dégoût que produisent les échecs, annihile le progrès. Partant du point de vue que celui qui sait parler sur des faits aura bientôt l'habitude d'écrire ses réflexions, nous préparerons notre disciple à la composition écrite, en lui faisant faire des narrations orales.

Cet exercice fait immédiatement suite aux Leçons de conversation ou de langage pratique.

Suivant donc une marche progressive qui mène l'élève, sans transition brusque, au but que nous avons en vue, nous débuterons par une simple anecdote, par une historiette à la portée de son intelligence. Nous la lui lirons, une, deux, trois fois, plus même s'il le faut, lentement, en faisant bien sentir la coupe

Des

orales.

des phrases, et en appuyant avec intention sur les narrations mots les plus saillants. Pour nous assurer qu'il comprend bien ce qu'il entend, il traduira à l'instant même, et de vive voix, chaque phrase dans sa langue maternelle. Alors il devra nous répéter ce petit récit, à peu près dans les termes que nous avons employés.

Quand un élève a suffisamment pratiqué la Leçon de conversation, les Narrations orales vont, pour ainsi dire, d'elles-mêmes: cela coule comme de source. Mais il est rare qu'un même et unique maître commence et finisse un élève : bien peu de jeunes gens ont cette chance heureuse. La plupart, au contraire, n'ont jamais pris part à une leçon de langage pratique, et ceux-là, on le conçoit, ne sont guère préparés à narrer de vive voix, même ce qu'ils viennent d'entendre lire. Lorsque, dans le cours de notre enseignement, nous rencontrons de ces langues difficiles à délier, langues qui se trouvent ordinairement au service d'une méchante mémoire, nous adoptons une marche lente et compassée. Une ou deux phrases nous fournissent alors la matière d'une leçon. Encore avonsnous souvent la précaution d'écrire au tableau les principaux mots de chaque phrase, pour que la vue de notre malheureux disciple vienne au secours de sa langue et de sa rétive mémoire.

L'expérience du maître de langue est juge du moment où son élève, faisant un pas de plus, lui racontera des anecdotes, des historiettes, de petits traits d'histoire, qu'il aura lus lui-même en français. La mémoire doit sans doute intervenir dans cet exercice

pratique; mais nous ne permettrons point qu'on vienne nous réciter une leçon apprise par cœur, et regarderons comme non avenue et à recommencer toute narration de cette espèce. Du moment que nous faisons cette remarque, nous devons nous hâter de rendre les exercices de narration orale assez longs, pour ôter aux jeunes gens l'envie de faire une affaire de mémoire complaisante d'un pur exercice de langage pratique.

Les exercices de narration orale, qui, nous le répétons, font suite aux Leçons de conversation, doivent être le complément de l'étude secondaire du français, à tous ses degrés. Il arrive un moment où nous sen tons qu'il faut chercher d'autres difficultés que celle de raconter une lecture faite en français. Alors notre élève ne doit plus nous raconter que ce qu'il aura lu dans sa langue maternelle. C'est à lui à aviser aux moyens qu'il mettra en œuvre : notre tâche se borne à l'écouter, à approuver ou à désapprouver. De même. que, tout à l'heure, nous lui avons interdit les histoires apprises par cœur, nous opposerons maintenant un véto formel aux histoires évidemment traduites; et, dans le cas où nos observations ne seraient point suivies de l'effet que nous avons le droit d'en attendre, hâtons-nous d'augmenter la tâche cela lui ôtera l'envie de transgresser nos lois.

Nous arrivons, par une marche toute naturelle, aux narrations orales non préparées. L'élève qui s'en acquittera à notre satisfaction, nous prouvera qu'il a bien mis nos leçons à profit. Qu'il nous raconte alors, sans aucune préparation autre qu'une simple donnée,

Des

narrations

orales.

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