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De la grammaire,

Les Allemands qui sont braves, honnêtes, courageux,

ou bien :

Les Allemands, qui sont braves, honnêtes, courageux,

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ai-je émis une idée absolument identique? Non, sûrement. Les trois adjectifs braves, honnétes, courageux, ne qualifient, en premier lieu, que quelques individus de la nation allemande; c'est comme s'il y avait Ceux des Allemands qui sont, etc. En second lieu, au contraire, l'usage de la virgule fait rapporter à tout le peuple allemand les qualifications de ma phrase incidente. « Il y aurait, dit l'Encyclopédie, au<< tant d'inconvénient à supprimer ou à mal placer « dans l'écriture les signes de la ponctuation, qu'à << supprimer ou à mal placer dans la parole les repos « de la voix. Les uns, comme les autres, servent à dé<< terminer le sens; et il y a telle suite de mots qui <«< n'aurait, sans le secours des pauses ou des ca<< ractères qui les indiquent, qu'une signification incer«< taine et équivoque, et qui pourrait même présenter des sens contradictoires, selon la manière dont on y grouperait les mots.

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« On rapporte que le général Fairfax, au lieu de signer simplement la sentence de mort du roi d'An

gleterre Charles I, songea à se ménager un moyen << pour se disculper, dans le besoin, de ce qu'il y avait << d'odieux dans cette démarche, et qu'il prit un détour qui, bien apprécié, n'était qu'un crime de plus. II « écrivit sans ponctuation, au bas de la sentence : Si

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« omnes consentiunt ego non dissentio, se réservant

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De la

d'interpréter son dire, selon l'occurrence, en le ponc- grammaire. « tuant ainsi : Si omnes consentiunt, ego non; dissen«tio, au lieu de le ponctuer conformément au sens « naturel qui se présente d'abord, et que sûrement il «< voulait faire entendre dans le moment Si omnes « consentiunt, ego non dissentio.

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« Un système de ponctuation construit sur de solides <<< fondements n'est pas plus propre à la langue française qu'à toute autre langue. C'est une partie de l'objet de la grammaire générale, et cette partie es<< sentielle de l'orthographe ne tient de l'usage national «< que le nombre, la figure et la valeur des signes qu'elle emploie. »

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"

II.

Exercices de mémoire, et dictées.

Les exercices de mémoire sont l'accompagnement obligé de l'étude d'une langue, morte ou vivante. « Ces « études, dit mademoiselle de Lajolais, que nous ci<< tons toujours avec bonheur, ces études ont le mérite « de développer et d'entretenir la mémoire, d'agrandir « le cercle des idées, et de pénétrer l'esprit du méca<< nisme de la phrase ou du choix des expressions.

La plupart des maîtres ont la louable habitude de faire apprendre à leurs élèves des morceaux choisis dans les bons auteurs en prose et en vers. Nous faisons de même; seulement nous croyons que, malgré les incontestables et supérieures beautés des grands écrivains du siècle de Louis XIV, ce n'est point exclusivement dans leurs chefs-d'œuvre que nous devons puiser les extraits que nous faisons apprendre à nos élèves. Il ne nous faut pas oublier que nous enseignons une langue qui doit surtout servir dans les relations sociales, où le langage va, s'il est permis de s'exprimer ainsi, plus terre à terre, sans cesser pour cela d'être français. Notre littérature possède des écrivains d'un mérite sans doute bien inférieur à celui des Corneille, des Racine, des Boileau, mais qui, par cela même que leur diction se rapproche davantage du langage de la

Exercices

et dictées

conversation, conviennent mieux aux études de mémoire des Étrangers. L'Athalie de Racine est, sans de mémoire contredit, un chef-d'œuvre du premier ordre; mais nous sommes intimement convaincu, pour en avoir fait l'expérience, qu'un élève qui a appris et récité avec toute la pompe qu'ils comportent ces beaux, ces magnifiques vers :

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en tire moins de profit que de ceux-ci, dont le mérite est des plus modestes :

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Ce n'est pas que nous conseillions de se borner, dans le choix des morceaux à apprendre par cœur, à ceux qui se rapprochent de la langue parlée. Notre opinion à cet égard est que l'on doit y mettre de la gradation et de la mesure préférer, au début des études, les extraits les plus simples, et réserver ceux de haute littérature pour l'enseignement supérieur.

L'usage de bien des maîtres est de ne faire apprendre des vers à leurs élèves; ils n'ont pas l'air de se

que

Exercices

et dictées.

douter qu'un peu de bonne prose ne serait aucunement de mémoire, à dédaigner. Nous osons ne point être de cet avis. Nos élèves doivent un jour, comme le bon M. Jourdain, s'exprimer en prose et non en vers. Notre habitude est d'adopter en cette circonstance comme en mainte autre un moyen terme, dont nous nous trouvons bien : nous faisons alterner les morceaux de vers et de prose. Les maîtres de langue française ont, du reste, souvent l'occasion de remarquer que les Étrangers ne goûtent pas si fort notre poésie ils la trouvent un peu trop collet monté.

:

Les librairies sont encombrées de Choix de poésies, de Chrestomathies, d'Ornements de la mémoire, etc., dont les auteurs, se reproduisant les uns les autres, semblent s'être donné la parole de ne fournir d'extraits que de nos chefs-d'œuvre, en prose et en vers. Cette tendance uniforme n'a point, en France, l'inconvénient qu'elle offre à l'Étranger. Nous en avons déjà donné la raison. Les maîtres de langues doivent, malgré cela, posséder ce qu'il y a de mieux en fait de compilations de ce genre; mais ils ne doivent pas s'y borner. Il faut utiliser dans le même but nos lectures courantes. Nous nous sommes souvent félicité d'avoir fait apprendre des passages tirés des feuilles périodiques ou quotidiennes. Les feuilletons de Jules Janin, par exemple, dans le Journal des Débats, le plus littéraire des journaux de l'Europe, contiennent souvent, malgré les oh! et les ah! dont ils sont émaillés, des endroits délicieux, éminemment français, et d'un style des plus pratiques. Nous nous souvenons d'y

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